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11/04/2019 | FRANCE | N°17LY01767

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 11 avril 2019, 17LY01767


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Dijon de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant global de 142 892,30 euros, avec les intérêts moratoires à compter de la réception de sa demande préalable du 3 octobre 2012.

Par une ordonnance n° 1603579 du 18 avril 2017, le juge des référés a condamné l'Etat à verser à M. A...une provision d'un montant de 142 892,30 euros, avec les intérêts taux légal à compter de la réception de la demande préalabl

e du 3 octobre 2012.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Dijon de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant global de 142 892,30 euros, avec les intérêts moratoires à compter de la réception de sa demande préalable du 3 octobre 2012.

Par une ordonnance n° 1603579 du 18 avril 2017, le juge des référés a condamné l'Etat à verser à M. A...une provision d'un montant de 142 892,30 euros, avec les intérêts taux légal à compter de la réception de la demande préalable du 3 octobre 2012.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2017, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la cour d'annuler cette ordonnance, ou à défaut, de la réformer, et de rejeter les conclusions tendant à l'octroi d'une provision présentées par M. A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Dijon.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée est irrégulière, étant insuffisamment motivée ;

- la provision sollicitée n'est pas justifiée dans son montant au regard de la nature des pièces dont M. A...se prévaut, quand bien même la responsabilité de l'Etat n'est pas contestée ;

- cette provision n'est pas justifiée dans son montant pour les années 1972 à 1979 au titre de l'assiette forfaitaire ;

- la même provision n'est pas justifiée dans son montant pour l'année 1990, au regard de l'article 10 de la loi du 22 juin 1989.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2017, M.A..., représenté par la SCP Richard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais du litige.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 janvier 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 89-412 du 22 juin 1989 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne,

- et les conclusions de MmeB... ;

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., au cours de sa carrière de vétérinaire libéral, a assuré des missions de prophylaxie collective des maladies d'animaux dans le cadre d'un mandat sanitaire que l'Etat lui a confié au cours des années 1972 à 1989 sur le territoire des départements de Saône-et-Loire et de l'Ain. Au titre de ces missions, il a perçu des rémunérations de l'Etat, assimilables à des salaires, qui n'ont pas donné lieu à cotisation aux régimes de retraites gérés par la caisse de retraite et de la santé au travail (CARSAT) et l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) et qui, par suite, n'ont pas été prises en compte dans le calcul de ses droits à pension. Après avoir fait valoir ses droits à la retraite au titre de son activité libérale le 1er janvier 2011, il a formé une réclamation préalable indemnitaire auprès du directeur départemental de la protection des populations de Saône-et-Loire par courrier du 3 octobre 2012, reçu le 8 août 2012, pour obtenir le paiement d'une somme de 142 892,30 euros en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait du défaut de versement par l'Etat de ces cotisations. Le ministre en charge de l'agriculture, qui a reconnu le principe de la responsabilité de l'Etat, a présenté à M. A...une proposition d'assiette de ces cotisations, par courrier du 21 mars 2013. Toutefois, M. A...a entendu contester la proposition de l'administration au motif qu'elle ne prenait pas en compte les années 1972 à 1979 et les salaires versés postérieurement au 31 décembre 1989 correspondant au mandat qu'il avait exercé avant cette date. M. A...a, en se fondant sur les bases chiffrées qu'il a déterminées, demandé au juge des référés du tribunal administratif de Dijon de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant global de 142 892,30 euros, avec les intérêts moratoires à compter de la réception de sa demande préalable du 3 octobre 2012. Par une ordonnance n° 1603579 du 18 avril 2017, dont le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt relève appel, le juge des référés a fait droit à cette demande.

Sur la provision :

En ce qui concerne la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. En se bornant à mentionner, pour estimer que l'existence de l'obligation invoquée par M. A...n'était pas sérieusement contestable, que la créance dont se prévalait l'intéressé, correspondant au montant des cotisations dues par l'Etat qu'il aurait à verser à titre de régularisation et le montant de la minoration de sa pension de retraite entre la date de son admission à la retraite et celle de cette régularisation, n'était, dans son montant, pas contestée pour une somme globale de 142 892,30 euros, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a insuffisamment motivé son ordonnance. Dès lors, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est fondé à soutenir que cette ordonnance est entachée d'irrégularité. Par suite, l'ordonnance attaquée du juge des référés du tribunal administratif de Dijon doit être annulée.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... en première instance.

