La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/03/2019 | FRANCE | N°17LY03914

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 05 mars 2019, 17LY03914


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2017 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à

compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1704224 du 19 octobre 2017, le tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2017 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1704224 du 19 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 novembre 2017, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 octobre 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions attaquées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la légalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

- le préfet n'a pas procédé à un examen préalable sérieux et loyal de sa situation dès lors que son époux a déposé une demande de regroupement familial au mois de septembre 2013 et qu'aucune réponse n'a été apportée à cette demande ; elle est légitimement entrée sur le territoire français pour rejoindre son époux ; si le préfet indique que la demande de regroupement a fait l'objet d'une décision implicite de refus, il ne pouvait alors refuser de lui délivrer un titre de séjour pour le motif tiré de ce que sa situation relève du regroupement familial ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors qu'elle est entrée régulièrement en France, que son mari réside régulièrement en France sous couvert d'un certificat de résidence de 10 ans et travaille, que leur mariage a été célébré en 2013, qu'elle est la mère d'une enfant née en France le 24 octobre 2016 et qu'elle participe à son entretien et son éducation, que son époux n'a pu bénéficier d'une demande de regroupement familial ; une séparation contrainte ne peut être imposée à sa famille au regard de la durée de son mariage et du très jeune âge de son enfant ; elle est enceinte de son second enfant ;

- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il est de l'intérêt supérieur de l'enfant de vivre auprès d'elle, en situation régulière.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision emportant obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour les motifs précédemment invoqués ;

- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant pour les motifs précédemment invoqués et dès lors qu'elle implique une séparation de l'enfant avec au moins l'un de ses parents.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire ;

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., ressortissante algérienne née le 11 juillet 1985, est entrée en France le 24 octobre 2015, sous couvert d'un visa de court séjour, pour rejoindre son époux, titulaire d'un certificat de résidence de dix ans et qui avait, le 23 septembre 2013, déposé une demande de regroupement familial à son bénéfice, laquelle a été implicitement rejetée. Le 3 novembre 2016, Mme B...a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence. Par un arrêté du 22 juin 2017, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite. Mme B...relève appel du jugement du 19 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère aurait manqué à une quelconque obligation de loyauté pour avoir fait état, dans l'arrêté contesté, de ce que l'intéressée entrait dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial alors qu'il a indiqué dans son mémoire en défense de première instance que la demande présentée à ce titre par son époux avait fait l'objet d'une décision implicite de rejet, dès lors qu'il ne s'est pas borné à mentionner que Mme B...entrait dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial mais a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle au regard notamment des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet aurait fait preuve de déloyauté dans l'examen de sa demande de titre de séjour ou aurait omis de se livrer à un examen de sa situation ne peuvent qu'être écartés.

3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précitées ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. En sa qualité de conjoint d'un ressortissant étranger séjournant régulièrement en France depuis plusieurs années sous couvert d'un titre de séjour, Mme B...entre dans les catégories qui ouvrent droit au regroupement familial. Elle ne peut dès lors utilement se prévaloir des stipulations précitées du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé.

5. Mme B...fait valoir qu'elle est mariée depuis 2013 avec un ressortissant algérien résidant régulièrement en France avec lequel elle vit depuis plus d'un an et que de leur union est né un enfant le 24 octobre 2016 et qu'elle est enceinte d'un second enfant. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale. En l'espèce, à la date de la décision attaquée, la requérante ne résidait en France que depuis moins de deux ans et la durée de la vie commune avec son époux était faible. Par ailleurs, elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans et exerçait la profession d'enseignante. En outre, eu égard à leur nationalité commune, il n'est pas établi que la vie privée et familiale des époux B...ne pourrait se poursuivre en Algérie. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressée en France, le préfet en adoptant la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel ladite décision a été prise. Il s'ensuit que les moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... et son mari ne pourraient poursuivre leur vie familiale en Algérie, pays dont ils ont tous les deux la nationalité, avec leur fille qui était âgée d'un peu plus d'un an à la date de la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. Les moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour ayant été écartés, Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent être accueillis. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 et 6, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

10. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... née D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...née D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 mars 2019.

2

N° 17LY03914


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03914
Date de la décision : 05/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-03-05;17ly03914 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award