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14/01/2019 | FRANCE | N°18LY01509

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 14 janvier 2019, 18LY01509


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du préfet de l'Yonne du 1er février 2018 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1800555 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande, sous réserve que l'administration veille à ne pas exécuter l'arrêté avant l'a

ccouchement et la sortie de maternité de sa compagne.

Procédure devant la cour

Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du préfet de l'Yonne du 1er février 2018 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1800555 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande, sous réserve que l'administration veille à ne pas exécuter l'arrêté avant l'accouchement et la sortie de maternité de sa compagne.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 avril 2018, M. B..., représenté par Me Barioz, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 mars 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'au réexamen de sa demande, et ce, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dans ses réponses aux moyens tirés du défaut d'examen de sa situation par le préfet préalablement au refus de titre de séjour, de l'erreur manifeste d'appréciation, de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L. 313-10 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les premiers juges ont méconnu leur office en n'annulant pas la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire ;

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de la violation du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant et à celui tiré de ce qu'il avait droit au renouvellement du titre de séjour dont il bénéficiait en 2007 et qui n'avait pas été retiré ;

- les premiers juges ont méconnu les droits de la défense en refusant de faire droit à sa demande de report d'audience ;

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur de fait quant à la situation de sa compagne qui n'avait pas fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en raison de l'état de grossesse de sa compagne et de l'impossibilité de voyager de cette dernière ;

- elle est contraire aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2018, présenté pour le préfet de l'Yonne, il conclut au rejet de la requête.

Il soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable à défaut de comporter l'énoncé d'un moyen et, à titre subsidiaire, qu'aucun moyen n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me Barioz, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant arménien né le 9 juin 1982, est entré pour la dernière fois en France le 30 janvier 2017, selon ses déclarations. Le 23 mai 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en invoquant sa vie privée et familiale. Le 1er février 2018, le préfet de l'Yonne lui a opposé un refus qu'il a assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi. M. B... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de l'Yonne à la requête :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".

3. Le mémoire introductif d'appel de M. B... ne constitue pas la reproduction littérale de sa demande de première instance, mais énonce à nouveau, de manière précise, les moyens dirigés contre les décisions administratives en litige. Une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Ainsi, la fin de non-recevoir opposée par le préfet de l'Yonne et tirée du défaut de motivation de la requête doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Il ressort des mentions du jugement attaqué que le tribunal administratif a rejeté la demande de M. B...tendant à l'annulation des décisions du 1er février 2018 par lesquelles le préfet de l'Yonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi sous réserve que l'administration veille à ne pas exécuter l'arrêté avant l'accouchement de la compagne de M. B..., prévu le 14 avril 2018, et sa sortie de maternité. Ce faisant, les premiers juges, qui ne se sont pas bornés à constater que des faits postérieurs à l'édiction de la mesure d'éloignement étaient de nature à faire obstacle à son exécution, doivent être regardés comme ayant estimé que la grossesse de la compagne de M. B...aurait dû conduire le préfet à ne pas faire obligation à l'intéressé de quitter le territoire français sous trente jours à la date du 1er février 2018. En n'annulant pas la décision du 1er février 2018 accordant trente jours à M. B...pour quitter volontairement le territoire français et en rejetant sa demande, en contradiction avec les motifs du jugement, tout en demandant au préfet de ne pas exécuter l'arrêté dont ils confirmaient pourtant la légalité, ils n'ont pas tiré toutes les conséquences de leur appréciation et ont ainsi méconnu leur office.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens touchant à la régularité du jugement attaqué, ce jugement est irrégulier et doit être annulé.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Dijon.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

7. L'arrêté contesté a été signé par Mme Françoise Fugier, secrétaire générale de la préfecture de l'Yonne, qui disposait d'une délégation de signature du préfet de l'Yonne, par arrêté du 28 août 2017, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer notamment tous arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Yonne, à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les décisions refusant la délivrance d'un titre de séjour à un étranger, lui faisant obligation de quitter le territoire français sous trente jours et désignant le pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte en litige doit être écarté comme manquant en fait.

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Yonne n'aurait pas procédé à un examen de la situation de M. B... avant de prendre la décision contestée.

