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17/01/2019 | FRANCE | N°17LY04389

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre a - formation à 3, 17 janvier 2019, 17LY04389


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 9 février 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé un pays de destination.

Par un jugement n° 1702670 du 26 septembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 décembre 2017, M. C..., représenté par Me A..., deman

de à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 septembre 2017 ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 9 février 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé un pays de destination.

Par un jugement n° 1702670 du 26 septembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 décembre 2017, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 septembre 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 9 février 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans l'attente du réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.

M. C... soutient que :

- le refus de titre de séjour méconnait le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés et qu'il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 décembre 2017.

Par une ordonnance du 27 février 2018, la clôture d'instruction avait été fixée au 29 mars 2018, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative. La communication, le 30 mars 2018, de pièces produites par M. C... et du mémoire en défense ont rouvert l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République centrafricaine relative à la circulation et au séjour des personnes du 26 septembre 1994, publiée par le décret n° 96-1071 du 9 décembre 1996 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeD..., première conseillère,

- et les observations de MeA..., représentant M.C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant centrafricain, né le 19 octobre 1993, est entré en France le 10 septembre 2014 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ". Il a sollicité, en août 2015, le renouvellement de ce titre de séjour ainsi que, en février 2016, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. C...relève appel du jugement en date du 26 septembre 2017, par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 9 février 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer les titres sollicités, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de destination.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé conforme à ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à faire obstacle à son éloignement. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est atteint d'une hépatite B chronique. Par avis du 9 mai 2016, le médecin de l'agence régionale de santé, a estimé que M. C... nécessitait une prise en charge médicale, que le traitement n'existait pas dans son pays d'origine, mais que le défaut de prise en charge n'entrainerait pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le préfet du Rhône, suivant l'avis émis par ce médecin, a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C... au motif que l'absence de traitement n'entrainerait pas de conséquences d'une exceptionnelle gravité.

5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un certificat du 2 février 2016, qu'à la date à laquelle le médecin de l'agence régionale de santé a examiné la situation de M. C..., son hépatite B n'était pas active et ne nécessitait pas l'administration de médicaments mais seulement un suivi clinique et biologique afin de surveiller son évolution. M. C... a produit trois certificats médicaux, datés des 15 février 2017, 25 août 2017, et du 8 janvier 2018 du service d'hépatologie et de gastro-entérologie de l'hôpital de la Croix-Rousse indiquant qu'un traitement à base de VIREAD, dont la molécule active est le tenofovir, avait été initié le 17 janvier 2017 en raison de l'évolution de la fibrose de M. C... et que cette fibrose pourrait générer des complications d'une exceptionnelle gravité telles qu'un carcinome hépatocellulaire ou une cirrhose.

6. Il résulte de ces certificats médicaux que, contrairement à ce qu'a estimé le préfet, compte tenu de l'évolution de la maladie de M. C..., l'absence de traitement pouvait, à la date de la décision du préfet, avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le préfet du Rhône ne pouvait refuser de délivrer à M. C... un titre de séjour pour ce motif.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que la décision du 9 février 2017 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour est illégale, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour par lesquelles le préfet lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé un pays de destination et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à leur annulation.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

8. Si le présent arrêt n'implique pas nécessairement, eu égard au motif d'annulation retenu, que le préfet du Rhône délivre un titre de séjour à M. C..., il implique le réexamen de sa situation. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Rhône de procéder à ce réexamen dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et de délivrer, dans l'attente, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais d'instance :

9. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de celui-ci le versement à cet avocat d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens que l'intéressé aurait dû engager s'il n'avait pas obtenu l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 septembre 2017 et les décisions du préfet du Rhône du 9 février 2017 portant refus de délivrer un titre de séjour à M. C..., obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. C... une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa demande de titre de séjour dans des délais respectifs de quinze jours et de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

Mme Fischer-Hirtz, présidente de chambre,

M. Souteyrand, président-assesseur,

MmeD..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 janvier 2019.

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N° 17LY04389


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre a - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY04389
Date de la décision : 17/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme FISCHER-HIRTZ
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : MOREL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-01-17;17ly04389 ?
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