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28/02/2019 | FRANCE | N°18LY01207

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 28 février 2019, 18LY01207


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler les décisions du 27 juin 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office, et d'autre part, d'enjoindre à cette autorité, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notifi

cation du jugement à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, ou ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler les décisions du 27 juin 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office, et d'autre part, d'enjoindre à cette autorité, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen.

Par un jugement n° 1707674 du 1er février 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 4 avril 2018, M.B..., représenté par Me Prudhon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1707674 du 1er février 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du 27 juin 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, avec un délai de départ volontaire de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, une somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle, dès lors d'une part, que le préfet aurait pu faire application de son pouvoir discrétionnaire de régularisation au vu de son parcours, et d'autre part, compte tenu des conséquences de cette décision sur la poursuite de ses études ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a considéré que le préfet du Rhône avait légalement pu, pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour, estimer qu'il ne justifiait pas de ressources suffisantes, dès lors qu'il démontre posséder de telles ressources ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a considéré que le préfet du Rhône avait légalement pu, pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour, estimer qu'il ne justifiait pas de la réalité et du sérieux de ses études, dès lors notamment qu'il établit avoir cherché à poursuivre, avec constance, les enseignements d'un diplôme de cinquième année d'études supérieures, et était susceptible d'obtenir un tel diplôme ;

- la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision attaquée portant octroi d'un délai de départ volontaire de trente jours est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision attaquée portant fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle, dès lors qu'elle ne lui permet pas, compte tenu de la date à laquelle elle a été prise, de valider son diplôme de cinquième année d'études supérieures ;

- la décision attaquée portant octroi d'un délai de départ volontaire de trente jours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle, dès lors qu'elle ne lui permet pas, compte tenu de la date à laquelle elle a été prise, de valider son diplôme de de cinquième année d'études supérieures.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête en se rapportant à ses écritures de première instance.

Par ordonnance du 14 août 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 7 septembre 2018.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 mars 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Paris le 2 décembre 1992, approuvée par la loi n° 94-531 du 28 juin 1994 et publiée par le décret n° 2003-963 du 3 octobre 2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne,

- et les observations de Me Prudhon, représentant M.B....

Une note en délibéré présentée pour M.B... a été enregistrée le 8 février 2019.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant gabonais, est entré en France le 14 novembre 2009 pour y entreprendre des études supérieures, sous couvert d'un visa de long séjour, valant titre de séjour en qualité d'étudiant et renouvelé de manière régulière. Il a ainsi obtenu un diplôme de licence en droit économie et gestion mention administration économique et sociale délivré par l'Université de Rouen, puis à l'issue de l'année universitaire 2013-2014 un diplôme en management et marketing, délivré par l'IDRAC Business School de Lyon correspondant à une quatrième année d'études supérieures. Au titre de l'année universitaire 2014-2015, inscrit auprès du même établissement, il n'a pas réussi à obtenir le diplôme " manager de la stratégie commerciale spécialité finances " correspondant à une cinquième année d'études supérieures. La validité de son dernier titre de séjour a ainsi expiré le 22 novembre 2015. Il n'a pu pour des raisons personnelles de nouveau s'inscrire, pour l'année universitaire 2015-2016, pour suivre les enseignements visant à obtenir ce même titre. Ayant obtenu un accord de principe de l'IDRAC Business School de Lyon lui permettant de s'inscrire pour l'année universitaire 2016-2017, afin d'obtenir le même diplôme, il a sollicité la délivrance d'un nouveau titre de séjour en qualité d'étudiant, en se prévalant de cette inscription, par un courrier en date du 14 décembre 2016, adressé au préfet du Rhône. Par un arrêté du 27 juin 2017 cette autorité a refusé de délivrer un titre de séjour à M.B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office. Par un jugement n° 1707674 du 1er février 2018, dont M. B...relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 27 juin 2017.