En ce qui concerne la provision :

4. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision le cas échéant assortie d'une garantie que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.

S'agissant de la responsabilité de l'Etat :

5. Il n'est pas contesté que M.A..., par l'effet du mandat sanitaire qui lui avait été confié, avait la qualité d'agent non titulaire de l'État relevant du régime général de la sécurité sociale en application de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale ainsi que du régime de retraite complémentaire des agents publics non titulaires de l'État jusqu'au 1er janvier 1990, date d'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1989, aujourd'hui codifiée à l'article L. 221-11 du code rural et de la pêche maritime, qui assimile les rémunérations perçues au titre des actes accomplis dans le cadre du mandat sanitaire à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale. Par suite, en omettant de faire procéder à son immatriculation au régime général de sécurité sociale et au régime de retraite complémentaire des assurances sociales en faveur des agents non titulaires de l'État et des collectivités territoriales, l'État a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

S'agissant du montant de la provision :

6. En premier lieu, le préjudice ouvrant droit à réparation au profit de M. A...et dont il sollicite l'indemnisation correspond, d'une part, à son droit au remboursement du montant des cotisations patronales et salariales qu'il aura, en vertu de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, à acquitter au lieu et place de l'État, son employeur, pour la période durant laquelle il a exercé des activités au titre de son mandat sanitaire, tant auprès de la CARSAT que de l'IRCANTEC afin de percevoir une pension de retraite complète, et d'autre part, à la différence entre le montant des pensions qu'il a perçues, minorées faute de versement de ces cotisations, pour la période allant de la date de son départ à la retraite à celle du versement par l'Etat des mêmes cotisations, et le montant des pensions qu'il aurait dû percevoir si ces cotisations avaient été acquittées en temps utile. Il lui appartient, dès lors, d'apporter les éléments permettant d'évaluer tant le montant des cotisations patronales et salariales de retraite complémentaire qu'il aurait à verser à titre de régularisation que le montant de la pension qu'il aurait dû percevoir et, en particulier de justifier de l'exercice effectif d'opérations au titre du mandat dont il avait été investi par l'État et du montant des rémunérations perçues à ce titre au cours des années 1972 à 1979 pour lesquelles l'administration a estimé, pour refuser de lui proposer une assiette de ces cotisations au titre de ces années, qu'il n'apportait pas de telles justifications.

7. D'une part, dès lors que le montant des rémunérations perçues par les vétérinaires libéraux au titre du mandat sanitaire ne saurait se déduire de la seule existence de ce mandat, détenu par la quasi-totalité des vétérinaires à raison d'une activité qui ne revêtait au demeurant qu'un caractère accessoire et complémentaire, en plus de leur activité libérale, l'arrêté du préfet de la Saône-et-Loire du 19 novembre 1973 lui conférant un mandat de vétérinaire sanitaire dans sa clientèle en Saône-et-Loire, et l'attestation rédigée le 20 septembre 2012, par le secrétaire général de la direction départementale de la protection des populations de l'Ain, attestant du fait qu'il bénéficiait d'un mandat sanitaire dans ce département lui ayant été délivré en 1973, produits par M.A..., ne sont pas de nature à justifier des conditions de l'exercice de son mandat sanitaire et des revenus qu'il en aurait tirés au titre des années en cause. D'autre part, à défaut de produire toute pièce relative aux rémunérations qu'il aurait perçues à l'occasion d'opérations effectuées au titre de ce mandat, M. A...ne produit aucun élément permettant d'évaluer le montant des cotisations patronales et salariales de retraite de base et complémentaire qu'il aurait à verser à titre de régularisation et ne peut, dès lors, prétendre à aucune indemnité de ce chef. En l'absence d'élément de nature à justifier de l'existence même d'une rémunération à ce titre, il ne peut utilement, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, selon lesquelles " (...) lorsque le montant de la rémunération perçue par l'assuré n'est pas démontré (...), les cotisations sont calculées sur une assiette forfaitaire, fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de l'agriculture (....) ". M. A...n'est donc pas fondé à se prévaloir de ces dispositions pour obtenir une provision au titre des années 1972 à 1979.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 10 de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural ainsi que certains articles du code de la sante publique, applicable à compter du 1er janvier 1990, relatif aux rémunérations perçues au titre de l'exercice du mandat sanitaire : " (...) / Ces rémunérations sont assimilées, pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale. (...). ". Il résulte de ces dispositions que toutes les rémunérations perçues à compter du 1er janvier 1990 par les vétérinaires à raison du mandat sanitaire détenu par eux sont, quelle que soit la date de réalisation des prestations auxquelles elles se rapportent, réputées correspondre à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale. Par suite, M. A...ne saurait bénéficier d'une provision au titre de sommes perçues durant l'année 1990.

