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04/04/2019 | FRANCE | N°17LY00956

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 04 avril 2019, 17LY00956


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par un jugement n° 1203089 du 9 juin 2015, le tribunal administratif de Lyon, avant de statuer sur l'ensemble des conclusions de la demande présentée par M. et MmeA..., a, en premier lieu, condamné Grand Lyon Habitat et la métropole de Lyon à verser solidairement une somme de 2 000 euros à chacun des époux A...en réparation de leur préjudice moral causé par l'incertitude quant à l'avenir de leur commerce et à la cessation de leur activité dans le cadre du projet de rénovation et de renouvellement du qu

artier urbain Mermoz Nord, en deuxième lieu, ordonné une expertise en vue de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par un jugement n° 1203089 du 9 juin 2015, le tribunal administratif de Lyon, avant de statuer sur l'ensemble des conclusions de la demande présentée par M. et MmeA..., a, en premier lieu, condamné Grand Lyon Habitat et la métropole de Lyon à verser solidairement une somme de 2 000 euros à chacun des époux A...en réparation de leur préjudice moral causé par l'incertitude quant à l'avenir de leur commerce et à la cessation de leur activité dans le cadre du projet de rénovation et de renouvellement du quartier urbain Mermoz Nord, en deuxième lieu, ordonné une expertise en vue de déterminer la nature et l'étendue du préjudice commercial subi et, en troisième lieu, réservé tous droits et moyens sur lesquels il n'a pas été expressément statué jusqu'en fin d'instance.

Un rapport d'expertise a été déposé le 13 juillet 2016 au greffe du tribunal administratif.

M. et Mme A..., représentés par Me Rossi, avocat, ont demandé au tribunal administratif de Lyon le 7 novembre 2016 dans le dernier état de leurs écritures :

1°) à titre principal, de condamner solidairement Grand Lyon Habitat et la métropole de Lyon à leur verser une somme de 153 547 euros en réparation de la perte de chiffre d'affaires constatée entre les années 2006 et 2014 résultant des travaux de la ZAC Mermoz Nord, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2011, date de réception de leur demande préalable et de leur capitalisation annuelle ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement Grand Lyon Habitat et la métropole de Lyon à leur verser une somme de 135 647 euros en réparation de la perte de chiffre d'affaires constatée entre les années 2006 et 2014 résultant des travaux de la ZAC Mermoz Nord, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2011, date de réception de leur demande préalable et de leur capitalisation annuelle ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner solidairement Grand Lyon Habitat et la métropole de Lyon à leur verser une somme de 61 165 euros en réparation de la perte de chiffre d'affaires constatée entre les années 2006 et 2011 résultant des travaux de la ZAC Mermoz Nord, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2011, date de réception de leur demande préalable et de leur capitalisation annuelle ;

4°) de mettre à la charge solidaire de Grand Lyon Habitat et de la métropole de Lyon la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais d'expertise.

Par un jugement n°1203089 du 20 décembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a condamné solidairement Grand Lyon Habitat et la métropole de Lyon à verser la somme de 32 217 euros à M. et Mme A...en réparation de leur préjudice commercial.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 février 2017 et 25 septembre 2018, M. et MmeA..., représentés par Me C...Rossi, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1203089 du tribunal administratif de Lyon du 20 décembre 2016 uniquement en ce qu'il a limité le montant de l'indemnité leur ayant été allouée au titre de leur préjudice commercial à la somme de 32 217 euros;

2°) de réformer le jugement n° 1203089 s'agissant du montant de l'indemnité leur ayant été allouée ;

3°) d'annuler la décision implicite de rejet en date du 29 février 2012 née du silence gardé par le Grand Lyon Habitat suite à leur demande indemnitaire préalable du 30 décembre 2011 ;

4°) d'annuler la décision implicite de rejet en date du 27 octobre 2012 née du silence gardé par la communauté urbaine de Lyon suite à leur demande indemnitaire préalable du 27 août 2012 ;

5°) de condamner solidairement l'office public de l'habitat Grand Lyon Habitat et la communauté urbaine de Lyon à leur verser, à titre principal, la somme de 135 647 euros, ou à titre subsidiaire, la somme de 61 165 euros, au titre de la perte de chiffre d'affaires constatée entre 2006 et 2014, outre intérêts au taux légal en vigueur et la capitalisation des intérêts à compter du 30 décembre 2011, date de réception de la demande indemnitaire préalable ;

6°) de confirmer, à titre infiniment subsidiaire, le jugement n° 1203089 rendu par le tribunal administratif de Lyon du 20 décembre 2016 ;

7°) de mettre à la charge solidaire de Grand Lyon Habitat et de la communauté urbaine de Lyon à leur verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 761-1 du code de justice administrative ;

