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20/12/2018 | FRANCE | N°17LY00003

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2018, 17LY00003


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme I...F..., M. D...F..., M. C...F...et Mme G... F...ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler la décision implicite du maire de la commune de Barriac-les-Bosquets rejetant leur demande tendant à la réalisation de travaux d'élargissement du chemin numéroté 13 au tableau de reclassement des voies communales sur une longueur de 450 mètres, d'enjoindre à la commune de Barriac-les-Bosquets d'effectuer les travaux nécessaires à l'élargissement du chemin conformément au

plan minute de remembrement avec amélioration du chemin actuel par empierre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme I...F..., M. D...F..., M. C...F...et Mme G... F...ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler la décision implicite du maire de la commune de Barriac-les-Bosquets rejetant leur demande tendant à la réalisation de travaux d'élargissement du chemin numéroté 13 au tableau de reclassement des voies communales sur une longueur de 450 mètres, d'enjoindre à la commune de Barriac-les-Bosquets d'effectuer les travaux nécessaires à l'élargissement du chemin conformément au plan minute de remembrement avec amélioration du chemin actuel par empierrement et création d'un fossé, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement, et enfin de condamner cette commune à les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis.

Par un jugement n° 1402394 du 3 novembre 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2017, Mmes et MM.F..., représentés par la SCP Teillot - Maisonneuve - Gatignol - Jean - FageoleB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 3 novembre 2016 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet du maire de la commune de Barriac-les-Bosquets ;

3°) d'enjoindre à cette commune d'effectuer les travaux nécessaires à l'élargissement du chemin conformément au plan minute de remembrement avec amélioration du chemin actuel par empierrement et création d'un fossé, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner la commune au paiement des sommes de 231,87 euros représentant le coût du constat du 10 avril 2018, 3 384, 78 euros au titre des frais de l'expertise réalisée par M. A..., 2 067, 60 euros au titre des frais de l'expertise réalisée par MmeH..., 8 123,82 euros HT en remboursement des honoraires exposés au titre des procédures engagées et 4 030, 36 euros au titre du préjudice causé par l'usage d'un chemin inapproprié aux besoins de l'exploitation agricole de leur parcelle ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Barriac-les-Bosquets le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le chemin numéroté 13 au tableau de reclassement des voies communales sur une longueur de 450 mètres appartient au domaine public de la commune de Barriac-les-Bosquets ;

- à supposer que le chemin appartienne au domaine privé de la commune, il appartenait au maire de faire usage de ses pouvoirs de police et de faire rétablir l'emprise de ce chemin sur une largeur de 6 mètres à 6,50 mètres ;

- en ne le faisant pas, le maire a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;

- il appartient à la commune de prendre en charge les travaux afin de rétablir l'emprise du chemin en conformité avec le plan minute de remembrement et de les indemniser des préjudices subis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2017, la commune de Barriac-les-Bosquets, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mmes et MM. F...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le chemin en cause est un chemin rural ; le contentieux y afférent relève de la compétence de l'ordre de juridiction judiciaire ;

- la demande de première instance était tardive ;

- les conclusions indemnitaires ne sont pas recevables car elles n'ont pas été précédées d'une demande préalable ;

- en tout état de cause, la décision implicite de rejet de leur demande est parfaitement légale ; l'assiette du chemin n'a pas été modifiée et il ne peut être reproché au maire une carence dans l'utilisation de ses pouvoirs de police ; la demande des consorts F...tend à une amélioration du chemin en cause et non au rétablissement de son assiette ; elle était contrainte d'opposer un refus à leur demande car elle n'est pas seule propriétaire de ce chemin et les travaux d'amélioration d'un chemin rural ne sont pas une dépense obligatoire ;

- les appelants n'établissent pas que le chemin dans son état actuel ne leur permettrait pas d'exploiter leur parcelle ;

- il ne pourra lui être enjoint de procéder sous astreinte à l'élargissement du chemin rural selon la solution préconisée par l'expert judiciaire qui suppose des acquisitions foncières et des travaux décidés par la commune de Pleaux, copropriétaire de ce chemin ;

- les demandes indemnitaires des consorts F...sont sans lien avec la faute alléguée et ne sont pas établies.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural (ancien) ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux ;

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

- les observations de MeB..., représentant Mmes et MM.F....