9. En troisième lieu, pour procéder au chiffrage de son préjudice devant le premier juge au titre des années 1980 à 1989, M.A..., d'une part, s'agissant des cotisations à verser à la CARSAT, s'est appuyé sur la proposition d'assiette des cotisations en litige faite par le ministre le 21 mars 2013, et sur des tableaux récapitulatifs établis par ses soins qui tiennent compte des salaires réellement perçus, dans la limite des plafonds de sécurité sociale en vigueur, des taux de cotisations, des coefficients de revalorisation et d'actualisation. D'autre part, il a déterminé le chef préjudice qu'il invoque, né de l'absence de versement des pensions par la CARSAT au regard du montant de ses salaires de base, de la moyenne de ses meilleures années de cotisations, du nombre de trimestres de cotisations au régime général de la sécurité sociale, soit 81, et du taux de 50 %. En outre, M. A...a calculé le chef de préjudice correspondant aux cotisations à verser à l'IRCANTEC au vu des montants des tranches de cotisations dues par l'intéressé et l'employeur. Enfin, il a déterminé le chef de préjudice correspondant aux pensions de retraite versées par l'IRCANTEC dont il a été privé compte tenu des montants des cotisations théoriques, du nombre de " points retraite " en résultant, de la majoration pour service militaire et pour enfants. Toutefois, ces modalités de calcul ne reposent pas sur les données fournies par la CARSAT ou l'IRCANTEC, et ne peuvent donc être regardées comme suffisantes pour estimer que le montant de la provision que M. A...demande au titre des années 1980 à 1989 ne serait pas sérieusement contestable.

10. Cependant, il n'est pas sérieusement contesté par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, qui reconnait explicitement la responsabilité de l'Etat dans la présente instance et a formulé une proposition à l'intéressé le 21 mars 2013, que M. A...a subi un préjudice du fait de sa non affiliation, tant auprès du régime général de retraite que du régime complémentaire, entre 1980 et 1989, correspondant au non versement de cotisations à la CARSAT et à l'IRCANTEC au regard des bases fixées dans cette proposition, lesquelles s'élèvent à un total de 637 059 francs, soit 97 119,33 euros. Dès lors, l'existence de l'obligation dont se prévaut M. A...au titre de ces années, correspondant à un tel montant, doit être regardée comme non sérieusement contestable. M. A...a droit aux intérêts au taux légal sur la somme correspondant à cette obligation à compter du 8 août 2012, date de réception par l'administration de sa demande préalable.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...est seulement fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser une provision d'un montant de 97 119,33 euros correspondant au montant des cotisations patronales et salariales à verser à la CARSAT et à l'IRCANTEC pour la période comprise entre 1980 et 1989 durant laquelle il a exercé des activités au titre de son mandat sanitaire, et au montant des intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 8 août 2012. Le surplus de ses conclusions doit donc être rejeté.

Sur les frais liés au litige :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, pour l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés par M. A...pour les besoins du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1603579 du 18 avril 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Dijon est annulée.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A...une provision d'un montant de 97 119,33 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 8 août 2012.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 28 avril 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

M. Chassagne, premier conseiller,

Lu en audience publique le 11 avril 2019.

6

N° 17LY01767


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01767
Date de la décision : 11/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé-provision.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice - Préjudice matériel - Perte de revenus - Préjudice matériel subi par des agents publics.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SCP YVES RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-04-11;17ly01767 ?
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