8°) de mettre à la charge de Grand Lyon Habitat et de la communauté urbaine de Lyon les frais d'expertise d'un montant de 9 813,39 euros ;

Ils soutiennent que :

- leur demande indemnitaire n'est pas tardive ; le préjudice qu'ils ont subi étant continu, l'année de naissance du préjudice est celle au cours de laquelle l'évolution du préjudice est arrivée à son terme ; la prescription quadriennale n'a pas pu commencer à courir à compter de 2006, date à laquelle les actions de mise en oeuvre du projet de renouvellement urbain ont débuté et dès lors que le préjudice n'était pas connu dans toute son étendue ;

- l'introduction d'une demande indemnitaire en cours d'instance a eu pour effet de lier le contentieux ;

- ils ont intérêt à agir dans la mesure où les préjudices dont ils sollicitent la réparation devant le juge administratif (réparation du préjudice commercial et du préjudice moral) diffèrent de ceux justifiant le versement d'une indemnité d'éviction ; une somme de 170 000 euros leur a été versée au titre de l'indemnité d'éviction ; Mme A...étant conjoint collaborateur et ayant subi un préjudice personnel, elle a intérêt à agir à la présente instance ; elle a intérêt à demander réparation de son préjudice moral ;

- en tant que tiers aux travaux publics de rénovation urbaine, ils sont fondés à engager la responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics de Grand Lyon Habitat, en tant que maître d'ouvrage des travaux et propriétaire de la galerie commerciale, et de la communauté urbaine de Lyon, en tant que maître d'ouvrage des travaux de voirie publique, de réseaux et d'éclairage public dans le cadre de l'opération ZAC Mermoz Nord et des travaux d'aménagement de l'avenue Mermoz; la responsabilité sans faute pour rupture d'égalité devant les charges publiques du fait d'une décision administrative légale est par ailleurs engagée ;

- le préjudice qu'ils ont subi est anormal et spécial ; ils étaient les seuls commerçants de ce secteur et les seules victimes de cette opération, l'égalité des citoyens devant les charges publiques a donc été rompue ; ils ont également subi un préjudice financier excédant les inconvénients susceptibles d'être supportés par le voisin de travaux eu égard à la diminution conséquente de leur chiffre d'affaire depuis 2006 et à la perte de clientèle résultant du déménagement contraint des habitants affectés par les travaux ;

- les difficultés liés aux travaux et à la baisse du nombre d'habitants ont pénalisé leur chiffre d'affaires de 2006 à décembre 2014 ; le résultat courant avant impôt de leur activité entre mai 2006 et mai 2011 s'élevait à 61 165 euros et non à la somme de 57 102 euros retenue par les premiers juges, le résultat courant avant impôts entre mai 2006 et mai 2014 est de 135 647 euros ; en décembre 2014, les travaux n'étaient pas achevés et ont continué à pénaliser leur chiffre d'affaire ;

- ils pouvaient légalement demeurer dans leur local jusqu'à l'obtention de leur indemnité d'éviction laquelle ne leur était versée qu'en décembre 2014 à la suite du jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 24 juin 2014 et exercer une activité commerciale postérieurement à 2011 et au congé leur ayant été donné pour la fin décembre 2011 ; le montant de la perte de leur bénéfice pour les années 2006 à 2014 incluses étant de 135 647 euros, ils doivent être indemnisés à cette hauteur ;

- il n'y a pas lieu de déduire de cette indemnisation une gratuité des loyers qu'ils ont refusée dès lors que le protocole proposé par Grand Lyon Habitat prévoyant la gratuité de certains loyers s'arrêtait à fin décembre 2012 et était conditionné à la renonciation à toute action devant les juridictions judiciaire et administrative à l'encontre de Grand Lyon Habitat sur quelque fondement que ce soit à raison de l'opération de renouvellement urbain ; les clauses de ce protocole n'étaient pas acceptables car induisant la renonciation à une indemnisation d'éviction supérieure à 115 000 euros et la perte de l'indemnisation de tout préjudice d'exploitation ; dès lors qu'ils ont payé leurs loyers, il n'y a pas lieu de déduire une somme de 24 885 euros de la somme leur étant due au titre de ce préjudice d'exploitation ;

- le montant de leur préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence estimé à 4 000 euros par le tribunal administratif doit être confirmé par la cour, Grand Lyon Habitat leur ayant fait faussement espérer que leur commerce serait maintenu dans le quartier et qu'ils bénéficieraient d'un nouveau local ;