9. S'il ressort des pièces du dossier que le préfet a commis une erreur de fait en indiquant, dans l'arrêté du 1er février 2018 contesté, que la compagne de M. B... faisait alors également l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas commis cette erreur, laquelle est, dès lors, sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

11. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a séjourné une première fois en France avec sa compagne entre 2002 et 2007 et a notamment disposé, sous une autre identité, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 28 avril 2006 au 27 avril 2007. Toutefois, alors qu'il avait sollicité le renouvellement de ce titre de séjour, il a quitté le territoire français, pour raisons familiales selon ses dires, en 2007, avec sa compagne et leurs deux enfants nés en France respectivement les 25 mai 2003 et 8 février 2006, pour ne revenir en France, avec sa compagne et leurs enfants, que le 30 janvier 2017, sans établir avoir été empêché d'y revenir plus tôt. Contrairement aux allégations du requérant, la demande de titre de séjour présentée le 23 mai 2017 ne peut être regardée comme une demande de renouvellement du titre de séjour expiré plus de dix ans auparavant. Ainsi, à la date de l'arrêté en litige, M. B... n'était présent en France que depuis un an, sa compagne ne disposait pas d'un titre de séjour et la scolarisation de leurs enfants, respectivement en classes de 4ème et de 6ème, était récente. Dès lors, et alors même que M. B... aurait disposé de capacités d'insertion professionnelle en France, rien ne faisait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France, et notamment en Arménie, pays dont tous les membres du foyer ont la nationalité et où ils avaient vécu, où M. B... affirme bénéficier d'un statut social élevé et d'un patrimoine important et où il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il encourrait des risques qui ne lui permettraient pas d'y mener une vie privée et familiale normale, ni que ses enfants seraient dans l'impossibilité d'y poursuivre leur scolarité. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée ne porte pas au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus. Dès lors, elle ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

14. Il résulte des circonstances de fait susmentionnées, d'une part, qu'en refusant de régulariser la situation administrative de M. B..., le préfet de l'Yonne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation et, d'autre part, que le requérant ne justifie pas de motifs exceptionnels ou de circonstances humanitaires qui permettraient de considérer que le préfet de l'Yonne a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne l'admettant pas au séjour à titre exceptionnel par la délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou " salarié ".

15. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

16. Il ressort des pièces du dossier que rien ne s'oppose à ce que les enfants mineurs du requérant repartent avec leurs parents en Arménie, où ils ont vécu de 2007 à 2017 et pourront poursuivre leur scolarité. Dès lors, la décision contestée, qui n'emporte notamment pas séparation des enfants de l'un de leurs deux parents, ne porte pas une atteinte à l'intérêt supérieur de ces enfants mineurs au sens des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.

17. M. B...ne peut pas utilement se prévaloir d'une prétendue violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par le refus de délivrance de titre de séjour au regard des risques encourus dans son pays d'origine, dès lors que cette décision ne lui fait pas obligation, par elle-même, de retourner en Arménie.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

18. Il résulte de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

19. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 12 et 16 et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, le préfet de l'Yonne, en obligeant M. B... à quitter le territoire français, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant et n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

20. M. B... ne peut pas utilement se prévaloir d'une prétendue violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, qui ne désigne pas, par elle-même, le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Sur la légalité de la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :

21. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ".

22. M. B...a produit au dossier un certificat d'un médecin gynécologue établi le 5 février 2018, certifiant que sa compagne, enceinte de 31 semaines et dont la grossesse devait arriver à terme le 13 avril 2018, présentait de fréquentes contractions et que son stade de grossesse contre-indiquait tout déplacement. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, et alors que le couple est parent de deux enfants mineurs nés en 2003 et 2006 et présents en France, que sa compagne ne faisait pas, à la date de l'arrêté contesté, l'objet d'une mesure d'éloignement et que sa présence était nécessaire aux côtés de cette dernière, M. B... doit être regardé comme justifiant d'une circonstance exceptionnelle qui aurait dû conduire à l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours à la date de l'arrêté en litige. Par suite, en ne lui accordant qu'un délai de départ volontaire de trente jours, le 1er février 2018, le préfet de l'Yonne a commis une erreur manifeste d'appréciation. La décision fixant le délai de départ volontaire est, en conséquence, illégale et doit être annulée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre cette décision.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

23. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Yonne a effectivement procédé à un examen de la situation de M. B... avant de prendre la décision contestée.

24. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " et ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

25. Si M. B... soutient être menacé en Arménie, où, propriétaire d'un centre de loisirs, il disposait d'un patrimoine important, il n'établit pas, par son récit et les pièces produites, l'existence de risques personnels et actuels en cas de retour dans ce pays. Par suite, en désignant la République d'Arménie comme pays de renvoi, le préfet de l'Yonne n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

26. Il résulte de ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander l'annulation de la décision du 1er février 2018 par laquelle le préfet de l'Yonne lui a accordé un délai de trente jours pour quitter volontairement le territoire français.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

27. L'annulation de la seule décision fixant le délai de départ volontaire n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite les conclusions de M. B...tendant à ce qu'il soit fait injonction au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour le temps du réexamen de sa situation doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800555 du tribunal administratif de Dijon du 29 mars 2018 est annulé.

Article 2 : La décision du 1er février 2018 par laquelle le préfet de l'Yonne a accordé à M. B... un délai de trente jours pour exécuter volontairement la mesure d'éloignement prise à son encontre est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Dijon et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne et au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Auxerre.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 janvier 2019.

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N° 18LY01509


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01509
Date de la décision : 14/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-01-14;18ly01509 ?
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