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21/03/2019 | FRANCE | N°17LY01365

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 21 mars 2019, 17LY01365


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler la délibération du 13 mars 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de Rauret a rejeté leur demande tendant à la " réouverture du chemin rural dit de la Barge ", et d'autre part, de condamner cette commune à leur verser une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice matériel qu'ils estimaient avoir subi.

Par un jugement n° 1500753 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Cler

mont-Ferrand a, d'une part, annulé cette délibération du 13 mars 2015, et d'aut...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler la délibération du 13 mars 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de Rauret a rejeté leur demande tendant à la " réouverture du chemin rural dit de la Barge ", et d'autre part, de condamner cette commune à leur verser une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice matériel qu'ils estimaient avoir subi.

Par un jugement n° 1500753 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, d'une part, annulé cette délibération du 13 mars 2015, et d'autre part, rejeté les conclusions indemnitaires de M. et MmeC....

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 mars 2017 et le 13 octobre 2017, la commune de Rauret, représentée par son maire en exercice et par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de M. C...une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, au regard des dispositions de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime, le litige étant relatif, compte tenu de la demande de M. et MmeC..., à la gestion du domaine privé communal, dont seule la juridiction judiciaire peut connaître ;

- le chemin rural concerné n'est pas, sur sa partie en litige, affecté à l'usage du public ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a estimé qu'il pouvait se fonder sur un extrait de plan cadastral pour se prononcer sur la question de l'affectation à l'usage du public du chemin rural en cause ;

- la délibération contestée a été prise par une autorité compétente pour le faire, compte tenu de la situation du chemin rural concerné et de l'objet de la demande de M. et MmeC..., le conseil municipal pouvant légalement estimer qu'il n'y avait pas lieu d'entreprendre des travaux sur ce chemin, sur sa partie en litige devenue impraticable, et renvoyer au maire le soin de règlementer, par l'usage des pouvoirs de police lui appartenant, pour des raisons de sécurité, la circulation des véhicules de tourisme sur ce chemin ;

- M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que la parcelle cadastrée section AX n° 126 leur appartenant serait enclavée ;

- M. et Mme C...ne peuvent soutenir que la délibération en litige est entachée de détournement de pouvoir.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 juin 2017 et le 22 novembre 2018, M. et MmeC..., représentés par MeA..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Rauret en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- à titre principal, la juridiction administrative est compétente pour connaître du présent litige ;

- ils ont formulé une demande tendant à l'usage par le maire de ses pouvoirs de police afin de rétablir l'assiette du chemin rural en cause pour qu'il soit carrossable ;

- les moyens soulevés par la commune de Rauret ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, la délibération contestée est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- la délibération contestée est entachée d'un détournement de pouvoir, visant à satisfaire les intérêts privés d'un membre du conseil municipal.

Par ordonnance du 22 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 10 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne,

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant la commune de Rauret ;

Une note en délibéré enregistrée le 28 février 2019 a été produite pour la commune de Rauret ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C...sont propriétaires et exploitants d'une parcelle boisée cadastrée section AX n° 126, située au lieu-dit " Jagonnas " sur le territoire de la commune de Rauret. Ne pouvant accéder avec un véhicule de tourisme à ce terrain, M. et Mme C...ont adressé au maire de la commune de Rauret une demande tendant à l' " ouverture du chemin rural dit de la Barge ". Par délibération du 13 mars 2015, le conseil municipal de Rauret a rejeté leur demande. Par jugement n° 1500753 du 31 janvier 2017, dont la commune de Rauret relève appel, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cette délibération.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. ". Aux termes de l'article L. 161-5 du même code : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux. ". Il résulte de ces dernières dispositions qu'il appartient au maire de faire usage de son pouvoir de police afin de réglementer et, au besoin, d'interdire la circulation sur les chemins ruraux et il lui incombe de prendre les mesures propres à assurer leur conservation.

3. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des termes mêmes du compte-rendu du conseil municipal qui a adopté la délibération contestée, que M. et Mme C...ont formé auprès du maire de la commune de Rauret une " demande d'ouverture du chemin rural " de la Barge " ", pour pouvoir accéder en véhicule léger à leur parcelle qui jouxte ce chemin. Par cette initiative, ils ont sollicité cette autorité afin qu'elle fasse usage de ses pouvoirs de police pour rétablir la faculté de circuler sur ce chemin rural. Dès lors, la juridiction administrative était, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, compétente pour connaître des conclusions aux fins d'annulation présentées par M. et Mme C...et dirigées contre la décision refusant de faire droit à leur demande.

Sur la légalité de la délibération du 13 mars 2015 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale / (...).". Aux termes de l'article L. 161-3 du même code : " Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé. ". Une seule des circonstances mentionnées à l'article L. 161-2 permet de retenir la présomption d'affectation à l'usage du public.

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des différents documents photographiques produits par les parties, que si la partie du chemin rural en litige n'est pas carrossable, du moins par un véhicule léger, elle demeure cependant, en l'absence de tout obstacle substantiel s'y opposant, ouverte à la circulation pédestre. Elle n'a donc, contrairement à ce que soutient la commune de Rauret, pas perdu son affectation à l'usage du public.

6. En deuxième lieu, si la commune de Rauret soutient que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ne pouvait se fonder sur un extrait de plan cadastral pour se prononcer sur l'affectation à l'usage du public du chemin rural concerné, il résulte cependant des motifs du jugement attaqué que la référence faite à des plans cadastraux n'est destinée qu'à constater l'emprise de ce chemin rural et non pas à déterminer son affectation.

7. En troisième lieu, ainsi qu'il a été précédemment dit, M. et Mme C...ont demandé au maire de la commune de Rauret le rétablissement de la faculté, qu'ils estimaient être compromise par un tiers sur un tronçon, de circuler sur l'ensemble du chemin dit de la Barge afin de pouvoir accéder à leur parcelle pour les besoins de son exploitation. Ils lui demandaient ainsi qu'il use des pouvoirs qu'il tient des dispositions de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime. Dans ces conditions, s'agissant de réglementer la circulation sur un chemin rural, le conseil municipal était, incompétent pour se prononcer sur une telle demande.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Rauret n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la délibération du 13 mars 2015.

Sur les frais liés au litige :

9. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées par la commune de Rauret doivent donc être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de cette commune une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme C...pour les besoins du litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Rauret est rejetée.

Article 2 : La commune de Rauret versera à M. et Mme C...une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Rauret et à M. et Mme B... C....

Délibéré après l'audience du 28 février 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

M. Chassagne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 mars 2019.

5

N° 17LY01365


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01365
Date de la décision : 21/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Attributions - Police.

Voirie - Composition et consistance - Chemins ruraux.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : TEILLOT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-03-21;17ly01365 ?
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