- il existe un lien de causalité entre l'opération de renouvellement du quartier Mermoz nord et la perte de chiffre d'affaire qu'ils ont subie entre 2006 et 2014 dès lors que les déménagements ont débuté en 2006 en raison des travaux de réaménagement et les travaux en tant que tels ont débuté en septembre 2006 ; la baisse de leur chiffre d'affaire a été constatée dès l'été 2006 ; les autres commerçants ont quitté la zone commerciale à la fin de l'année 2010 ; ce lien de causalité a été confirmé par l'expert commis par le tribunal administratif ; le tribunal de grande instance a constaté une baisse de chiffre d'affaires des commerçants dès 2006 et a retenu les chiffres d'affaires de 2003 à 2005 pour fixer le montant de l'indemnité d'éviction ;

Par un mémoire enregistré le 4 octobre 2017, la Métropole de Lyon, représentée par la SCP Deygas Perrachon, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête en appel de M. et Mme A...dans son ensemble ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler les jugements n° 1203089 du tribunal administratif de Lyon des 9 juin 2015 et 20 décembre 2016 en ce qu'ils ont retenu la responsabilité de la métropole de Lyon en raison de l'exécution de travaux publics et l'ont condamnée à indemniser les épouxA... ;

3°) de confirmer, à titre subsidiaire, le jugement n° 1203089 du tribunal administratif de Lyon du 20 décembre 2016 en ce qu'il a attribué à M. et Mme A...la somme de 32 217 euros au titre de leur indemnisation ;

4°) de mettre à la charge des requérants la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les requérants n'ont pas qualité pour agir puisqu'ils ne sont pas fondés à réclamer deux fois l'indemnisation d'un même préjudice ;

- Mme A...n'ayant pas la qualité de conjoint collaborateur, elle n'a pas intérêt à agir à l'instance ;

- les requérants ne démontrent pas que sa responsabilité est engagée sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques du fait d'une décision administrative régulière ;

- sa responsabilité sans faute en raison de l'exécution de travaux publics n'est pas engagée ; pour reconnaître le préjudice d'un commerce comme étant anormal et spécial, le juge administratif s'attache à déterminer si l'établissement est resté visible et accessible pendant la durée des travaux, si cet accès s'est fait dans des conditions satisfaisantes et si la perte de chiffre d'affaires a été significative ; les requérants ne démontrent pas avoir subi une gêne en raison des travaux, ni que leur commerce avait été rendu inaccessible à cause des travaux, si bien que la responsabilité sans faute de la métropole en raison de l'exécution de travaux publics ne peut être retenue ;

- il n'existe pas de lien exclusif de causalité entre le préjudice invoqué par les requérants et les travaux effectués par la métropole ; leur commerce connaissait déjà des pertes significatives de chiffre d'affaire avant le début des travaux, notamment dues à la baisse générale de la consommation de tabac et des journaux ; la perte d'exploitation du commerce doit être appréciée au regard de cette baisse constante du chiffre d'affaires depuis 2003, et non de la seule année 2006 ; en refusant le protocole instaurant la gratuité de leur loyers et en se maintenant dans les lieux jusqu'en 2014, ils ont eux-mêmes contribué à leur préjudice ;

- à titre subsidiaire, le jugement du tribunal administratif doit être confirmé en ce qu'il a alloué une indemnité d'un montant de 32 217 euros aux requérants ; il n'y a pas lieu de calculer un préjudice sur la période 2006-2014 alors qu'ils se sont volontairement maintenus dans les lieux au-delà de la notification du non-renouvellement de leur bail le 30 septembre 2011 et ont refusé la gratuité des loyers proposée en 2008 ;

Par un mémoire enregistré le 16 octobre 2017, l'office public de l'habitat Grand Lyon Habitat auparavant dénommé OPAC du Grand Lyon, représenté par la SELARL Levy Roche Sarda, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête en appel de M. et Mme A...dans son ensemble ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler les jugements n° 1203089 du tribunal administratif de Lyon des 9 juin 2015 et 20 décembre 2016 en ce qu'ils ont retenu sa responsabilité en raison de l'exécution de travaux publics et l'ont condamné à indemniser les épouxA... ;

3°) de confirmer, à titre subsidiaire, le jugement n° 1203089 du tribunal administratif de Lyon du 20 décembre 2016 en ce qu'il a attribué à M. et Mme A...la somme de 32 217 euros au titre de leur indemnisation ;

4°) de mettre à la charge des requérants la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'impossibilité pour les requérants de déterminer le montant de leur préjudice ne modifie pas le point de départ de la prescription quadriennale ; leur demande indemnitaire est irrecevable car la créance qu'ils réclament, datant du 25 septembre 2006, soit plus de quatre ans après leur demande préalable d'indemnisation le 30 décembre 2011, entre dans le champ de la prescription quadriennale ;

- le tribunal de grande instance de Lyon les ayant déjà indemnisés, les requérants ne peuvent pas réclamer l'indemnisation du même préjudice à la juridiction administrative ; dans ces conditions, ils n'ont pas intérêt pour agir ;