Considérant ce qui suit :

1. Mmes et MM. F...sont propriétaires indivis de parcelles agricoles cadastrées H 51 et H 52 sur le territoire de la commune de Tourniac (15), commune associée de Pleaux. Ces parcelles sont desservies par un chemin, élargi du côté de la commune de Barriac-les-Bosquets à l'occasion des opérations de remembrement réalisées sur le territoire de cette commune en 1973 et 1974. Le 15 février 2014, ils ont saisi le maire de cette commune d'une demande tendant à l'exécution de travaux nécessaires à la mise en conformité de ce chemin avec le plan minute de remembrement et à l'amélioration de sa viabilité par empierrement et création d'un fossé. Ils demandaient en outre à la commune de prendre en charge les frais de procédure et d'expertise exposés par eux devant le juge judiciaire et de les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'inexécution de ces travaux. Cette demande étant restée sans réponse, Mmes et MM. F...ont saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet qu'ils assortissent de conclusions aux fins d'injonction, sous astreinte, et de conclusions indemnitaires. Par un jugement du 3 novembre 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. ". Aux termes de l'article L. 161-2 de ce code, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. (...) ". Selon l'article L. 141-1 du code de la voirie routière : " Les voies qui font partie du domaine public routier communal sont dénommées voies communales. (...) ". Aux termes de l'article L. 141-3 de ce code : " Le classement et le déclassement des voies communales sont prononcés par le conseil municipal. (...) ". Enfin, l'article L. 141-5 du même code dispose que : " Si la voie appartient à deux ou plusieurs communes, il est statué après enquête par délibérations concordantes des conseils municipaux. (...) En cas de désaccord, il est statué par le représentant de l'Etat dans le département. Ce dernier fixe, s'il y a lieu, la proportion dans laquelle chacune des communes contribue aux travaux et à l'entretien. ".

3. D'une part, par une délibération du 7 février 2011, le conseil municipal de la commune de Barriac-les-Bosquets a prononcé le classement du chemin en litige parmi ses voies communales. Cependant, ainsi que le fait valoir la commune de Barriac-les-Bosquets sans être contestée sur ce point, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du plan minute de remembrement et du plan cadastral rénové, que l'assiette du chemin en litige, marquant la limite des territoires des communes de Barriac-les-Bosquets et de Tourniac, commune associée de Pleaux, appartient à ces deux communes. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que le conseil municipal de la commune de Pleaux aurait procédé au classement de ce chemin dans sa voirie communale. Par suite, en l'absence de délibérations concordantes des deux communes propriétaires, le chemin ne fait pas partie du domaine public routier de ces communes.

4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du rapport de l'expertise du 31 mars 2009 ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aurillac le 19 novembre 2008, que le chemin objet du litige préexistait aux opérations de remembrement organisées en 1973 et 1974 sur le territoire de la commune de Barriac-les-Bosquets, et avait la qualité de chemin rural. Ce chemin a été élargi, côté commune de Barriac-les-Bosquets, sur proposition de l'association foncière de remembrement afin de desservir des parcelles agricoles, dont celles, non concernées par le remembrement, appartenant à la familleF.... En application de l'article 65 du code rural (ancien), ce chemin a été intégré à la voirie rurale des deux communes de Barriac-les-Bosquets et de Tourniac, commune associée de Pleaux, à la dissolution de l'association foncière de remembrement. A la date de la décision contestée, ce chemin, utilisé comme voie de passage et donc affecté à l'usage du public, a conservé sa qualité de chemin rural appartenant au domaine privé des communes de Barriac-les-Bosquets et de Tourniac, commune associée de Pleaux.

