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07/03/2019 | FRANCE | N°18LY00326

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 07 mars 2019, 18LY00326


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2017 par lequel le préfet de l'Isère a retiré son certificat de résidence valable du 14 avril 2016 au 13 avril 2017, a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1705992 du 2

8 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté en tant qu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2017 par lequel le préfet de l'Isère a retiré son certificat de résidence valable du 14 avril 2016 au 13 avril 2017, a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1705992 du 28 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté en tant qu'il procède au retrait du certificat de résidence de M. A... et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 30 janvier 2018, M. A..., représenté par Me Coutaz, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 décembre 2017 en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre le refus de certificat de résidence, l'obligation de quitter le territoire français sans délai, la décision fixant le pays de renvoi et l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans les deux jours de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus de certificat de résidence n'est pas suffisamment motivé ; il est entaché d'un vice de procédure lié au défaut de saisine de la commission du titre de séjour, alors qu'il pouvait bénéficier de plein droit d'un titre sur le fondement du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa demande sur le fondement du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; ce refus méconnaît le 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; il méconnaît le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'il pouvait bénéficier de plein droit d'un certificat de résidence sur le fondement du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, alors même qu'il n'aurait pas sollicité de titre sur ce fondement ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ; elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le refus d'un délai de départ volontaire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ; il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ; elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2018.

Par un courrier du 29 janvier 2019, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la demande de M. A... tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 27 septembre 2017, eu égard au caractère superfétatoire de la décision par laquelle ledit préfet a procédé au retrait du certificat de résidence délivré en exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 mars 2016 qui a été annulé par arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 26 janvier 2017, dès lors que, lorsque l'autorité administrative, en exécution d'un jugement d'annulation, prend une nouvelle décision qui n'est motivée que par le souci de se conformer à ce jugement d'annulation, la décision du juge d'appel statuant au fond a pour effet, si elle annule le jugement d'annulation, de rétablir la décision initiale dans l'ordonnancement juridique et entraîne, ce faisant, la sortie de vigueur de la décision qui n'avait été prise que pour l'exécution du jugement annulé (CE 7 juin 2017, n° 404480, société Margo Cinéma, tables).

Par un mémoire enregistré le 4 février 2019, en réponse à la communication de ce moyen d'ordre public, M. A... indique que le préfet n'a pas fait appel du jugement en tant qu'il annule le retrait et que la requête conserve un objet s'agissant des autres décisions en litige.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., première conseillère,

- les observations de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien, est entré en France le 19 août 2001, sous couvert d'un visa de court séjour. Il a sollicité l'asile territorial, qui lui a été refusé par une décision du 28 août 2003. Il a fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une invitation de quitter le territoire le 17 février 2004, puis d'un arrêté de reconduite à la frontière, le 27 avril 2004. Il a épousé une ressortissante française le 10 février 2007 et obtenu à ce titre un certificat de résidence valable du 25 avril 2007 au 24 avril 2008. Le 30 novembre 2009, le renouvellement de ce titre de séjour lui a été refusé faute de vie commune et il lui a été fait obligation de quitter le territoire français. Toutefois, ces décisions ont été annulées par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 mars 2010. M. A... a alors été mis en possession d'un certificat de résidence d'un an. Cependant ce jugement a été annulé par un arrêt de la cour du 18 janvier 2011 et le titre qui lui a lui avait été délivré en exécution de ce jugement lui a été retiré par une décision du 8 mars 2011, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 septembre 2011. L'intéressé a alors sollicité un certificat de résidence en qualité de commerçant et au titre de ses dix années de présence en France. Le 22 mai 2012, un refus lui a été opposé et il lui a été fait obligation de quitter le territoire français. La légalité de ces décisions a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 octobre 2012. Il a alors sollicité un certificat de résidence en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il a fait l'objet d'un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français par un arrêté du 16 octobre 2013 dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Grenoble par un jugement du 29 avril 2014. La cour a cependant annulé ce jugement et cet arrêté par un arrêt du 30 avril 2015 et enjoint à l'administration de réexaminer la demande de M. A.... M. A... a fait l'objet d'un nouvel arrêté de refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire par un arrêté du 17 août 2015, annulé par le tribunal administratif de Grenoble par un jugement du 29 mars 2016. En exécution de ce jugement lui a été délivré un certificat de résidence d'un an mention " vie privée et familiale ". Ce jugement a toutefois été annulé par un arrêt de la cour du 26 janvier 2017. En exécution de cet arrêt, le préfet de l'Isère a retiré le certificat de résidence, a pris un nouveau refus et assorti celui-ci de l'obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans par un arrêté du 27 septembre 2017. Par un jugement du 28 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision de retrait du certificat de résidence et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A.... Celui-ci relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre le nouveau refus de certificat de résidence, l'obligation de quitter le territoire français sans délai, la décision fixant le pays de renvoi et l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Sur la légalité des décisions en litige :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... réside en France de manière habituelle depuis 2007, soit dix ans à la date de la décision en litige lui refusant un certificat de résidence. Si le préfet de l'Isère conteste sa résidence en France au cours de l'année 2007, il ressort des pièces du dossier que cette année-là, l'intéressé a épousé une ressortissante française et a obtenu un certificat de résidence à ce titre. M. A... produit également un certificat médical de l'agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrants du 6 mai 2007 ainsi que deux contrats de travail et des bulletins de salaire. Si le préfet de l'Isère indique que M. A... a séjourné à plusieurs reprises en Algérie au cours des années 2016 et 2017, l'intéressé bénéficiait d'un certificat de résidence valable du 14 avril 2016 au 13 avril 2017 lui permettant de retourner librement en Algérie. En outre, à la date de la décision en litige, M. A... était le père de deux enfants nés en France dont il justifie s'occuper, alors même qu'il serait séparé de leur mère depuis juillet 2017. Enfin l'intéressé, qui a obtenu le 10 mars 2017 la délivrance par la commission locale d'agrément et de contrôle Sud-est d'une carte professionnelle pour l'activité de surveillance, disposait à la date de la décision en litige d'un contrat de travail à durée indéterminée d'agent de sécurité. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le refus de lui délivrer un certificat de résidence opposé à M. A... le 27 septembre 2017 porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît, par suite, le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du refus de certificat de résidence qui lui a été opposé ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, le refus de délai de départ volontaire, la décision fixant le pays de renvoi et l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. " Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " L'article L. 911-3 de ce code dispose que : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. "

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) ".

7. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel elle repose, que le préfet de l'Isère délivre à M. A... un certificat de résidence mention " vie privée et familiale " d'un an. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de l'Isère de procéder à la délivrance de ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, dans un délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

8. D'une part, M. A... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'État au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. D'autre part, l'avocat de M. A... n'a pas demandé que lui soit versée par l'État la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Par suite, les conclusions de M. A... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les décisions du préfet de l'Isère du 27 septembre 2017 portant refus de délivrer à M. A... un certificat de résidence, obligation de quitter le territoire français, refus d'un délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans sont annulées.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. A... un certificat de résidence d'un an mention " vie privée et familiale " et une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans les délais de, respectivement, deux mois et quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 14 février 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme B..., première conseillère,

Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 mars 2019.

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N° 18LY00326


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00326
Date de la décision : 07/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Emilie BEYTOUT
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-03-07;18ly00326 ?
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