- Mme A...n'a pas intérêt à agir en sa qualité de conjoint collaborateur ;

- aucun préjudice anormal et spécial n'est établi, les requérants ne démontrant pas l'inaccessibilité de leur commerce ou une absence de visibilité pendant la durée des travaux;

- les requérants subissaient déjà une perte significative de leur chiffre d'affaires avant le début de travaux ; il n'existe ainsi pas de lien exclusif de causalité entre les travaux entrepris par la Métropole de Lyon et la baisse du chiffre d'affaires de ce commerce ;

- les époux A...ont créé leur préjudice en se maintenant dans le local malgré le congé délivré ;

- à titre subsidiaire, la réparation du préjudice invoqué par les requérants ne saurait excéder 32 217 euros dès lors que la période d'indemnisation ne peut débuter qu'à compter du début des travaux, soit 2008 et ce jusqu'au 30 septembre 2011, et d'autre part, les requérants n'ont pas à être indemnisés de la perte du préjudice qui résulte de leur propre fait ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gras, avocat pour M. et Mme A...ainsi que les observations de Me Benabdesadok, avocat pour la Métropole de Lyon.

Considérant ce qui suit :

1. L'OPAC du Grand Lyon était propriétaire en 2003 d'un immeuble immobilier constitué de huit immeubles situés avenue Jean Mermoz à Lyon (69008) comprenant 499 logements et six commerces. M. et Mme A...ont pris à bail, le 19 août 2003, pour une durée de neuf ans, un local à usage commercial situé 129 avenue Jean Mermoz, dans lequel ils exerçaient une activité de tabac-presse-papeterie. Dans le cadre d'un programme de rénovation du quartier Mermoz Nord initié par la communauté urbaine de Lyon, l'OPAC du Grand Lyon devenu Grand Lyon Habitat a signifié par acte d'huissier le 10 mars 2011 à M. A...congé commercial portant refus de renouvellement du bail commercial et fin de bail au 30 septembre 2011. Après une demande indemnitaire préalable reçue par Grand Lyon Habitat le 30 décembre 2011 restée vaine, les époux A...ont demandé le 27 avril 2012 la condamnation solidaire de Grand Lyon Habitat et de la communauté urbaine de Lyon à les indemniser du préjudice moral et du préjudice commercial qu'ils estimaient avoir subis du fait de cette opération de travaux publics.

2. Par un jugement avant-dire-droit en date du 9 juin 2015, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'office Grand Lyon Habitat et la Métropole de Lyon, venant aux droits de la communauté urbaine, à verser solidairement une somme de 2 000 euros à chacun des époux A...en réparation de leur préjudice moral causé par l'incertitude quant à l'avenir de leur commerce et à la cessation de leur activité, a retenu la responsabilité sans faute de Grand Lyon Habitat et de la Métropole de Lyon quant à l'existence d'un préjudice commercial et a nommé un expert en vue de statuer sur leur demande de réparation de ce préjudice.

3. M. et Mme A...interjettent appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 décembre 2016 en tant qu'il a limité à 32 217 euros la somme mise à la charge solidaire de l'office Grand Lyon Habitat et de la Métropole de Lyon en réparation du préjudice commercial subi. L'office Grand Lyon Habitat et la Métropole de Lyon, par la voie de conclusions en appel incident, demandent l'annulation des jugements du 9 juin 2015 et du 20 décembre 2016 retenant leur responsabilité et à titre subsidiaire le maintien de la somme de 32 217 euros allouée par les premiers juges.

Sur les fins de non-recevoir opposées aux demandes de M. et MmeA... :

4. L'indemnité d'éviction prévue à l'article L. 145-14 du code de commerce vise à réparer le préjudice subi au titre du non-renouvellement du bail commercial. Ce préjudice indemnisé par le jugement du tribunal de grande instance de Lyon en date du 24 juin 2014 étant distinct de ceux dont les requérants demandent réparation devant le juge administratif, à savoir les préjudices commercial et moral subis du fait de l'exécution des travaux exécutés dans le cadre du programme de rénovation du quartier Mermoz Nord, la fin de non-recevoir opposée par les défendeurs et tirée du défaut d'intérêt à agir devant la juridiction administrative doit être écartée. Doit également être écartée la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt à agir de MmeA..., laquelle, contrairement à ce qui est soutenu par les défendeurs, travaillait avec son époux et doit être regardée comme ayant la qualité de conjoint-collaborateur, au sens de l'article R. 121-1 du code de commerce, dans le cadre de l'activité commerciale de ce tabac-presse.

