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09/04/2019 | FRANCE | N°18LY01155

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 09 avril 2019, 18LY01155


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2017 du préfet de l'Isère portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et désignation du pays de destination.

Par un jugement n° 1706876 du 20 février 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté du 27 octobre 2017 et a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer un titre de séjour temporaire portant

la mention " vie privée et familiale " à M.D... dans le délai de deux mois à compter de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2017 du préfet de l'Isère portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et désignation du pays de destination.

Par un jugement n° 1706876 du 20 février 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté du 27 octobre 2017 et a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M.D... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2018, le préfet de l'Isère demande à la cour, d'annuler ce jugement du 20 février 2018 du tribunal administratif de Grenoble et de rejeter la demande de M. D....

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le refus de titre de séjour méconnaissait l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2018, M.D..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le refus de séjour est entaché de l'incompétence de son signataire ;

- ce refus méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 10 de l'accord franco-tunisien et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il contribue à l'entretien de son enfant de nationalité française dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'illégalité du refus de titre prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco- tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur,

- et les observations de MeC..., représentant de M. D...;

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant tunisien est entré en France en 2007 selon ses déclarations. Par un arrêté du 27 octobre 2017, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de titre de séjour présentée en qualité de parent d'enfant français et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays où il serait légalement admissible. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 20 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. D...dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 27 octobre 2017 :

2. Aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " 1. Un titre de séjour d'une durée de 10 ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / (...) c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ; (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; (...) ". L'article 371-2 du code civil dispose : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. D...est père d'une enfant de nationalité française née le 21 juin 2016, qu'il a reconnue par anticipation le 2 mars 2016 et qu'il est, depuis, séparé de la mère de cette enfant. Pour établir qu'il contribue à l'entretien et l'éducation de son enfant qui réside chez sa mère à Castelnaudary, alors qu'il réside lui-même à Vienne, M. D... produit quelques billets de train dont les dates se situent entre les mois de novembre 2016 et de septembre 2017, dont certains ne sont pas nominatifs, ainsi que deux factures d'achats de vêtements et quelques copies de mandats cash qui, s'ils sont libellés au nom de la mère de l'enfant, ne permettent pas de démontrer que cette dernière aurait perçu effectivement les sommes en cause. Par la production de ces seuls documents, insuffisamment probants, M. D...ne peut, contrairement à l'appréciation qu'en ont eue les premiers juges, être regardé comme établissant qu'il contribue à l'éducation et à l'entretien de son enfant dans les conditions prévues par les dispositions conventionnelles et légales citées au point 2 ci-dessus.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant le tribunal administratif de Grenoble et la cour.

5. En premier lieu, l'arrêté en litige a été signé par M. Yves Dareau, secrétaire général adjoint de la préfecture de l'Isère, qui disposait d'une délégation de signature du préfet de l'Isère, par arrêté du 29 août 2017 publiée au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture le 30 août 2017, à l'effet de signer notamment " les arrêtés d'obligation de quitter le territoire français avec refus de séjour et fixant le pays de destination d'un ressortissant étranger ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte en litige doit être écarté comme manquant en fait.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 susvisé : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français: (...) c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins (...) ". M. D...ne peut en tout état de cause se prévaloir de ces stipulations dès lors, qu'à la date de l'arrêté contesté, il séjournait irrégulièrement sur le territoire français.

7. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

8. M. D...né le 3 mai 1980, de nationalité tunisienne, déclare sans l'établir être entré en France en 2007. En se bornant à produire un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'aide maçon postérieur à l'arrêté en litige, il ne justifie pas avoir noué des liens personnels ou familiaux intenses, stables et anciens sur le territoire français alors qu'il n'est pas contesté qu'il conserve des attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-sept ans. Dans ces conditions, et compte-tenu de ce qui a été dit au point 3, le préfet de l'Isère n'a pas, en prenant la décision en litige, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a, ainsi, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. En dernier lieu, comme il a été dit ci-dessus, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. D...n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce refus de titre à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 27 octobre 2017. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. D... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1706876 du tribunal administratif de Grenoble du 20 février 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Grenoble, ainsi que ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... D....

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2019, à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, présidente-assesseure,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 avril 2019.

5

N° 18LY01155


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01155
Date de la décision : 09/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : PALLANCA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-04-09;18ly01155 ?
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