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11/04/2019 | FRANCE | N°17LY00361

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 11 avril 2019, 17LY00361


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la décision du 18 septembre 2014 par laquelle la secrétaire générale de l'Ecole nationale des greffes lui a demandé de signer un nouveau contrat d'engagement et, d'autre part, de condamner l'État à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices matériels et moraux subis.

Par un jugement n° 1407869 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 janvier 2017 et le 6 ao...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la décision du 18 septembre 2014 par laquelle la secrétaire générale de l'Ecole nationale des greffes lui a demandé de signer un nouveau contrat d'engagement et, d'autre part, de condamner l'État à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices matériels et moraux subis.

Par un jugement n° 1407869 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 janvier 2017 et le 6 août 2018, M. A..., représenté par Me Laspalles, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 décembre 2016 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 18 septembre 2014 ;

3°) d'enjoindre au ministre de la justice de le réintégrer et de se prononcer sur sa titularisation dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'État à lui verser une somme de 40 000 euros en réparation des préjudices subis ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la décision litigieuse n'est pas motivée ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- l'administration n'a respecté aucun délai de prévenance pour l'informer de son intention ou non de renouveler son contrat ;

- son stage ne pouvait être renouvelé une nouvelle fois pour une durée de six mois ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il a fait l'objet d'un traitement de défaveur et d'un harcèlement moral ;

- l'illégalité fautive de cette décision lui a causé des préjudices tant sur le plan matériel que moral, qu'il convient de réparer à hauteur de 40 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 11 juin 2018, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

- la décision litigieuse ne devait pas être motivée ;

- il n'est pas établi que la situation de M. A... n'aurait pas fait l'objet d'un examen individuel ;

- le requérant a été informé du renouvellement de son contrat, par courrier du 22 septembre 2014 ;

- la proposition de renouveler son stage pour une durée de six mois n'est entachée d'aucune erreur de droit ;

- cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il ne peut se prévaloir d'aucun fait de harcèlement moral ;

- l'administration n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

- le préjudice n'est ni établi, ni suffisamment quantifié.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- le décret n° 95-979 du 25 août 1995 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique pris pour l'application de l'article 27 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- l'arrêté du 17 avril 2012 relatif à la formation initiale et statutaire des greffiers des services judiciaires ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., travailleur handicapé, a été recruté, en application des dispositions relatives à l'emploi des personnes handicapées dans la fonction publique de l'État, par contrat conclu pour une durée de dix-huit mois, du17 septembre 2012 au 16 mars 2014 afin d'effectuer un stage en qualité de greffier des services judiciaires, à la cour d'appel de Grenoble. A l'issue de cette période, l'administration ne l'a pas jugé apte à être titularisé et a renouvelé son contrat pour une période de six mois, avec une affectation au tribunal de grande instance de Grenoble, à compter du 17 mars 2014. Après un avis défavorable du jury à sa titularisation et consultation de la commission administrative paritaire compétente, M. A... a été informé, par courrier du 18 septembre 2014, que son contrat était renouvelé pour une nouvelle période de six mois, à compter du 17 septembre 2014. M. A..., qui a refusé de signer un nouveau contrat, a adressé un recours au ministre de la justice afin d'obtenir sa titularisation, demande qui a été rejetée le 24 novembre 2014. Par lettre du 11 décembre 2014, M. A... a formé une réclamation indemnitaire. Il relève appel du jugement du 15 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 septembre 2014 et à l'indemnisation des préjudices qu'il a subis.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de M. A..., ni de citer l'ensemble des pièces qu'il avait produites, a suffisamment motivé son jugement.

Sur la légalité de la décision du 18 septembre 2014 :

3. Aux termes de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l'État : " (...) II. - Les personnes mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail peuvent être recrutées en qualité d'agent contractuel dans les emplois de catégories A, B et C pendant une période correspondant à la durée de stage prévue par le statut particulier du corps dans lequel elles ont vocation à être titularisées. Le contrat est renouvelable, pour une durée qui ne peut excéder la durée initiale du contrat. A l'issue de cette période, les intéressés sont titularisés sous réserve qu'ils remplissent les conditions d'aptitude pour l'exercice de la fonction (...) ".