I- Sur la légalité de l'arrêté du 27 juin 2017 :

2. Aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales. / (...). ". Aux termes de l'article 12 de la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 : " Les dispositions de la présente convention ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux Parties contractantes sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la convention. ". Aux termes de l'article 9 de cette convention " Les ressortissants de chacune des Parties contractantes désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. Ces dispositions ne font pas obstacle à la possibilité d'effectuer dans l'autre État d'autres types d'études ou de stages de formation dans les conditions prévues par la législation applicable. ". Aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable, auquel les stipulations précitées de l'article 9 de la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 ne dérogent pas : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". (...) / (...) / La carte ainsi délivrée donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle. En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France. (...) / Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application des dispositions du présent article, en particulier en ce qui concerne les ressources exigées, les conditions d'inscription dans un établissement d'enseignement et celles dans lesquelles l'étranger entrant dans les prévisions du 2° peut être dispensé de l'obligation prévue à l'article L. 313-2. ". Aux termes de l'article R. 313-7 du même code : " Pour l'application du I de l'article L. 313-7, l'étranger qui demande la carte de séjour portant la mention " étudiant " doit présenter, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les pièces suivantes : / 1° La justification qu'il dispose de moyens d'existence, correspondant au moins au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement français ; / 2° Un certificat d'immatriculation, d'inscription ou de préinscription dans un établissement public ou privé d'enseignement ou de formation initiale, ou une attestation d'inscription ou de préinscription dans un organisme de formation professionnelle au sens du titre II du livre IX du code du travail, ou bien une attestation justifiant qu'il est bénéficiaire d'un programme de coopération de l'Union européenne dans les domaines de l'éducation, de la formation et de la jeunesse. ".

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée portant refus de délivrance d'un titre de séjour, M. B...bénéficiait, au cours de la période de douze mois précédant cette décision, soit de juin 2017 à juin 2016, de ressources mensuelles d'un montant d'environ 830 euros, supérieur à celui (615 euros) de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée aux boursiers du Gouvernement français, visée par les dispositions précitées du 1° de l'article R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Il justifiait ainsi de moyens d'existence suffisants au moins pendant l'année précédant la décision en litige, au sens de ces dispositions. M. B...est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a validé le motif de la décision du préfet du Rhône tiré de l'insuffisance de ses ressources.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, d'une part, ainsi que cela a été précédemment dit, que l'IDRAC Business School de Lyon avait autorisé le requérant, pour la période du mois de décembre 2016 au mois d'août 2017, à s'inscrire de nouveau au diplôme qu'il souhaitait obtenir au terme de l'année universitaire 2016-2017 et que M. B...a pu accomplir un stage professionnel entre janvier et mai 2017. D'autre part, il démontre, en appel, par la production d'un courriel que lui avait adressé l'IDRAC Business School de Lyon le 7 juin 2017, qu'à la date de la décision attaquée, cet établissement était prêt à lui accorder une inscription lui offrant la faculté de se présenter à une épreuve de rattrapage au mois de septembre 2017, ses résultats ne lui ayant pas permis de satisfaire en totalité aux épreuves l'habilitant à valider un tel diplôme. Ainsi, dès lors que M. B...était susceptible de bénéficier de cette inscription pour cette session de rattrapage, il remplissait toutes les conditions prévues par les stipulations de l'article 9 de la convention franco-gabonaise et des articles L. 313-7 et R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précédemment cités pour que le titre de séjour en litige lui soit délivré. Par suite, c'est à tort que le préfet du Rhône n'a pas admis que M. B...justifiait à la date de la décision attaquée de la nécessité d'être en possession d'un titre pour pouvoir valider les enseignements du diplôme auquel il était inscrit. M. B...est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a considéré que le préfet du Rhône, avait légalement pu, pour lui refuser cette délivrance, estimer qu'il ne justifiait pas de la réalité et du sérieux de ses études.

5. En dernier lieu, M. B...est fondé à soutenir que les décisions attaquées portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours, et fixant le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office, sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

II- Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Il résulte des déclarations de M. B...à l'audience que ce dernier a pu terminer son cycle d'études et obtenir en novembre 2018 le titre " Bac+5 " délivré par l'AIPF (association internationale pour la formation) de " manager de la stratégie commerciale marketing " pour l'obtention duquel il était inscrit auprès de l'IDRAC au cours de la période en litige. Eu égard aux motifs sur lesquels est fondée l'annulation qu'il prononce, le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet du Rhône délivre à M. B... un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", mais seulement qu'il procède au réexamen de sa situation.

III- Sur les frais liés au litige :

8. M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Prudhon, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Prudhon de la somme de 800 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 27 juin 2017 par lequel le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M.B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office, est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Prudhon une somme de 800 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Prudhon renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à Me Prudhon et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée pour information au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 7 février 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

M. Chassagne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 février 2019.

6

N° 18LY01207


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01207
Date de la décision : 28/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : PRUDHON

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-28;18ly01207 ?
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