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11/04/2019 | FRANCE | N°17LY00555

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 11 avril 2019, 17LY00555


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'agriculture a rejeté sa réclamation du 20 décembre 2013, la décision expresse de rejet du même ministre du 21 février 2014 et la décision implicite du directeur des territoires de la Drôme rejetant sa réclamation du 23 décembre 2013 ;

- de condamner l'État à lui verser somme de 52 336,50 euros au titre des salaires non versés et 15 000 euros au titre du préjudi

ce moral.

Par un jugement n° 1402530 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'agriculture a rejeté sa réclamation du 20 décembre 2013, la décision expresse de rejet du même ministre du 21 février 2014 et la décision implicite du directeur des territoires de la Drôme rejetant sa réclamation du 23 décembre 2013 ;

- de condamner l'État à lui verser somme de 52 336,50 euros au titre des salaires non versés et 15 000 euros au titre du préjudice moral.

Par un jugement n° 1402530 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir condamné l'État à verser à M. B... une somme 1 014,02 euros a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 février 2017 et 15 novembre 2018, M. B..., représenté par Me de Pauli, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 1er décembre 2016 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision tacite du ministre de l'agriculture en suite de sa demande indemnitaire du 20 décembre 2013, la décision expresse du même du 21 février 2014 et la décision tacite du directeur des territoires de la Drôme en suite de sa demande indemnitaire du 23 décembre 2013 ;

3°) de condamner l'État à lui verser les sommes de 52 336,50 euros au titre des salaires non versés et de 15 000 euros au titre de son préjudice moral ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la prescription ne pouvait lui être opposée dès lors qu'il ne pouvait appréhender correctement les conditions de sa situation contractuelle ;

- la valeur des avantages accessoires dont il a bénéficié a été surévaluée ;

- il a été contraint de libérer son logement, de régler une redevance mensuelle de 406 euros, à compter du 1er janvier 2017 et s'est trouvé dans l'impossibilité de se reloger correctement, justifiant ainsi d'un préjudice à hauteur de 15 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 18 septembre 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal a considéré que la prescription était acquise pour la période du 24 avril 2003 au 31 décembre 2008 ;

- le requérant n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause le montant de l'évaluation des avantages accessoires ;

- le requérant n'est pas recevable à demander pour la première fois en appel la réparation d'un préjudice résultant d'un fait générateur distinct ; en tout état de cause, le préjudice est surévalué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription quadriennale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté, par contrat du 24 avril 2003, en qualité de gardien du bâtiment abritant les services de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt (DDAF) de la Drôme à Valence. Aux termes de ce contrat, intitulé " cahier des charges ", conclu pour une durée d'un an et renouvelable par tacite reconduction, M. B... en contrepartie, d'une part, de l'occupation d'un logement nu, s'engageait à assurer le gardiennage et la surveillance des locaux en dehors des heures de service et, d'autre part, en contrepartie d'avantages accessoires (eau, électricité, chauffage au gaz de ville) s'engageait à effectuer divers travaux d'entretien d'une durée hebdomadaire de dix heures. A compter du 1er mars 2011, M. B... a été également recruté en qualité d'agent contractuel à temps incomplet, pour exercer des fonctions d'agent d'entretien et de vaguemestre. Par courriers des 20 et 23 décembre 2013, il a demandé au ministre chargé de l'agriculture et au directeur départemental des territoires de la Drôme de l'indemniser des préjudices subis du fait de l'absence de rétribution des travaux d'entretien effectués depuis 2003 et du fait de la situation d'incertitude et de précarité dans laquelle il s'est trouvé à compter de 2011 du fait du départ de la DDAF des locaux dont il avait la garde. Par courrier du 21 février 2014, le ministre de l'agriculture lui a répondu qu'une expertise sur sa situation était en cours. Par un jugement du 1er décembre 2016, le tribunal a condamné l'État à verser à M. B... une somme 1 014,02 euros et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. " Aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours, et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ". En vertu de l'article 3 de la même loi, la prescription ne court pas contre le créancier qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement.

3. Il résulte de l'instruction que le requérant a pris connaissance et signé le contrat du 24 avril 2003 qui stipulait clairement qu'il devait effectuer " divers travaux d'entretien d'une durée hebdomadaire de 10 heures ", " en contrepartie des avantages accessoires (eau, électricité, chauffage au gaz de ville) ". En se bornant à faire valoir qu'il était sans formation et en situation de fragilité économique, le requérant n'établit pas qu'il ne pouvait savoir qu'aucune rémunération allait lui être versée au titre des travaux d'entretien accomplis. Ainsi, il ne peut être regardé comme ignorant légitimement l'existence de sa créance. Par suite, ainsi que le soutient le ministre, la prescription de la créance était acquise pour la période du 24 avril 2003 au 31 décembre 2008.

4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction et notamment des écritures du ministre produites en première instance qu'au titre de la période du 1er janvier 2009 au 28 février 2011, le requérant aurait dû percevoir en rémunération des travaux qu'il a effectués à raison de dix heures par semaine en application du contrat du 24 avril 2003, une somme de 9 945 euros calculée sur la base du salaire minimum interprofessionnel de croissance et de son évolution. Dès lors, il y a lieu de lui accorder cette somme au titre du préjudice financier qu'il a subi. Il résulte également de l'instruction que le requérant a subi lors du départ en 2011 de la DDAF des locaux dont il avait la garde et en raison de l'incertitude dans laquelle il a été laissé sur son avenir, un préjudice moral dont le ministre de l'agriculture a reconnu l'existence et qui peut être évalué à la somme de 5 000 euros.

5. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que les frais correspondant à une indemnité d'occupation du logement litigieux à hauteur de 406 euros par mois réclamés à l'intéressé à compter du 1er janvier 2017 ainsi que la nécessité dans laquelle il a été de se reloger ont pour origine l'obligation qui lui a été faite par le directeur des finances publiques de la Drôme de libérer le logement au plus tard le 1er septembre 2016 et ne présentent aucun lien de causalité directe avec la faute commise par l'administration concernant l'issue de son contrat de travail.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander que l'indemnité mise à la charge de l'État par le jugement attaqué du tribunal administratif de Grenoble soit portée à la somme de 14 945 euros.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par M. B....

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 1 014,02 euros que l'État a été condamné à verser à M. B... en réparation de son préjudice, par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 1er décembre 2016, est portée au montant de 14 945 euros.

Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 1er décembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : L'État versera la somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

4

N° 17LY00555

lm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00555
Date de la décision : 11/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : GOUX - DUBOEUF

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-04-11;17ly00555 ?
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