Sur le bien-fondé des demandes :

En ce qui concerne la réparation du préjudice commercial :

S'agissant du principe de responsabilité :

5. Les requérants font valoir qu'ils doivent être indemnisés pour la perte de bénéfices subie dans le cadre de leur activité de tabac-presse entre 2006 et l'année 2014 du fait, d'une part, des décisions ayant entrainé des opérations de déménagement ayant débuté en 2006 en lien avec les programmes de travaux publics et, d'autre part, des travaux publics eux-mêmes ayant démarré en septembre 2016 et s'étant poursuivis jusqu'en 2014 dans le quartier Mermoz Nord.

6. En premier lieu, la responsabilité de la puissance publique peut se trouver engagée, même sans faute, sur le fondement du principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques, lorsqu'une mesure légalement prise a pour effet d'entraîner, au détriment d'une personne physique ou morale, un préjudice grave et spécial, qui ne peut être regardé comme une charge lui incombant normalement.

7. Est de la nature de ceux qui peuvent donner lieu à indemnité sur le fondement du principe d'égalité devant les charges publiques sous réserve que le dommage subi revête un caractère anormal et spécial le préjudice subi par un commerçant résultant de la diminution de son activité à la suite de décisions d'une personne publique portant fermeture et destruction d'immeubles d'habitation ayant entrainé le départ de plusieurs centaines de locataires, représentant une part importante de sa clientèle.

8. Il est constant que la communauté urbaine de Lyon, après une première décision de septembre 2006 favorable à la création de la ZAC Mermoz Nord, a approuvé le dossier de création de cette ZAC le 12 décembre 2006. Un projet de renouvellement urbain du quartier Mermoz Nord a fait l'objet d'une convention signée le 15 février 2007 entre l'agence nationale pour la rénovation urbaine et différents partenaires dont la communauté urbaine de Lyon et l'OPH Grand Lyon Habitat devenus depuis respectivement la Métropole de Lyon et Grand Lyon Habitat. Ce projet de renouvellement urbain, dans le cadre d'une ZAC aménagée en régie directe par la communauté urbaine de Lyon à compter d'une délibération du 30 novembre 2009, induisait entre 2007 et 2014 la démolition de plusieurs bâtiments situés Rue Ranvier et avenue Mermoz à proximité immédiate du commerce de M. et Mme A...appartenant à Grand Lyon Habitat, bailleur social, dont les immeubles A, dit Alpha, C dit Charlie, les immeubles B117, D2, G, E, F, les garages, la chaufferie ainsi que la galerie commerciale abritant le commerce de M. et MmeA.... Cette opération devait également se traduire par la réhabilitation de certains logements et la construction de nouveaux logements (bâtiments Bravo et Tango) et de garages. Dans ce contexte sont intervenues à compter de fin septembre 2006, différentes décisions et délibérations de Grand Lyon Habitat et de la métropole de Lyon aux fins de destruction et de rénovation desdits immeubles d'habitation et de réaménagement urbain.

9. L'expert judiciaire commis par le tribunal administratif relève sans être utilement contredit par les défendeurs que ces décisions ont entrainé dans la zone géographique de Mermoz Nord une très importante perte de population à compter de 2007 et ce jusqu'à la fin de l'année 2013. Il indique à ce titre que sur les 500 logements de Grand Lyon Habitat situés sur cette zone, le stock des logements occupés au 31 décembre de chaque année est ainsi passé de 457 en 2005 à 415 en 2006, puis 338 en 2007, 245 en 2008, 175 en 2009 et 165 en 2010, 2011 et 2012 puis à 241 en 2013. L'expert judiciaire chiffre cette perte de population à 824 personnes entre fin 2006 et fin 2012. Les autres pièces du dossier, notamment les documents " entrée Est Lyon Bron " datés de 2012, évoquent la démolition de 319 logements, la réhabilitation de 175 logements et la construction en cours des bâtiments Tango et Charlie, ce qui confirme le départ de plusieurs centaines de personnes entre 2007 et 2012 des immeubles d'habitation de l'avenue Mermoz et de la Rue Ranvier situés à proximité immédiate du commerce de M. et MmeA.... Il résulte ainsi de l'instruction que les décisions de Lyon Métropole et de Grand Lyon Habitat à fin de réaménagement, de destruction d'immeubles d'habitation et de rénovation urbaine de ce quartier ont entrainé entre 2006 et 2012 et particulièrement entre 2007 et 2012, le départ de plusieurs centaines de locataires dont il n'est pas contesté par les défendeurs qu'ils constituaient une part majoritaire de la clientèle du commerce des épouxA.... De telles décisions légales ont ainsi emporté des conséquences préjudiciables pour ledit commerce des requérants susceptibles d'être indemnisées, en cas de préjudice grave et spécial entre fin septembre 2006 et 2012, sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques.

