La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/03/2019 | FRANCE | N°17LY04173

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 07 mars 2019, 17LY04173


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2017 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a procédé à son signalement aux fins de non

admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2017 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a procédé à son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte.

Par un jugement n° 1706099 du 10 novembre 2017, le magistrat délégué du tribunal administratif de Grenoble a réservé tous moyens et conclusions dirigés contre le refus de titre de séjour adopté à l'encontre de Mme B...ou à l'appui de ceux-ci, a annulé la décision du préfet de l'Isère portant interdiction de retour sur le territoire français et la décision portant signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 décembre 2017, Mme A...B...épouseC..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 novembre 2017 en tant que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Isère du 30 octobre 2017 l'obligeant à quitter le territoire français et lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire ainsi que la décision du même jour par laquelle le préfet de l'Isère a fixé le pays à destination duquel elle sera reconduite d'office ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

- ces décisions ont méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle est entrée en France le 8 octobre 2012 pour rejoindre son époux titulaire d'un certificat de résidence de 10 ans ; elle est parfaitement intégrée, est bénévole pour l'accompagnement à la scolarité depuis l'année scolaire 2013-2014, son époux travaille , une grande partie de sa famille réside en France ; son fils, Mostafa Radha âgé de 14 ans, est présent en France où il est soigné pour un kératocône de stade IV qui a été diagnostiqué en janvier 2017 et qui nécessite une greffe de cornée ; le 17 octobre 2017 un cross linking de l'oeil droit a été réalisé sur l'enfant et le certificat médical précise qu'une kératoplastie de l'oeil gauche est à prévoir ; elle s'occupe au quotidien de sa petite-fille avec qui elle a tissé des liens très forts ;

- ces décisions méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que l'état de santé de son fils nécessite des traitements et un suivi dans un centre spécialisé en France et justifie sa présence à ses côtés ;

- ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que ces décisions auraient pour conséquence de mettre fin à ses efforts d'intégration et entraîneraient une séparation d'avec son époux et de leur fils ; son fils a besoin de sa présence à ses côtés compte tenu de son état de santé ; la maladie de son enfant ne peut être soignée en Algérie ;

Sur la légalité de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- la décision est insuffisamment motivé dès lors que le préfet ne démontre pas en quoi il existerait un risque qu'elle puisse se soustraire à l'avenir à l'obligation de quitter le territoire ou constituerait une menace pour l'ordre public ;

- au regard de sa situation, la décision méconnait le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire prive de base légale la décision de refus d'octroi d'un délai de départ ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'existe pas de risque réel qu'elle se soustraie à la mesure d'éloignement prise à son encontre ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., ressortissante algérienne née le 22 janvier 1969, est entrée en France le 8 octobre 2012 selon ses dires, afin de rejoindre son époux. Le 4 février 2013, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par un arrêté du 19 septembre 2013, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. Le 14 juin 2017, elle a sollicité à nouveau la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par arrêté du 30 octobre 2017, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et l'a signalée aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Mme C...relève appel du jugement du 10 novembre 2017 en tant que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

3. Mme C...fait valoir qu'elle est entrée en France en 2012 pour rejoindre son époux en situation régulière et une grande partie de sa famille, qu'elle est bien intégrée et s'occupe de sa petite-fille, que son fils est soigné pour un kératocône de stade IV diagnostiqué en janvier 2017 et que sa présence à ses côtés est indispensable. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme C...a vécu jusqu'à l'âge de 43 ans en Algérie où elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales puisque sa mère et deux de ses enfants y résident. Il n'est pas établi que la vie privée et familiale des épouxC..., eu égard à leur nationalité commune, ne pourrait se poursuivre en Algérie. Par ailleurs, la circonstance que Mme C...travaille à titre bénévole pour une association ne saurait suffire à démontrer une insertion particulière dans la société française compte tenu de la durée et de ses conditions de séjour en France. S'il ressort également des pièces du dossier que le fils de Mme C... présente un kératocône bilatéral pour lequel il a fait l'objet d'une première intervention sur l'oeil droit le 17 octobre 2017 et qui nécessitera également une kérotoplastie de l'oeil gauche selon un certificat médical du 21 septembre 2017 confirmée par un nouveau certificat médical du 24 octobre 2017, éléments qui au demeurant n'avaient pas été portés à la connaissance du préfet, il n'est pas établi que cet enfant serait dans l'impossibilité d'accéder en Algérie à un traitement médical approprié à sa pathologie et ce alors que le jugement précise, sans être contesté sur ce point, qu'il ressort des explications apportées à l'audience que cette opération ne pourra être réalisée que lorsque son fils sera plus âgé. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressée en France, le préfet en adoptant les décisions critiquées n'a pas porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel lesdites décisions ont été prises. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés. Dans les circonstances qui viennent d'être rappelées, le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des mesures sur la situation personnelle de l'intéressée.

Sur la légalité de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

4. La décision attaquée qui fait apparaître les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut être accueilli.

5. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de la requérante n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité de ladite obligation de quitter le territoire français ne peut être accueillie.

6. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " ...l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français :... 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : ... d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement... ".

7. Mme C...a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français le 19 septembre 2013 à laquelle elle n'a pas déféré. En application des dispositions précitées, ce motif est de nature à justifier légalement la décision attaquée. Par suite, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme C...n'invoquant pas de circonstance particulière propre à faire obstacle à ce que le risque de fuite puisse être regardé comme établi, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 14 février 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 mars 2019.

2

N° 17LY04173


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY04173
Date de la décision : 07/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL DESCHAMPS et VILLEMAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-03-07;17ly04173 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award