Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. F... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1503031 du 15 juin 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 août 2017 et le 20 février 2018, M. et Mme B..., représentés, dans le dernier état de leurs écritures, par Me A...E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 juin 2017 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- en s'abstenant de leur communiquer la déclaration modèle H 2 sur laquelle elle a fondé les rectifications, l'administration a méconnu les dispositions des articles L. 57 et L. 76 du livre des procédures fiscales ;
- la vente du logement situé passage de la république ne leur a pas été consentie à un prix minoré, les comparaisons auxquelles s'est livrée l'administration ne portant pas sur des biens similaires ;
- l'administration ne démontre pas le bien-fondé des pénalités pour manquement délibéré qui leur ont été infligées.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 janvier 2018, le 29 janvier 2018 et le 18 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance et au rejet du surplus de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente-assesseure,
- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Lors de la vérification de la comptabilité de la société Republik Invest, l'administration a constaté que la société avait, le 6 juillet 2009, vendu à M. et Mme B... un appartement situé au troisième étage de l'immeuble sis 3 passage de la République à Grenoble au prix de 135 000 euros. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle à l'issue duquel ils ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2009, l'administration fiscale ayant regardé la différence entre le prix de cession et le prix du marché estimé par elle comme un avantage occulte. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 15 juin 2017 du tribunal administratif de Grenoble rejetant leur demande de décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 22 janvier 2018, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a accordé à M. et Mme B... un dégrèvement d'un montant total de 8 144 euros en droits et pénalités, correspondant aux contributions sociales et pénalités afférentes à la majoration de 25 % de la base des contributions en question. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Il n'y a, par suite, plus lieu d'y statuer.
Sur le bien-fondé du surplus des impositions :
3. D'une part, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...) ". En cas de vente par une société à un prix que les parties ont délibérément minoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, sans que cet écart de prix ne comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions, citées ci-dessus, du c de l'article 111 du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.
4. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale relatif à la contribution sociale sur les revenus du patrimoine, aux dispositions duquel renvoient directement ou indirectement les articles 1600-0 C, 1600-0 F bis et 1600-0 G du code général des impôts relatifs à la contribution sociale généralisée, aux prélèvements sociaux et à la contribution au remboursement de la dette sociale : " Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France (...) sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu (...) :/ (...) c) Des revenus de capitaux mobiliers (...) ".
5. L'appréciation de la valeur vénale doit être faite en utilisant les méthodes d'évaluation qui permettent d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où l'acquisition est intervenue. Cette appréciation peut être fondée sur des éléments de comparaison tirés de transactions équivalentes, portant sur des biens similaires ou présentant des caractéristiques comparables.
6. Au cas d'espèce, le vérificateur a retenu que la cession portait sur un bien dont les travaux avaient été achevés le 15 septembre 2007, composé d'une salle à manger, d'une chambre, d'une salle d'eau, d'une cuisine, d'une terrasse privative de 165 mètres carrés et d'une surface utile totale de 108 mètres carrés, et que le prix de cession s'établissait à 1 250 euros par mètre carré habitable. A titre de comparaison, il a retenu un échantillon de six appartements, de type T5 duplex, T5 ou T4, de surface comprise entre 90,63 et 113,69 mètres carrés, et achevés en 2002 2004, 2005 ou 2007. Le prix moyen au mètre carré habitable résultant de ces termes de comparaison s'établissait à 2 890 euros.
7. Il appartient à l'administration de justifier de la pertinence des termes de comparaison retenus. Au cas d'espèce, ces termes correspondent à des biens neufs ou d'achèvement très récent. L'acte de cession du 6 juillet 2009, pour sa part, ne porte pas sur un bien rénové mais mentionne que le bien cédé est un plateau destiné à l'aménagement d'un appartement. Si l'administration se prévaut des mentions figurant sur la déclaration modèle H 2 déposée par la société Républik Invest le 13 mars 2008 au centre des impôts fonciers de Grenoble, qui mentionne une date d'achèvement des travaux le 15 septembre 2007, ces mentions sont contredites par le constat d'huissier versé aux débats par les contribuables, rédigé le 12 novembre 2007, qui mentionne notamment que l'ensemble du local était alors en rénovation, relève la présence et l'entreposage, sur la chape en béton du sol, des matériaux qui doivent servir au travaux d'isolation de cloisonnage et d'électricité, à l'isolation, indique que les quelques plaques de placoplâtre sont brutes et ne sont ni apprêtées ni peintes, que les gaines d'aération sont pendantes et non raccordées tout comme les gaines et câblages électriques. Si l'administration se prévaut également d'une facture " Alpi antenne service " du 19 avril 2007 d'un montant de 1 980 euros portant sur tous les appartements de l'immeuble, d'une facture Refrigeration Equipement Service du 14 mars 2008 relative à l'installation de climatisation / chauffage en système réversible et d'une facture Hifi design Bang et Olufsen du 23 mars 2007, ces documents, dont l'un est postérieur à la date d'achèvement de l'immeuble retenue par l'administration, ne peuvent permettre de tenir pour établi que l'immeuble était, comme le soutient l'administration, achevé dès le 15 septembre 2007. L'administration n'apporte pas d'autre élément permettant de considérer que la cession a porté sur un immeuble achevé à la date à laquelle elle est intervenue, alors que M. et Mme B... ont, pour leur part, versé aux débats l'état relatif à la présence de termites dressé le 26 juin 2009 mentionnant un appartement en cours d'aménagement, et deux attestations d'agents immobiliers faisant état d'un bien qui, encore en février 2009, ne comportait pas de sanitaires ni de cloisons de séparation des pièces et dont le sol était brut de béton. Il n'appartient pas à M. et Mme B... de démontrer que le bien qu'ils ont acquis n'était pas rénové à la date où ils l'ont acquis, mais à l'administration de démontrer qu'il l'était à cette même date et qu'il était, ainsi, pertinent de le comparer à des appartements neufs. Elle ne peut être regardée comme apportant cette preuve en faisant valoir que les contribuables n'apporteraient pas la preuve que le lot aurait été acquis à l'état de plateau.
8. Il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que, faute pour l'administration de justifier de la pertinence des termes de comparaison qu'elle a retenus, elle ne peut être regardée comme démontrant la minoration de prix sur laquelle elle a fondé les rectifications en cause. L'existence d'un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices à M. et Mme B... n'est, dès lors, pas établie.
9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les contribuables et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme B... à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance, d'un montant total de 8 144 euros, au titre de la majoration de 25 % de la base des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 ainsi que de la fraction des pénalités correspondantes.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 juin 2017 est annulé.
Article 3 : M. et Mme B... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et du surplus des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis à raison de la réintégration dans leurs bases imposables d'une libéralité consentie par la société Républik Invest à l'occasion de la cession conclue le 6 juillet 2009, et des pénalités correspondantes.
Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la requête sont rejetées pour le surplus.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... et Mme D... B..., et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 8 janvier 2019.
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N° 17LY02990
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