10. En second lieu, en cas de dommage causé à des tiers par un ouvrage public ou à l'occasion de l'exécution de travaux publics, la victime peut en demander réparation, même en l'absence de faute, aussi bien au maître de l'ouvrage, au maître de l'ouvrage délégué, à l'entrepreneur qu'au maître d'oeuvre. Elle est en droit de rechercher la responsabilité solidaire de ces différents intervenants. La mise en jeu de la responsabilité sans faute d'une collectivité publique pour dommages de travaux publics à l'égard d'un justiciable qui est tiers par rapport à un ouvrage public ou à une opération de travaux publics est subordonnée à la démonstration par cet administré de l'existence d'un dommage anormal et spécial directement en lien avec cet ouvrage ou cette opération.

11. Aux termes de l'article L. 145-28 du code de commerce : "Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré ". En application de cet article, peut légalement se maintenir dans les lieux et ce jusqu'au versement de ladite indemnité d'éviction, le locataire faisant l'objet d'un défaut de renouvellement de bail commercial.

12. Il résulte de l'instruction et notamment des lettres adressées au ministère du logement à la fin septembre 2006, et à l'OPAC du Grand Lyon en avril 2008, du rapport de l'expert judiciaire, des communiqués de presse de Grand Lyon Habitat et des points d'étape " travaux ", que des travaux publics ont débuté à proximité immédiate du commerce de M. et Mme A...à la fin septembre 2006 et qu'ont notamment été menées des opérations de réhabilitation du bâtiment Alpha entre juin 2008 et octobre 2009, des démolitions et constructions de bâtiments rue Ranvier et Mermoz entre 2008 et 2011, de réhabilitation du bâtiment Charlie entre 2011 et juin 2013. La construction des bâtiments Bravo et Tango a duré jusqu'en mai 2013. Il résulte également des plans de situation présents au dossier que l'accès à ce commerce a été directement pénalisé par les travaux publics de démolition et de restructuration des bâtiments et équipements à compter de la fin de l'année 2006, l'Office Grand Lyon Habitat reconnaissant d'ailleurs, dans un projet de protocole transactionnel soumis aux requérants en 2008, l'existence de travaux publics à proximité de ce commerce à compter du 1er janvier 2007 et la poursuite de perturbations dues à de tels travaux publics jusqu'à la fin de l'année 2012, fin prévisible des travaux et des perturbations de l'activité commerciale touchant les six commerces existants en 2006, dont celui des requérants implanté au 129 avenue Jean Mermoz. Si, comme le fait valoir en défense la Métropole de Lyon, le commerce des époux A...est demeuré visible entre 2006 et 2014, aucun élément n'est versé au dossier quant à la mise en place d'une signalétique à même de faciliter l'accessibilité de ce commerce pendant les opérations de rénovation et de travaux.

13. Si la Métropole de Lyon oppose que M. et Mme A...n'ont pas un droit à être indemnisés après la notification de non-renouvellement de leur bail le 31 septembre 2011 en l'absence de droit au maintien dans les lieux, il est constant que le versement de l'indemnité d'éviction étant postérieur au 24 juin 2014, date du jugement du tribunal de grande instance de Lyon fixant le montant de cette indemnité d'éviction, les requérants, qui occupaient légalement les lieux, peuvent ainsi prétendre, sous réserve d'établir l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre les opérations en cause d'aménagement et de travaux publics et les préjudices commerciaux allégués, à l'indemnisation d'un préjudice anormal et spécial.

14. En ce qui concerne la période postérieure au 31 décembre 2012, l'expert judiciaire relève sans être utilement contredit que les déménagements des habitants en dehors de la zone où était installé le local commercial des époux A...se sont interrompus et que de nouveaux entrants se sont installés à l'issue des premiers travaux publics de rénovation et de restructuration de l'habitat. La seule circonstance alléguée par les époux A...selon laquelle des opérations de travaux publics se sont poursuivies postérieurement au 31 décembre 2012 sur d'autres bâtiments et équipements de voirie plus éloignés de leur local commercial ne saurait suffire à démontrer l'existence d'un lien de causalité entre de tels travaux publics réalisés postérieurement à 2012 et la baisse de leur chiffre d'affaire durant les années 2013 et 2014.

15. Il résulte de l'instruction que, le lien de causalité entre les opérations de travaux publics en cause et la perte de bénéfice des requérants n'est établi que pour la période allant de fin septembre 2006 à l'année 2012 incluse.

S'agissant de l'anormalité et la spécialité du préjudice :

16. Il résulte de l'instruction et au demeurant n'est pas utilement contesté par les intimés que le critère de spécialité du préjudice est rempli en l'espèce.

