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20/12/2018 | FRANCE | N°16LY04164

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2018, 16LY04164


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...et autres ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2016 du préfet du Rhône mettant en demeure les occupants d'un terrain situé rue Ambroise Paré sur le territoire de la commune de Genas de quitter les lieux dans un délai de 24 heures.

Par un jugement n° 1608964 du 15 décembre 2016, le magistrat désigné de ce tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 décembre 2016, M. A...B...et autr

es, représentés par MeD..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué et la décisio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...et autres ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2016 du préfet du Rhône mettant en demeure les occupants d'un terrain situé rue Ambroise Paré sur le territoire de la commune de Genas de quitter les lieux dans un délai de 24 heures.

Par un jugement n° 1608964 du 15 décembre 2016, le magistrat désigné de ce tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 décembre 2016, M. A...B...et autres, représentés par MeD..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué et la décision contestée ;

2°) de déléguer un représentant qui fera une visite sur les lieux pour constater que les conditions de salubrité et de sécurité sont réunies sur le terrain qu'ils occupent ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais du litige.

Ils soutiennent que :

- l'exécution de l'arrêté contesté portera atteinte à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de l'état de santé de M. B...qui, après son opération le 14 décembre 2016, n'aura nul part où aller pendant sa convalescence ;

- le délai de 24 heures est trop bref pour déplacer une trentaine de caravanes avec de nombreux enfants qui seraient privés d'un accès à l'éducation ;

- les risques d'atteinte à la tranquillité et à la sécurité publiques ne sont pas établis ;

- le préfet méconnait son obligation d'accueillir les gens du voyage.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 février 2017, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les stipulations du deuxième alinéa de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;

- pour contester le délai d'expulsion de 24 heures les requérants ne peuvent utilement invoquer l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 10 décembre 2001 n° 2001/04471 dès lors que le terrain qu'ils occupent est une propriété privée ;

- les requérants établissent la scolarité de leurs enfants alors qu'ils stationnaient à Corbas ;

- la loi du 5 juillet 2000 ne lui impose pas une obligation de relogement ;

- le mandatement d'un représentant pour se rendre sur les lieux serait frustratoire.

Vu :

- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Michel,

- et les conclusions de MmeC... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B...et autres relèvent appel du jugement du 15 décembre 2016 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2016 du préfet du Rhône mettant en demeure les occupants d'un terrain situé rue Ambroise Paré sur le territoire de la commune de Genas de quitter les lieux dans un délai de 24 heures.

2. Aux termes de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage : " I. - Dès lors qu'une commune remplit les obligations qui lui incombent en application de l'article 2, son maire ou, à Paris, le préfet de police peut, par arrêté, interdire en dehors des aires d'accueil aménagées le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées à l'article 1er. Ces dispositions sont également applicables aux communes non inscrites au schéma départemental mais dotées d'une aire d'accueil, ainsi qu'à celles qui décident, sans y être tenues, de contribuer au financement d'une telle aire ou qui appartiennent à un groupement de communes qui s'est doté de compétences pour la mise en oeuvre du schéma départemental (...) / II.- En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. / La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique (...) " ;

3. Pour mettre en demeure les occupants sans droit ni titre d'un terrain situé rue Ambroise Paré à Genas, le préfet du Rhône a, d'une part, rappelé les termes de la lettre du maire de Genas du 8 décembre 2016, mettant en avant les risques d'atteinte à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques compte tenu des troubles à l'ordre public déjà constatés lors d'une précédente occupation, au mois d'octobre 2016, de ce terrain par les mêmes véhicules et caravanes, caractérisés par des dégradations à l'intérieur des locaux à destination de bureaux, et qui avait généré un mouvement de protestation généralisé à l'ensemble du parc d'entreprises, dont l'activité commerciale avait été gravement mise en péril. Le préfet a, d'autre part, visé le rapport de gendarmerie du 8 décembre 2016, considérant qu'il en ressortait l'absence de système d'évacuation des eaux usées qui se déversaient à même le sol, la divagation d'enfants dans les entreprises avoisinantes, l'amoncellement prévisible de déchets sur une grande partie de la route, le blocage des voies de circulation et la forte perturbation de l'activité commerciale des entreprises limitrophes. Cependant, la simple éventualité de l'accumulation ou de la dispersion de détritus sur la zone et du mécontentement de dirigeants d'entreprises, ainsi que le risque d'accidents liés à la présence de nombreux enfants dans cette zone d'activités ne pouvaient à eux seuls constituer des motifs suffisants pour justifier la mesure prise. Or le procès-verbal de renseignement administratif dressé le 8 décembre 2016 par la compagnie de gendarmerie nationale de Bron ne constate aucun branchement sauvage à des réseaux d'eau et d'électricité ni une entrée ou des dégradations dans les locaux de l'entreprise et relève que les occupants ont déclaré attendre une benne à ordures en provenance de la commune de Corbas où ils stationnaient auparavant. Si à la date de son arrêté le préfet pouvait avoir la certitude que les eaux usées rejetées par les occupants ne seraient pas traitées en l'absence de système d'assainissement collectif ou individuel, la réitération du comportement qu'ils avaient adopté sur le site au mois d'octobre précédent restait éventuelle. M. B... et autres sont donc fondés à soutenir que le préfet du Rhône a commis une erreur d'appréciation en estimant que le stationnement du groupe, constitué pour l'essentiel de femmes et d'enfants livrés à eux-mêmes, était de nature à porter atteinte à la salubrité, à la sécurité et à la tranquillité publique.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et d'ordonner une mesure d'instruction, que M. B...et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

5. L'occupation illicite des parcelles situées rue Ambroise Paré à Genas par M. B...et autres ayant cessé à la date du présent arrêt, son exécution n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de leur proposer une aire de stationnement à proximité.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. B...et autres demandent au titre des frais du litige.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1608964 du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 15 décembre 2016 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône et à la commune de Genas.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président assesseur,

M. Chassagne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 décembre 2018.

4

N° 16LY04164


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY04164
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-03 Police. Polices spéciales. Police des gens du voyage.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : GIUDICELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-20;16ly04164 ?
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