Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2008 à hauteur de la somme de 8 562 euros, intérêts de retard inclus.
Par un jugement n° 1507994 du 1er mars 2018, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 22 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 1er mars 2018 ;
2°) de remettre à la charge de l'intéressé l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 2008, et les intérêts de retard correspondants, dont la décharge a été prononcée à tort par les premiers juges, à hauteur de 8 152 euros.
Il soutient que :
- la décision portant homologation du rôle d'impôt sur le revenu, et fixant la date de mise en recouvrement de l'imposition, ayant été régulièrement prise par l'autorité compétente prévue par les dispositions des articles 1658 et 1659 du code général des impôts, c'est à tort que le tribunal a prononcé la décharge de l'imposition en cause ;
- le moyen tiré des irrégularités dont auraient été affectées les procédures menées à l'égard de la SEP KJD Capital 59 ou de la SNC KJD Capital est inopérant ;
- l'administration n'a ajouté aucune condition supplémentaire aux prescriptions de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans la mesure où elle s'est bornée à appliquer les dispositions de droit commun prévues par le code de l'urbanisme pour écarter l'octroi de l'avantage fiscal prévu par cet article au motif d'une part, que l'acquisition en 2008 d'un local technique neuf par la SEP KJD Capital 59 n'était pas établie et d'autre part, que la preuve du caractère neuf des matériels équipant le local technique n'était pas rapportée ;
- ni l'acquisition, au cours de l'année 2008, d'un local technique neuf, par la SEP KJD Capital 59 ni le caractère neuf des matériels équipant le local technique ne sont établis ;
- de la même manière, la prétendue vente d'un hangar avec tapis roulant, d'un dépôt de stockage et d'aménagement et de trois fours à charbon à la SEP KJD Capital 59, la livraison au 31 décembre 2008 d'un investissement d'un montant de 184 000 euros hors taxes, ne sont pas établies.
Par ordonnance du 17 décembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 15 janvier 2019.
Un mémoire présenté pour M. B... A...a été enregistré le 22 janvier 2019, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure,
- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... est associé de la société en participation (SEP) KJD Capital 59, dont la gestion est assurée par la société en nom collectif (SNC) KJD Capital et dont l'objet est la réalisation d'investissements productifs dans les départements d'outre-mer ouvrant droit au bénéfice des avantages fiscaux prévus à l'article 199 undecies B du code général des impôts. L'administration a remis en cause la réduction d'impôt sur le revenu qu'il avait opérée dans sa déclaration de revenus de l'année 2008, à raison de sa quote-part des investissements réalisés outre-mer par la SEP. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 1er mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, faisant droit au dernier état des conclusions de la demande de M. A..., l'a déchargé de la somme de 8 562 euros correspondant à la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2008 et des intérêts correspondants.
2. Il ressort des pièces produites pour la première fois en appel par le ministre que l'homologation du rôle incorporant les impositions contestées a été effectuée le 12 décembre 2013 par Mme D..., administratrice des finances publiques adjointe à la direction des finances publiques de la Drôme, régulièrement habilitée par délégation de pouvoirs du préfet de ce département, et dont l'arrêté de délégation en date du 3 mai 2012 a été publié au recueil des actes administratifs spécial de cette préfecture le 3 mai 2012. Il suit de là que c'est à tort que le tribunal a fait droit au moyen tiré par M. A... de l'irrégularité de l'homologation du rôle.
3. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble.
4. En premier lieu, les impositions contestées ne résultent pas de l'imposition entre les mains de M. A... des résultats de la SEP KJD Capital 59 mais de la remise en cause de la réduction d'impôt, prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts, à raison d'investissements outre-mer déclarés au titre de l'année 2008. Il résulte de l'instruction que l'administration s'est bornée à faire un contrôle sur pièces de M. A..., associé, en utilisant des informations recueillies lors de la vérification de comptabilité de la société dont les conséquences n'impliquaient aucune rectification des résultats de cette société. Par suite, en raison de l'indépendance des procédures d'impositions, le moyen, pris en toutes ses branches, tiré de ce que la procédure de vérification menée à l'encontre de la SEP KJD Capital 59 serait irrégulière doit être écarté comme inopérant.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 61 du livre des procédures fiscales figurant en section IV " Procédures de rectification ", chapitre 1 " Procédure de redressement contradictoire " de ce livre : " Après l'établissement du rôle ou l'émission de l'avis de mise en recouvrement, le contribuable conserve le droit de présenter une réclamation conformément à l'article L. 190. ". Aux termes de l'article L. 253 du livre des procédures fiscales : " Un avis d'imposition est adressé sous pli fermé à tout contribuable inscrit au rôle des impôts directs ou, pour les redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune relevant des dispositions du 2 du I de l'article 885 W du code général des impôts, au rôle de cet impôt, dans les conditions prévues aux articles 1658 à 1659 A du même code. / L'avis d'imposition mentionne le total par nature d'impôt des sommes à acquitter, les conditions d'exigibilité, la date de mise en recouvrement et la date limite de paiement (...) ". En vertu du premier alinéa de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité ".