4. Aux termes de l'article 8 du décret du 25 août 1995 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique pris pour l'application de l'article 27 de la loi précitée : " A l'issue du contrat, l'appréciation de l'aptitude professionnelle de l'agent par l'autorité disposant du pouvoir de nomination est effectuée au vu du dossier de l'intéressé et après un entretien de celui-ci avec un jury organisé par l'administration chargée du recrutement. (...) II. - Si l'agent, sans s'être révélé inapte à exercer ses fonctions, n'a pas fait la preuve de capacités professionnelles suffisantes, l'autorité administrative ayant pouvoir de nomination prononce le renouvellement du contrat pour la période prévue à l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, après avis de la commission administrative paritaire du corps au sein duquel l'agent a vocation à être titularisé /. Une évaluation des compétences de l'intéressé est effectuée de façon à favoriser son intégration professionnelle /. Si l'appréciation de l'aptitude de l'agent ne permet pas d'envisager qu'il puisse faire preuve de capacités professionnelles suffisantes dans le corps dans lequel il a vocation à être titularisé, le renouvellement du contrat peut être prononcé, après avis de la commission administrative paritaire de ce corps, en vue d'une titularisation éventuelle dans un corps de niveau hiérarchique inférieur. / III. - Si l'appréciation de l'aptitude de l'agent ne permet pas d'envisager qu'il puisse faire preuve de capacités professionnelles suffisantes, le contrat n'est pas renouvelé, après avis de la commission administrative paritaire du corps concerné. L'intéressé peut bénéficier des allocations d'assurance chômage en application de l'article L. 351-12 du code du travail ".

5. Aux termes de l'article 9 de ce texte : " La situation de l'agent dont le contrat a fait l'objet d'un renouvellement dans les conditions posées soit par l'article 7 soit par le II ou par le IV de l'article 8 ou par le II de l'article 8 du présent décret est examinée à l'issue de cette période : / s'il a été déclaré apte à exercer les fonctions, l'agent est titularisé dans les conditions posées au I ou au IV de l'article 8. La prise en compte de l'ancienneté acquise s'effectue dans les conditions prévues par le statut particulier. Cette prise en compte est limitée à la durée initiale du contrat avant renouvellement une année pour les agents mentionnés au II de l'article 8 ; / si l'agent n'est pas déclaré apte à exercer les fonctions, le contrat ne pouvant être renouvelé, l'intéressé peut bénéficier des allocations d'assurance chômage mentionnées au III de l'article 8 du présent décret ".

6. Aux termes des articles 2, 3 et 8 de l'arrêté du 17 avril 2012 susvisé : " (article 2) [La] formation est constituée - de périodes d'enseignements théoriques ; - de périodes de stages ; - d'une période de stage de mise en situation professionnelle. (...) (article 3) Les greffiers recrutés par concours interne et externe reçoivent à l'Ecole nationale des greffes une formation professionnelle initiale de 18 mois. Il en est de même pour les greffiers recrutés par la voie des emplois réservés ou de l'obligation d'emploi mentionnée à l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. (...) (article 8) Le stage de mise en situation professionnelle d'une durée de 6 mois a pour objectif de mettre le greffier en capacité d'exercer les fonctions spécifiques du premier poste sur lequel il est affecté (...) ".

7. En premier lieu, l'agent recruté au titre de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 se trouve pendant la durée de son contrat dans une situation probatoire et provisoire. Si ces dispositions lui accordent le droit d'effectuer un stage dans la limite de la durée maximale prévue par les règlements qui lui sont applicables, elles ne lui confèrent aucun droit à être titularisé. Il en résulte qu'alors même que la décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne, elle n'est pas, sauf à revêtir le caractère d'une mesure disciplinaire, au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de faire valoir ses observations ou de prendre connaissance de son dossier, et n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et les règlements.

