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19/03/2019 | FRANCE | N°18LY01759

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 19 mars 2019, 18LY01759


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... D...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 10 avril 2018 par lequel le préfet de la Savoie a décidé sa remise aux autorités finlandaises en vue de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1802284 du 14 avril 2018, le magistrat désigné tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 mai 2018

, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désig...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... D...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 10 avril 2018 par lequel le préfet de la Savoie a décidé sa remise aux autorités finlandaises en vue de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1802284 du 14 avril 2018, le magistrat désigné tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 mai 2018, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble du 14 avril 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 avril 2018 par lequel le préfet de la Savoie a décidé sa remise aux autorités finlandaises en vue de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il l'a assigné à résidence ;

3°) d'enjoindre à l'office français de protection des réfugiés et des apatrides d'enregistrer sa demande d'asile en France dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. D... soutient que :

- la compétence du signataire de l'arrêté litigieux n'est pas établie ;

- sa demande d'asile ayant été d'ores et déjà rejetée par la Finlande, le préfet ne pouvait fonder sa décision de transfert du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la décision de transfert litigieuse méconnait les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car, appartenant à la minorité sunnite et ayant travaillé aux côtés des forces américaines, il a des raisons légitimes de craindre pour sa vie et son intégrité physique en cas de retour en Irak, et il est certain qu'en cas de retour en Finlande, il sera refoulé vers l'Irak ;

- pour les mêmes raisons, la décision de transfert méconnait les articles 53-1 de la Constitution et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté l'assignant à résidence doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de la décision de transfert.

La requête a été communiquée au préfet de la Savoie, qui n'a pas présenté d'observations.

Par ordonnance du 6 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 21 décembre 2018.

La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. D... a été rejetée par une décision du 5 juin 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme A..., première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant irakien né le 6 juin 1992, indique avoir quitté son pays en 2015 pour l'Allemagne et, dans le cadre d'un accord franco-allemand, avoir été redirigé en France le 16 septembre 2015 où il a formé une demande d'asile. Avant que sa demande n'ait pu être examinée, il a toutefois gagné la Finlande, où il a également déposé une demande d'asile, laquelle a été rejetée le 13 septembre 2017. Il est par la suite retourné en France, où il a déposé une nouvelle demande d'asile le 24 novembre 2017. Le préfet de la Savoie, après consultation de la base de données Eurodac, a ordonné sa remise aux autorités finlandaises et l'a assigné à résidence dans l'arrondissement de Chambéry par deux arrêtés du 10 avril 2018 dont il a demandé l'annulation devant le tribunal administratif de Grenoble. Il relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

2. Les deux arrêtés litigieux du 10 avril 2018 ont été signés par M. C..., directeur de la citoyenneté et de la légalité de la préfecture de la Savoie, qui disposait à cet effet d'une délégation de signature par arrêté du 2 janvier 2018, régulièrement publié et produit en première instance par le préfet. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions litigieuses manque en fait et doit être écarté.

3. Aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. ".

4. Selon les termes de l'arrêté litigieux, le préfet de la Savoie a saisi les autorités finlandaises sur le fondement du b) du 1. de l'article 18 du règlement précité, le résultat de la recherche effectuée dans le fichier Eurodac ayant seulement précisé que les autorités finlandaises avaient enregistré des empreintes décadactylaires identiques à celles de M. D.... L'arrêté indique ensuite que lesdites autorités ont expressément accepté la reprise en charge de l'intéressé. Il ressort des pièces du dossier que cette acceptation expresse précisait être fondée sur les dispositions du d) du 1. de l'article 18. La circonstance que l'arrêté de transfert litigieux ne mentionne pas la précision apportée par les autorités finlandaises ne permet pas de considérer que le préfet de la Savoie aurait décidé de la remise aux autorités finlandaises sur un autre fondement que celui du d) du 1. de l'article 18 précité. Ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet de la Savoie aurait privé sa décision de base légale doit, en tout état de cause, être écarté.

5. Aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

6. Si M. D... fait valoir que les autorités finlandaises ont rejeté sa demande d'asile et qu'en cas de transfert vers la Finlande, il sera refoulé en Irak, où il encourt des risques pour sa vie, il ne produit que la décision du 13 septembre 2017 de l'office national de l'immigration rejetant sa demande d'asile. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que M. D... aurait exercé, ni a fortiori, épuisé les voies de recours existant contre cette décision, ni qu'il serait sous le coup d'une mesure d'éloignement exécutoire. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision de transfert litigieuse méconnaitrait les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Pour les mêmes raisons, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision prononçant son transfert vers la Finlande méconnaitrait le paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui autorise un Etat membre à examiner une demande de protection internationale même lorsque cet examen ne lui incombe, en principe, pas en vertu des critères fixés dans ledit règlement. Il n'est pas davantage fondé, pour les mêmes motifs, à invoquer la méconnaissance de l'article 53-1 de la Constitution, qui prévoit la faculté pour la République française de donner asile à un étranger, quand bien-même sa demande relèverait de la compétence d'un autre Etat en vertu d'engagements internationaux.

8. Eu égard à ce qui précède, le moyen tiré de ce que l'arrêté d'assignation à résidence devrait être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté de transfert doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 26 février 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente-assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique le 19 mars 2019.

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N° 18LY01759

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01759
Date de la décision : 19/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : COMBES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-03-19;18ly01759 ?
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