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04/04/2019 | FRANCE | N°18LY02620

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 04 avril 2019, 18LY02620


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Locam SAS a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de constater la résiliation du contrat conclu avec l'université René Descartes-Paris V portant sur la location de longue durée d'un photocopieur, de condamner cette université à l'indemniser du préjudice subi du fait du refus de l'université de verser les loyers trimestriels dus et d'enjoindre à cette université, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui restituer le matériel à ses frais.

Par une ordonnance n

° 1503093 du 29 avril 2015, le président de la 3ème chambre du tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Locam SAS a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de constater la résiliation du contrat conclu avec l'université René Descartes-Paris V portant sur la location de longue durée d'un photocopieur, de condamner cette université à l'indemniser du préjudice subi du fait du refus de l'université de verser les loyers trimestriels dus et d'enjoindre à cette université, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui restituer le matériel à ses frais.

Par une ordonnance n° 1503093 du 29 avril 2015, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, sur le fondement de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis au tribunal administratif de Lyon la demande de la société Locam SAS.

Par un jugement n° 1504056 du 1er juin 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande comme irrecevable.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2018, la société Locam SAS, représentée par la SCP Riva et Vacheron, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er juin 2018 ;

2°) de constater que le contrat conclu avec l'université René Descartes-Paris V portant sur la location de longue durée d'un photocopieur est résilié ou à défaut, d'en prononcer la résiliation ;

3°) de condamner l'université René Descartes - Paris V à lui verser, à titre principal, une somme de 85 746,07 euros sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à titre subsidiaire une somme de 77 834,40 euros au titre de son manque à gagner, à titre infiniment subsidiaire, une somme de 50 332 euros au titre de l'enrichissement sans cause, avec dans tous les cas, intérêts moratoires à compter du 6 mars 2007 et capitalisation des intérêts ;

4°) d'enjoindre à l'université de lui restituer le matériel, à ses frais, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de cette université une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont déclaré sa requête tardive ; elle n'a eu connaissance d'aucune décision de refus de la part du président de l'université René Descartes - Paris V susceptible de faire l'objet d'un recours dans un délai raisonnable d'un an ; en tout état de cause, elle justifie de circonstances particulières ;

- le contrat n'est entaché d'aucun vice d'une particulière gravité et il y a lieu d'en faire application pour la résolution du litige ;

- l'université n'a pas exécuté ce contrat ; les loyers n'ayant pas été réglés, ce contrat doit être regardé comme ayant été résilié ; à défaut, la cour prononcera cette résiliation ;

- elle peut ainsi prétendre au versement de l'indemnité de résiliation prévue par l'article 13 des conditions générales du contrat, soit une somme de 85 746,07 euros ;

- à supposer que l'application du contrat doive être écartée, elle peut prétendre à l'indemnisation de son manque à gagner correspondant aux 21 trimestres de loyers impayés, soit une somme de 77 834,40 euros ;

- elle peut également se prévaloir d'une indemnité au titre de l'enrichissement sans cause de l'université à hauteur de 50 232 euros correspondant au prix d'acquisition du matériel loué à l'université ;

- il y a également lieu d'enjoindre à l'université, sur le fondement des stipulations de l'article 16 des conditions générales du contrat et de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui restituer le matériel dans le délai d'un mois et sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2019, l'université Paris Descartes, représentée par la SCP Saidji Moreau, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Locam au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de la société Locam comme étant tardive ;

- en tout état de cause, le litige ne peut se régler sur le terrain contractuel dès lors que le contrat est nul pour plusieurs motifs tirés de l'incompétence du signataire de ce contrat, du caractère manifestement disproportionné du montant des loyers, de l'absence de toute procédure de publicité et de mise en concurrence et de l'absence de cause du contrat ;

- au demeurant, la société appelante n'établit pas le lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice subi ; par ailleurs, la clause de résiliation prévoit une indemnisation disproportionnée de la société Locam ; à défaut d'écarter l'application de cette clause, il conviendra de réduire le montant de l'indemnisation à de plus justes proportions ;