8. La décision contestée, qui est fondée sur l'insuffisance professionnelle de M. A..., ne revêtait pas un caractère disciplinaire. Dès lors, elle pouvait légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de faire valoir ses observations ou de prendre connaissance de son dossier et n'entrait dans aucune des catégories de mesures qui doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979 alors en vigueur.

9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié de deux auditions avec le jury et de plusieurs entretiens avec sa hiérarchie. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'autorité administrative n'aurait pas procédé à un examen de la situation de l'intéressé au regard notamment de son handicap doit être écarté.

10. En troisième lieu, en soutenant que l'administration ne lui a pas notifié son intention ou non de renouveler son contrat, M. A... doit être regardé comme invoquant la méconnaissance des dispositions de l'article 45 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'État pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État selon lesquelles " Lorsque l'agent non titulaire est recruté par un contrat à durée déterminée susceptible d'être reconduit, l'administration lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement (...) ". Toutefois, ces dispositions qui sont comprises dans le titre XI du décret du 17 janvier 1986 ne sont pas applicables aux agents recrutés en application de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984, dès lors que l'article 11 du décret n° 95-979 du 25 août 1995 prévoient que seules les dispositions des titres Ier, II, III, IV, VI, VII et X, à l'exception des articles 5, 6, 7, 8, 9, 11 et 13, et les dispositions de l'article 48 du décret du 17 janvier 1986 sont applicables à ces agents.

11. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié d'un contrat initial d'une durée de dix-huit mois et d'un premier renouvellement de ce contrat d'une durée de six mois. La décision en litige, qui prévoit que M. A... devra accomplir une nouvelle période de stage de six mois, n'a pas, contrairement à ce qu'il soutient, pour effet de prévoir une durée globale de renouvellement de son stage supérieure à celle de son contrat initial, ou à celle prévue par le II de l'article 8 du décret du 25 août 1995. Enfin, M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions d'une circulaire du 15 décembre 2004 relative au recrutement, à l'intégration et au maintien de l'emploi des personnes handicapées qui est dépourvue de caractère réglementaire.

12. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse a été prise notamment au motif que les aptitudes professionnelles de M. A..., évaluées à l'issue de ses stages de mise en situation professionnelle à la cour d'appel de Grenoble et au tribunal de grande instance de Grenoble, ont été estimées insuffisantes, alors même qu'il a obtenu des appréciations favorables à l'issue de premiers stages pratiques effectués au sein de juridictions toulousaines. Ainsi, un rapport de la directrice de greffe de la cour d'appel de Grenoble fait état de difficultés relationnelles avec ses collègues ainsi que de connaissances insuffisantes des règles de la procédure civile devant la cour d'appel. Ces insuffisances ont été également confirmées à l'issue de la prolongation de son stage au sein du tribunal de grande instance de Grenoble. Si M. A... fait valoir qu'il n'a fait l'objet d'aucune sanction et s'il produit des attestations de collègues indiquant qu'ils n'ont connu aucune difficulté relationnelle avec lui au cours de ses stages, ces éléments ne suffisent pas à établir que le refus de le titulariser serait entaché d'une appréciation manifestement erronée de son aptitude professionnelle et de sa manière de servir.

13. En dernier lieu, le requérant invoque des faits de harcèlement moral lié à la remise en question injustifiée de son travail, ainsi que l'absence de mesures adaptées à la prise en compte de son handicap lors de son stage. Toutefois, il n'apporte aucun élément de nature à permettre d'apprécier la teneur de ces allégations, alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a fait l'objet d'un suivi médical et que l'emploi qu'il occupait était compatible avec son handicap.

14. Il ne ressort pas de ce qui a été dit précédemment que l'État aurait commis à l'égard de M. A... une faute ou des faits de harcèlement moral de nature à engager sa responsabilité. Par suite, les conclusions indemnitaires de M. A... doivent être rejetées.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 avril 2019.

7

N° 17LY00361


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00361
Date de la décision : 11/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-03-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Entrée en service. Nominations. Titularisation.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SELARL L.C.V

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-04-11;17ly00361 ?
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