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04/04/2019 | FRANCE | N°17LY01397

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 04 avril 2019, 17LY01397


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 20 juin 2016 du conseil municipal de la commune de Grenoble en tant qu'elle fixe les tarifs mensuels " résidents " de stationnement sur la voirie selon le montant du quotient familial à compter du 1er juillet 2016.

Par un jugement n° 1603667 du 14 février 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du 20 juin 2016 en tant qu'elle fixe les tarifs mensuels " résidents " de stationnement s

ur la voirie.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 20 juin 2016 du conseil municipal de la commune de Grenoble en tant qu'elle fixe les tarifs mensuels " résidents " de stationnement sur la voirie selon le montant du quotient familial à compter du 1er juillet 2016.

Par un jugement n° 1603667 du 14 février 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du 20 juin 2016 en tant qu'elle fixe les tarifs mensuels " résidents " de stationnement sur la voirie.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 mars 2017 et 24 mai 2018, la commune de Grenoble, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 février 2017 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de MmeA... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A...le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la demande de première instance de MmeA..., qui ne justifie pas d'un intérêt à agir, était irrecevable ; elle ne justifie pas de sa qualité d'usager du service public ;

- le stationnement payant n'est pas une mesure de police ni une mission de service public ; il s'agit d'une redevance due pour l'occupation du domaine public ; le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité des usagers devant les services publics, invoqué par Mme A..., est donc inopérant ;

- les premiers juges ont annulé partiellement la délibération du 20 juin 2016 en se fondant sur un moyen soulevé à tort d'office, sans au demeurant le communiquer aux parties ; Mme A...n'avait pas invoqué la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales sur lesquelles se fonde le jugement ;

- en tout état de cause, la délibération attaquée ne méconnaît pas ces dispositions.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 27 avril 2017 et 8 juin 2018, MmeA..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Grenoble au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête de la " ville de Grenoble ", dépourvue de toute personnalité juridique, est irrecevable ; par ailleurs, le maire ne justifie d'aucun pouvoir l'habilitant à relever appel du jugement ;

- elle justifie de sa qualité d'usager de la voirie et de ses emplacements de stationnement payant, ce qui lui confère un intérêt pour agir ; elle est en outre conseillère municipale et justifie en cette qualité d'un intérêt à agir ;

- la " tarification résidents " viole le principe d'égalité des usagers devant les charges publiques ; le tribunal administratif n'a pas fondé son jugement sur un moyen soulevé d'office ; elle invoquait en première instance le fait qu'aucune loi ne prévoit la possibilité de moduler le tarif de stationnement sur la voie publique en fonction du quotient familial ; l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales, dont se prévaut la commune, ne prévoit pas cette possibilité et ne peut lui conférer un fondement légal.

Par une ordonnance du 14 juin 2018, l'instruction a été close le 16 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux,

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour la commune de Grenoble ;

Une note en délibéré, présentée pour la commune de Grenoble, a été enregistrée le 15 mars 2019.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Grenoble relève appel du jugement du 14 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé, à la demande de MmeA..., la délibération du conseil municipal du 16 juin 2016 en tant qu'elle fixe, pour les résidents, à compter du 1er juillet 2016, les tarifs mensuels de stationnement sur la voirie selon le montant de leur quotient familial.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges se sont, pour annuler partiellement la délibération en litige, fondés, non pas sur une violation de l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales ainsi que le soutient la commune de Grenoble, mais sur la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques, invoquée expressément en première instance par MmeA..., en page 3 de sa demande. Par suite, la commune de Grenoble n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient fondé leur décision d'annulation sur un moyen soulevé d'office qui n'est pas d'ordre public, sans en avoir préalablement informé les parties.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, Mme A...justifie, en sa seule qualité de conseillère municipale de la commune de Grenoble, d'un intérêt à attaquer la délibération dont elle demande l'annulation partielle, et ce même sans se prévaloir d'une atteinte portée à ses prérogatives. Par suite, la commune de Grenoble n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient fait droit à la demande de première instance de Mme A...alors qu'elle était irrecevable.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales : " Sans préjudice de l'application de l'article L. 2512-14, le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou du syndicat mixte compétents pour l'organisation des transports urbains, lorsqu'il y est autorisé par ses statuts, peut établir sur des voies qu'il détermine une redevance de stationnement, compatible avec les dispositions du plan de déplacements urbains s'il existe. Dans le cas où le domaine public concerné relève d'une autre collectivité, l'avis conforme de cette dernière est requis hors agglomération. / La délibération établit les tarifs applicables à chaque zone de stationnement payant. / Le tarif peut être modulé en fonction de la durée du stationnement. Il peut prévoir également une tranche gratuite pour une durée déterminée. L'acte instituant la redevance peut prévoir une tarification spécifique pour certaines catégories d'usagers et notamment les résidents. " La fixation d'une redevance de stationnement, en application de ces dispositions législatives, participe à la mise en oeuvre de la politique de déplacement urbain sur le territoire d'une commune, d'un établissement public de coopération intercommunale ou d'un syndicat mixte pour l'organisation des transports urbains.

5. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des énonciations de la délibération en litige, que le conseil municipal de la commune de Grenoble a, en application des dispositions précitées, maintenu l'application d'une tarification spécifique aux résidents et a souhaité faire évoluer à la hausse le montant de la redevance mensuelle de stationnement qui leur était applicable afin de les " inciter au stationnement dans les parkings (privés ou publics) plutôt que sur voirie ". Néanmoins, afin de " protéger les ménages à faibles revenus de cette augmentation ", la délibération du 16 juin 2016 a fixé le tarif du " ticket résident mensuel" en fonction du quotient familial des ménages et a ainsi opéré une différence de traitement entre les résidents selon leur revenu imposable.

6. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité administrative règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la décision qui l'établit.

7. En l'espèce, au regard de l'objet de la délibération, qui est de favoriser le stationnement en ouvrage et de diminuer le stationnement en voirie, les résidents qui stationnent leur véhicule sur la voie publique ne sont pas placés dans une situation différente, les uns par rapport aux autres, selon le niveau de leur revenu. La différence de traitement ainsi opérée n'est donc pas fondée sur des critères objectifs en rapport direct avec l'objet de la mesure. En outre, en se bornant à faire valoir la contrainte financière qui pèserait sur les foyers à revenu modeste domiciliés en centre-ville, la commune de Grenoble ne justifie d'aucune raison d'intérêt général, en rapport avec l'objectif de la délibération en cause, qui serait de nature à justifier la différence de traitement qu'elle opère entre une même catégorie d'usagers de la voirie publique.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par MmeA..., que la commune de Grenoble n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du conseil municipal du 16 juin 2016 en tant qu'elle fixe, pour les résidents, les tarifs mensuels de stationnement sur la voirie selon le montant du quotient familial à compter du 1er juillet 2016.

Sur les frais liés au litige :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour la cour de rejeter les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Grenoble est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Grenoble et à Mme E...A....

Délibéré après l'audience du 14 mars 2019, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, président,

M. Chassagne, premier conseiller,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 avril 2019.

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

5

N° 17LY01397


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01397
Date de la décision : 04/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-01-02-03 Police. Police générale. Circulation et stationnement. Réglementation du stationnement. Stationnement payant.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SELARL CAP - ME MOLLION ET ME SENEGAS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-04-04;17ly01397 ?
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