5. En deuxième lieu, la demande présentée par Mmes et MM. F...devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand tendait à l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Barriac-les-Bosquets a refusé l'exécution de travaux tendant à faire rétablir l'assiette de ce chemin rural conformément au plan minute de remembrement et à l'aménagement de ce chemin afin de le rendre compatible avec leur exploitation agricole. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, l'objet du litige ne concerne pas la gestion du domaine privé de la commune auquel appartient le chemin concerné mais tend à la contestation, d'une part, de l'inexécution par l'autorité municipale de sa mission d'intérêt public de maintenir l'assiette d'une voie et d'autre part, du refus de cette même autorité de faire exécuter des travaux d'aménagement qui présentent le caractère de travaux publics. Il appartient ainsi à la juridiction administrative de connaître d'un tel litige.

6. Mmes et MM. F...sont dès lors fondés à demander l'annulation du jugement du 3 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les intéressés devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

Sur la légalité de la décision implicite de rejet :

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les limites du chemin rural, côté commune de Barriac-les-Bosquets, ont été fixées dans le cadre des opérations de remembrement réalisées sur le territoire de cette commune en 1973 et 1974 et dont il n'est pas contesté qu'elles ont été closes et qu'ainsi les limites définies dans le cadre de ces opérations sont intangibles. Or, il résulte du rapport d'expertise du 31 mars 2009 ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aurillac le 19 novembre 2008 et du rapport d'expertise du 13 janvier 2014, ordonnée par la cour d'appel de Riom le 3 décembre 2012, que le bornage, côté commune de Barriac-les-Bosquets, malgré une imprécision moyenne de l'ordre de 0,59 mètres, en l'espèce non significative, est conforme au plan minute de remembrement. Par suite, en rejetant la demande des intéressés tendant au rétablissement de l'assiette du chemin rural conformément au plan minute de remembrement, l'autorité municipale n'a pas méconnu son obligation de maintenir l'assiette de cette voie.

8. En deuxième lieu, Mmes et MM. F...ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 2321-1 et L. 2321-2, 20° du code général des collectivités territoriales dès lors que le chemin en cause est un chemin rural et non une voie communale ainsi qu'il l'a été dit aux points 3 et 4 du présent arrêt.

9. En troisième lieu, il ne résulte d'aucune disposition législative ou règlementaire, d'obligation d'entretien, laquelle ne s'étend d'ailleurs pas aux travaux d'amélioration, incombant aux communes propriétaires de chemins ruraux. Au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune de Barriac-les-Bosquets aurait effectué des travaux d'entretien du chemin en cause, postérieurement à son incorporation dans la voirie rurale et qu'elle aurait ainsi accepté, de fait, d'en assumer l'entretien. Par suite, en rejetant la demande des intéressés tendant à ce que le chemin litigieux soit empierré et pourvu d'un fossé, l'autorité municipale n'a méconnu aucune obligation lui incombant.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux. ". S'il appartient au maire de faire usage de son pouvoir de police afin de réglementer et, au besoin, d'interdire la circulation sur les chemins ruraux et s'il lui incombe de prendre les mesures propres à assurer leur conservation, ces dispositions n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet de mettre à la charge des communes une obligation d'entretien, pas plus qu'une obligation d'aménagement de ces voies. Par suite, le moyen tiré de ce que la commune aurait manqué à une obligation, qui découlerait de cette disposition, d'entretenir la voie, de l'aménager et d'en maintenir l'assiette, ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que la demande de Mmes et MM. F...doit, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, être rejetées.

Sur les autres conclusions :

12. En premier lieu, le présent arrêt, qui rejette la demande présentée par Mmes et MM.F..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions qu'ils présentent à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

13. En deuxième lieu, en l'absence d'illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la commune de Barriac-les-Bosquets, les conclusions indemnitaires de la demande doivent également, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, être rejetées.

14. En dernier lieu, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1402394 du 3 novembre 2016 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mmes et MM. F...devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et le surplus des conclusions des parties devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I...F..., M. D...F..., M. C... F..., Mme G...F...et à la commune de Barriac-les-Bosquets.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.

6

N° 17LY00003


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00003
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

71-01-006 Voirie. Composition et consistance. Chemins ruraux.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : TEILLOT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-20;17ly00003 ?
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