17. Pour fixer le montant de l'indemnité due au titre de leurs pertes de bénéfice et établir l'existence d'un préjudice anormal et spécial, les époux A...se prévalent, au titre de la gravité et de l'anormalité du préjudice subi, des données figurant dans l'expertise judiciaire relatives au différentiel de chiffre d'affaires et de bénéfices enregistrés au cours de ces années par rapport à l'exercice de l'année 2005, année de référence retenue par l'expert et non contredite par les intimés.

18. En ce qui concerne l'année 2006, la baisse de chiffre d'affaires par rapport à l'année 2005 est de 11,28 %. Contrairement à ce qui est soutenu par les requérants, une telle baisse modérée de chiffre d'affaires ne saurait établir, en l'espèce, l'existence d'un préjudice anormal susceptible d'être indemnisé.

19. Aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement "..

20. En ce qui concerne les années 2007 à 2012, le moyen de défense au fond de Grand Lyon Habitat relatif à l'existence d'une prescription quadriennale faisant obstacle à l'indemnisation des requérants doit être écarté dès lors qu'il résulte de l'instruction que les requérants ont déposé une demande indemnitaire préalable devant ledit office le 30 décembre 2011 et que cette créance était évolutive et n'était pas, comme le soutient l'office Grand Lyon Habitat, devenue définitive à compter du 25 septembre 2006.

21. Pour l'année 2007, les éléments comptables versés au dossier établissent par rapport à l'année 2005 une perte de chiffre d'affaires de 16,51 % et une perte de résultats courants avant impôts qualifiée par l'expert judiciaire de perte de bénéfices de 20,51 %. Pour les années 2008 à 2012 incluses, les pertes enregistrées sont comprises pour les pertes de chiffre d'affaires entre 27 % et 58 % et pour les pertes de revenus courants avant impôts/bénéfices entre 26 % et 55 %. Il résulte de l'instruction et notamment des éléments de l'expertise judiciaire que de telles pertes sont exclusivement imputables aux conséquences des opérations de rénovation urbaine et des travaux publics afférents à celles-ci. Compte tenu de l'ampleur de la perte de leurs chiffres d'affaires et de leurs bénéfices pour les années 2007 à 2012, l'existence d'un préjudice anormal et spécial subi par les époux A...résultant directement à la fois des décisions de Grand Lyon Habitat et de Métropole de Lyon et des travaux publics afférents est établie.

22. En ce qui concerne le montant de l'indemnité devant leur être versée en réparation de leurs pertes de bénéfice, les requérants font valoir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a déduit de celles-ci la potentielle gratuité des loyers entre 2008 et le 31 décembre 2012 qui leur a été proposée dans le cadre d'un projet de protocole transactionnel par Grand Lyon Habitat en 2008 en compensation des préjudices causés par lesdites opérations de renouvellement urbain et les travaux publics afférents. Ils indiquent, sans être contestés, qu'ils ont payé l'intégralité de leurs loyers jusqu'au jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 24 juin 2014 fixant le montant de l'indemnité d'éviction due par Grand Lyon Habitat et avaient le droit de se maintenir dans les lieux jusqu'au versement de ladite indemnité d'éviction. Ils font également valoir que le projet de protocole transactionnel leur ayant été adressé en 2008 impliquait la renonciation à toute action en justice à l'occasion de cette opération d'aménagement et notamment la renonciation à une indemnisation des dommages subis du fait des travaux publics et à la renonciation à contester la proposition d'indemnité d'éviction leur ayant été faite par Grand Lyon Habitat laquelle était inférieure à la somme leur étant due alors que celle-ci a ultérieurement été fixée à 170 000 euros par le tribunal de grande instance.

23. Suite aux mesures d'instruction menées en appel, il ressort des extraits de la délibération du 15 janvier 2008 de l'OPAC du Grand Lyon et du protocole transactionnel transmis par Grand Lyon Habitat concernant l'acceptation d'une transaction par un autre commerçant signé le 29 février 2008 ainsi que du projet de protocole transactionnel transmis en 2008 à M. A...que l'article 6 de ce protocole prévoyait qu'en contrepartie de cette gratuité de loyers du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2012 conditionnée à la perte d'un minimum de 10 % de chiffre d'affaire par rapport à l'exercice 2005 "[le signataire] renonce définitivement et sans réserve à toute prétention, demande ou action ayant pour objet de formuler, amiablement ou judiciairement devant les juridictions judiciaires ou administratives, une quelconque demande auprès de l'OPAC DU GRAND LYON, sur quelque fondement que ce soit, à raison de l'opération de renouvellement urbain en cours de réalisation et s'engage à ne rien faire qui puisse entraver le bon déroulement de l'opération au sujet de laquelle il possède tous les renseignements nécessaires ".