- à supposer l'absence de nullité du contrat, elle avait clairement exprimé son intention de résilier celui-ci pour un motif d'intérêt général ; il appartient donc, le cas échéant, à la cour, de faire application des stipulations de l'article 31 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de fournitures courantes et de services ;

- la société Locam ne peut prétendre à aucune indemnisation ni sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle ni sur celui de la responsabilité quasi-contractuelle car les fautes qu'elle a commises sont la cause directe de son préjudice ; en tout état de cause, le matériel en cause n'a quasiment pas été utilisé ; la société Locam ne démontre pas avoir versé une somme de 42 000 euros HT pour l'achat du matériel à la société All Burotic ;

- le maintien du matériel dans les locaux de l'université est imputable à la société Locam qui ne l'a jamais récupéré ; il ne saurait lui être fait injonction, sous astreinte, de restituer ce matériel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics alors en vigueur ;

- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux ;

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

- les observations de MeA..., représentant la société Locam ;

Considérant ce qui suit :

1. L'université René Descartes - Paris V a conclu, le 6 juillet 2006, avec la société Locam SAS, un contrat de location d'un photocopieur pendant une durée de 21 trimestres et fixant le montant du loyer trimestriel à 3 099 euros HT. L'université ne s'étant pas acquittée des loyers réclamés depuis le mois d'août 2006, la société Locam SAS l'a mise en demeure, par un courrier du 5 mars 2007, reçu le lendemain, de lui verser la somme de 5 564,29 euros dans le délai de 8 jours et l'a informée qu'à défaut de paiement dans ce délai et suite au prononcé de la déchéance du contrat, la créance s'établirait à la somme de 85 746,07 euros. Ce courrier étant resté sans réponse, la société Locam SAS a saisi successivement le tribunal administratif de Paris en 2009, le tribunal de grande instance de Nanterre en 2013 et le tribunal administratif de Cergy-Pontoise en 2015, qui a transmis, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, le dossier de sa demande au tribunal administratif de Lyon, territorialement compétent en application des stipulations du contrat. Par un jugement du 1er juin 2018, dont la société Locam SAS relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande comme ayant été présentée au-delà d'un délai raisonnable.

2. En application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-2 de ce code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. / Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-3 de ce même code : " Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : / 1° En matière de plein contentieux ; (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions, applicables jusqu'à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2017, du décret du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative, que le recours de plein contentieux d'une personne à qui un refus tacite à sa demande indemnitaire a été opposé, n'est enfermé dans aucun délai sauf à ce que cette décision de refus lui soit, sous forme expresse, régulièrement notifiée, un délai de recours de deux mois courant alors à compter de la date de notification de cette décision.

4. Ainsi qu'il a été dit au point 1, la société Locam a, par une lettre du 5 mars 2007, reçue le 6, mis en demeure l'université René Descartes - Paris V de lui verser les loyers échus depuis le mois d'août 2006, augmentés d'une indemnité de 10 % et des intérêts de retard et l'a informée qu'à défaut de paiement, dans ce délai et suite au prononcé de la déchéance du contrat, sa créance serait portée à la somme de 85 746,07 euros. Si le président de l'université a fait parvenir à la société Locam un courrier en date du 21 mai 2007, ce courrier ne concernait pas le matériel, objet du contrat conclu en juillet 2006. Par suite, en l'absence de réponse de l'université, une décision implicite de rejet est née. Ainsi, et dès lors qu'en application de l'article R. 421-3 du code de justice administrative alors applicable, seule une décision expresse de rejet est susceptible de faire courir les délais de recours contentieux, la société Locam est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande comme étant irrecevable.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Lyon pour qu'il soit statué à nouveau sur la demande de la société Locam SAS. Il n'y a pas lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1504056 du 1er juin 2018 est annulé.

Article 2 : La société Locam SAS est renvoyée devant le tribunal administratif de Lyon pour qu'il soit statué sur sa demande.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Locam SAS et par l'université Paris Descartes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Locam SAS et à l'université René Descartes - Paris V.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 avril 2019.

5

N° 18LY02620


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02620
Date de la décision : 04/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-01-07-01 Procédure. Introduction de l'instance. Délais. Absence de délais.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SCP D AVOCATS SAIDJI ET MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-04-04;18ly02620 ?
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