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07/02/2019 | FRANCE | N°18LY00278

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre a - formation à 3, 07 février 2019, 18LY00278


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 20 mars 2017 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1702952 du 19 octobre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 janvier 2018 et u

n mémoire complémentaire enregistré le 5 février 2018, MmeD..., représentée par Me Petit, demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 20 mars 2017 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1702952 du 19 octobre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 janvier 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 5 février 2018, MmeD..., représentée par Me Petit, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 octobre 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet du Rhône du 20 mars 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de certificat de résidence est insuffisamment motivé ; il méconnaît le 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors qu'elle ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié en Algérie ; il méconnaît le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité du refus de certificat de résidence ; elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité du refus de certificat de résidence et de l'obligation de quitter le territoire français.

Un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2018 a été présenté par le préfet du Rhône mais non communiqué.

Par une décision du 19 décembre 2017, Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeB..., première conseillère,

- et les observations de Me Petit, avocat de MmeD....

Considérant ce qui suit :

1. MmeD..., ressortissante algérienne, est entrée régulièrement en France le 6 décembre 2008 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 29 août 2016, elle a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 5 et du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Le préfet du Rhône a rejeté sa demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi par un arrêté du 20 mars 2017. Mme D...relève appel du jugement du 19 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de certificat de résidence :

2. En premier lieu, la décision en litige comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui la fondent. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7. au ressortissant algérien résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un ressortissant algérien nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'accès effectif à un traitement approprié en Algérie. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un certificat de résidence. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé du ressortissant algérien et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié en Algérie et de la possibilité d'accéder effectivement à ce traitement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un ressortissant algérien justifie la délivrance d'un certificat de résidence dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. Mme D...a été victime d'un cancer du cavum qui a été diagnostiqué en 2015. Par un avis du 12 octobre 2016, le médecin de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes a estimé que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale devant être poursuivie pendant deux ans, dont le défaut était susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et que l'intéressée ne pouvait avoir accès, dans son pays d'origine, à un traitement approprié. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment d'un certificat médical du 2 juin 2016 produit par l'intéressée elle-même, que le traitement par radiothérapie et chimiothérapie concomitante a pris fin en juillet 2016 et qu'elle ne bénéficiait plus, à la date de la décision en litige, que d'un suivi des séquelles de ce cancer et des effets secondaires induits par les traitements. En outre, l'autorité préfectorale a produit des éléments tendant à démontrer l'existence de différentes structures médicales spécialisées, aptes à prendre en charge les affections dont souffre la requérante, et a également démontré que les principaux médicaments prescrits à Mme D...ou les molécules qui les composent sont disponibles en Algérie. Par ailleurs, si Mme D...se prévaut d'un état anxio-dépressif sévère dont le traitement médical n'existerait pas dans son pays d'origine, le seul certificat médical relatif à cette pathologie, rédigé en des termes généraux, a été établi le 2 avril 2017, postérieurement à la date de la décision en litige. De même, si Mme D...soutient qu'elle ne peut voyager sans risque à destination de l'Algérie, le seul certificat médical du Dr C...produit à l'appui de ses dires, eu égard aux termes généraux dans lesquels il est rédigé, ne démontre pas la réalité de ces risques. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit: (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

8. Si Mme D...soutient qu'elle résidait en France depuis plus de huit ans à la date de l'arrêté en litige, la durée de son séjour n'est liée qu'à son maintien sur le territoire en situation irrégulière. Si elle se prévaut de la présence en France de ses parents et de deux frères, de nationalité française, ces seules circonstances ne sont pas de nature à lui ouvrir un droit au séjour en France au titre de sa vie privée et familiale, alors qu'elle est célibataire, sans enfant, n'exerce aucune activité professionnelle et a vécu jusqu'à l'âge de trente six ans en Algérie où résident encore ses deux soeurs et deux autres de ses frères. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés, de même que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision au regard des conséquences qu'elle est susceptible de comporter pour sa situation personnelle.

Sur la légalité de la décision portant l'obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité du refus de certificat de résidence doit être écarté.

10. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5.

11. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation entachant cette décision doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité du refus de certificat de résidence et de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à MmeA... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président,

M. Souteyrand, président-assesseur,

MmeB..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 février 2019.

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N° 18LY00278


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre a - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00278
Date de la décision : 07/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Emilie BEYTOUT
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-07;18ly00278 ?
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