24. Contrairement à ce qu'ont mentionné les premiers juges, les délibérations du bureau de Grand Lyon Habitat des 24 novembre 2010 et 12 janvier 2011 ne portent pas sur la gratuité de loyers et concernent uniquement la résiliation du bail de M. A...et la fixation de l'indemnité d'éviction par voie judiciaire en cas de non-acceptation par ce dernier du montant de l'offre amiable d'indemnité d'éviction.

25. Il résulte également de l'instruction qu'une proposition amiable d'indemnité d'éviction a été formulée à hauteur de 115 000 euros par la Métropole de Lyon le 11 juillet 2011 à condition que M. A...quitte les lieux sans requérir d'autre indemnité auprès de l'OPH Grand Lyon Habitat.

26. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, du fait de la renonciation à toute action judiciaire devant les juridictions judiciaire et administrative imposée par le projet de protocole de 2008 et le courrier du 11 juillet 2011, et alors que, comme il a été dit, M. et M. A...se sont maintenus légalement dans les lieux jusqu'en 2014 et ont payé l'intégralité de leurs loyers, aucune déduction au titre d'une potentielle gratuité des loyers estimée à hauteur de 24 885 euros ne doit être effectuée. Dès lors et eu égard aux données de l'expertise comptable sur les résultats courants avants impôts qualifiés par l'expert judiciaire de perte de bénéfices, non contestées par Grand Lyon Habitat et la métropole de Lyon, il y a lieu de fixer à 75 568 euros la somme due à M. et Mme A...solidairement par Grand Lyon Habitat et la Métropole de Lyon en réparation d'un tel préjudice pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2012.

En ce qui concerne la réparation du préjudice moral :

27. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de maintenir à 4 000 euros soit 2 000 euros pour chacun des époux A...la somme, correctement évaluée par le jugement avant dire droit du 9 juin 2015, leur étant due par Grand Lyon Habitat et la Métropole de Lyon au titre de leur préjudice moral consécutif à l'incertitude de l'avenir de leur commerce, la fermeture de leur local et la cessation de leur activité, en lien direct avec les travaux de rénovation du quartier Mermoz Nord.

28. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a limité leur indemnisation au titre de la perte de bénéfices à 32 217 euros et, d'autre part, que doivent être rejetées les conclusions d'appel incident par lesquelles Grand Lyon Habitat et la Métropole de Lyon demandent la réformation du jugement avant dire droit du 9 juin 2015, en ce qu'il a retenu leur responsabilité dans les préjudices subis par les épouxA..., et du jugement du 20 décembre 2016 en ce qu'il a partiellement fait droit aux demandes indemnitaires de M. et MmeA....

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

29. Il résulte de l'instruction que la demande indemnitaire préalable déposée à l'accueil de Grand Lyon Habitat le 30 décembre 2011 par le conseil de M. et Mme A...à fin d'indemnisation de ces derniers a été réceptionnée par les services de Grand Lyon Habitat à cette même date. Les intérêts au taux légal doivent donc courir à compter de cette date.

30. La capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois devant le tribunal administratif le 27 avril 2012. A cette date, il n'était pas dû au moins une année d'intérêts. Par suite, les intérêts échus le 30 décembre 2012 doivent être capitalisés à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Sur les dépens :

31. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".

32. Grand Lyon Habitat et la métropole de Lyon étant les parties perdantes de la présente instance, les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 9 813,39 euros, doivent être mis solidairement à leur charge définitive.

Sur les frais liés au litige :

33. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre solidairement à la charge de Grand Lyon Habitat et de la métropole de Lyon, qui sont, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement à M. et Mme A...d'une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées par Grand Lyon Habitat et la Métropole de Lyon à l'encontre de M. et Mme A...au titre de ce même article doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'indemnité de 32 217 euros que par son jugement du 20 décembre 2016 le tribunal administratif de Lyon a mis à la charge solidaire de Grand Lyon Habitat et de la Métropole de Lyon en réparation du préjudice commercial et du préjudice moral subis par les époux A...est portée à la somme de 79 568 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2011. Les intérêts échus à la date du 30 décembre 2012 puis à chaque échéance annuelle seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 décembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 9 813,39 euros sont mis solidairement à la charge définitive de Grand Lyon Habitat et de la Métropole de Lyon.

Article 4 : Grand Lyon Habitat et la Métropole de Lyon verseront solidairement la somme globale de 1 500 euros à M. et Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions incidentes et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la Métropole de Lyon et par Grand Lyon Habitat sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...A..., à Grand Lyon Habitat et à la Métropole de Lyon.

Délibéré après l'audience du 14 février 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 avril 2019.

2

N° 17LY00956


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00956
Date de la décision : 04/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics. Victimes autres que les usagers de l'ouvrage public. Tiers.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : AGIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-04-04;17ly00956 ?
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