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15/01/2019 | FRANCE | N°17LY04362

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 15 janvier 2019, 17LY04362


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 23 janvier 2017 par laquelle le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour et de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1702311 du 25 octobre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 26 décembre 2017, et un mémoire, enregistr

é le 18 juin 2018, Mme B... C...épouseA..., représentée par Me Benneteau-Desgrois, avocate, de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 23 janvier 2017 par laquelle le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour et de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1702311 du 25 octobre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 26 décembre 2017, et un mémoire, enregistré le 18 juin 2018, Mme B... C...épouseA..., représentée par Me Benneteau-Desgrois, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 25 octobre 2017 :

2°) d'annuler la décision susmentionnée du préfet de l'Ain du 23 janvier 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet n'a pas fait une exacte appréciation de sa situation au regard des articles L. 121-1 et R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son époux justifie de ressources suffisantes et de l'exercice d'une activité professionnelle à la date de la demande et à la date de la décision en litige ;

- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mai 2018 et 2 juillet 2018, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- à la date de sa demande, Mme C...épouse A...n'a pas justifié que son époux exerçait une activité professionnelle ou recherchait un emploi ; elle ne démontre pas qu'à la date de la décision en litige, le foyer disposait de ressources suffisantes, au sens du 2° de l'article L. 121-1 et de l'article R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le contrat de travail à durée déterminée d'insertion à temps partiel traduit un emploi précaire dont le renouvellement n'a été porté à sa connaissance qu'à l'occasion de la requête ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été méconnu.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi signé à Rabat le 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union Européenne C-413/99 du 17 septembre 2002, C- 200/02 du 19 octobre 2004, C-34/09 du 8 mars 2011, C-86/12 du 10 octobre 2013 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...épouseA..., ressortissante marocaine née le 15 avril 1966, qui déclare être entrée en France le 20 juillet 2016, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en sa qualité de conjointe d'un citoyen européen, son époux, M. A..., ayant la nationalité italienne. Mme C...épouse A...relève appel du jugement du 25 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 janvier 2017 par laquelle le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé.

Sur les conclusions à fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; (...) ". Selon l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois.(...) ". En vertu de l'article L. 121-4 de ce code, les membres de la famille d'un ressortissant de l'Union européenne qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peuvent faire l'objet d'un refus de délivrance d'une carte de séjour.

3. Le ressortissant d'un État tiers ne dispose d'un droit au séjour en France en qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne en application des dispositions combinées des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que dans la mesure où son conjoint remplit lui-même les conditions fixées au 1° ou au 2° de l'article L. 121-1 du même code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont alternatives et non cumulatives. S'agissant du 1°, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, doit être regardé comme travailleur, au sens du droit de l'Union européenne, toute personne qui exerce une activité réelle et effective, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles présentent un caractère purement marginal et accessoire.

4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de pièces produites pour la première fois en appel, que M. D...A..., ressortissant italien qui a contracté mariage au Maroc avec la requérante le 18 août 1992, a signé, le 13 mai 2016 un contrat d'insertion à durée déterminée jusqu'au 31 octobre 2016 en qualité d'ouvrier d'exécution pour un temps de travail de 99,66 heures mensuelles. Ce contrat a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2016 par avenant signé le 21 octobre 2016, puis jusqu'au 30 avril 2017 par avenant signé le 21 décembre 2016. Ainsi, en dépit du fait qu'il s'agit d'un contrat d'insertion conclu en application des dispositions des articles L. 5132-5 et suivants du code du travail et quel que soit le niveau de la rémunération perçue, M. A...disposait, à la date de la décision en litige, d'une activité professionnelle qui ne peut être regardée comme marginale ou accessoire. Mme C...épouse A...est, dès lors, fondée à soutenir qu'elle bénéficiait d'un droit à séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois en application du 4° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour et qu'en lui opposant un refus de titre de séjour, le préfet de l'Ain a fait une inexacte application des dispositions précitées des articles L. 121-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, Mme C...épouse A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Ain du 23 janvier 2017.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt, eu égard aux motifs qui fondent l'annulation qu'il prononce et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans la situation de droit ou de fait y fasse obstacle, implique nécessairement que le préfet de l'Ain délivre à la requérante une carte de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant de l'Union européenne. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Ain de procéder à cette délivrance dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme C...épouse A...de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1702311 du tribunal administratif de Lyon du 25 octobre 2017 est annulé.

Article 2 : La décision du préfet de l'Ain du 23 janvier 2017 portant refus de délivrer un titre de séjour à Mme C...épouse A...est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Ain de délivrer à Mme C...épouse A...une carte de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant de l'Union européenne dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme C...épouse A...la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...épouse A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 janvier 2019.

3

N° 17LY04362


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY04362
Date de la décision : 15/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BENNETEAU-DESGROIS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-01-15;17ly04362 ?
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