6. Si l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010 portant loi de finances rectificative pour 2010 a complété l'article 1658 du code général des impôts en y ajoutant le membre de phrase " ou d'avis de mise en recouvrement ", il ne résulte pas de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires et qui doivent être combinées avec les dispositions de l'article L. 61 du livre des procédures fiscales, que le législateur aurait ainsi entendu imposer à l'administration, à peine d'irrégularité, d'émettre un avis de mise en recouvrement lorsqu'elle souhaite établir et recouvrer des impositions supplémentaires en matière d'impôt sur le revenu. La circonstance que les rectifications sont consécutives à la vérification de la comptabilité de la SEP en Guadeloupe et que la proposition de rectification qui a été adressée à M. A... provient de la direction départementale des finances publiques de Guadeloupe n'implique pas davantage d'obligation de recouvrir à un avis de mise en recouvrement. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'administration ne pouvait mettre en recouvrement les impositions litigieuses sans avoir émis un avis de mise en recouvrement.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 10 du code général des impôts : " Si le contribuable a une résidence unique en France, l'impôt est établi au lieu de cette résidence. / Si le contribuable possède plusieurs résidences en France, il est assujetti à l'impôt au lieu où il est réputé posséder son principal établissement. ".
8. M. A... résidant à Malissard, c'est à bon droit que les impositions litigieuses ont été établies dans la Drôme et non en Guadeloupe, alors même que cette mise en recouvrement était consécutive à un contrôle effectué par le centre des impôts de la Guadeloupe qui a notifié la proposition de rectification.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, à dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 / (...) La réduction d'impôt prévue au présent I s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location si les conditions mentionnées aux quatorzième à dix-septième alinéas du I de l'article 217 undecies sont remplies (...) ".
10. Les deux opérations d'investissement litigieuses consistaient en l'acquisition par la SNC KJD Capital 59, d'une part, auprès de la SCEA Belle Plaine d'un local technique de 90 mètres carrés, muni d'équipements frigorifiques, pour un prix de 72 598,45 euros hors taxes, d'autre part, auprès de l'EURL Solution Caraïbe Paysagiste d'un tapis roulant, d'un dépôt de stockage et d'aménagement, ainsi que de trois fours à charbon, pour un prix de 184 000 euros hors taxes. Lors des opérations de contrôle de la SEP KJD Capital 59 et à l'occasion du droit de communication exercé auprès de la SCEA Belle Plaine et de l'EURL Solution Caraïbe Paysagiste, le vérificateur a pu constater, d'une part, l'existence matérielle d'un local technique doté d'équipements produisant du froid, d'autre part, l'existence physique d'un hangar, d'un container CGM de 40 pieds et l'emplacement de trois fours à charbon de bois, sans toutefois qu'il soit possible d'affirmer que les bâtiments en question étaient ceux objets de l'opération. Aucun permis de construire de ces différents bâtiments ne lui a été communiqué, ni aucune déclaration d'achèvement des travaux, ni aucune pièce de nature à justifier de l'origine et du caractère neuf des équipements vendus. La SCEA Belle Plaine et l'EURL Solution Caraïbe Paysagiste n'ont pas non plus produit les factures initiales d'acquisition des matériels libellées à leurs noms respectifs. Le vérificateur en a déduit que la livraison des différents biens n'était pas établie.
11. Contrairement à ce que soutient M. A..., l'administration n'a pas subordonné le bénéfice des dispositions de l'article 199 undecies B à la délivrance d'un permis de construire pour l'équipement objet de l'opération de défiscalisation mais s'est bornée à constater qu'il n'était pas justifié de l'existence effective de l'équipement productif neuf. Le moyen tiré de ce que l'administration aurait ajouté au texte fiscal une condition qu'il ne prévoit pas doit donc être écarté.
12. D'autre part, pour justifier de la réalité des investissements litigieux, M. A... a produit une attestation de paiement de la SCEA Belle Plaine matérialisant le versement de la somme de 16 980,86 euros, lors de la livraison du matériel dont le destinataire est la SNC KJD Capital, un procès-verbal dressé par huissier qui a constaté, le 30 août 2010, l'existence d'un hangar aménagé prolongé d'un local technique à " Sainte-Rose 97, lieudit Belle Plaine ", et une évaluation par un expert immobilier de la valeur vénale de ce hangar. Toutefois, l'attestation délivrée pour les besoins de la cause par une partie à l'opération de défiscalisation est dépourvue de valeur probante. Les documents établis par un huissier et par un expert immobilier, postérieurement à l'opération, ne démontrent pas que le bâtiment, objet de l'opération de défiscalisation, existait en 2008. Par suite, la réalité de l'investissement ayant ouvert droit à la réduction d'impôt dont a bénéficié M. A... au titre de l'année 2008 ne peut être tenue pour établie.
13. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de M. A....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 1er mars 2018 est annulé.
Article 2 : M. A... est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008 à raison des droits et majorations qui lui ont été assignés, dans la limite de 8 152 euros.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 26 février 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 19 mars 2019.
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N° 18LY02293
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