Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2018 par lequel le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine et lui a interdit de revenir sur le territoire français avant dix-huit mois et, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1800285 du 23 janvier 2018, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté en tant qu'il refusait à M. A...B...un délai pour quitter le territoire français et qu'il lui interdisait de quitter le territoire français, a mis à la charge de l'Etat la somme de 900 euros au titre des frais irrépétibles et a rejeté le surplus de ces conclusions.
Procédure devant la cour
I/ Par une requête enregistrée le 22 février 2018 sous le n° 18LY00688 et des mémoires, enregistrés le 1er mars et le 17 juillet 2018, le préfet du Rhône demande à la cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 janvier 2018.
Il soutient que les moyens critiquant le bien-fondé du jugement attaqué, exposés dans son recours en annulation dont une copie est jointe, sont sérieux et de nature à en justifier l'annulation et que ce jugement est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet et le 17 juillet 2018 le second annulant et remplaçant le premier, M. A...B...représenté par Me C...conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet du Rhône ne sont pas fondés.
II/ Par une requête enregistrée le 22 février 2018 sous le n° 18LY00685 et des mémoires enregistrés le 1er mars et le 17 juillet 2018, le préfet du Rhône demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 janvier 2018.
Il soutient que :
Sur l'absence de délai de départ volontaire :
* si elle est fondée dans son arrêté sur le 1° a) et f) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile elle pouvait aussi bien l'être sur le fondement du b) ce qui n'est pas discuté et ne peut être contesté ;
* sur l'ordre public, M. B...a reconnu lui-même avoir travaillé irrégulièrement ce qui est constitutif d'une infraction. Il a également reconnu les faits reprochés à l'audience ;
* sur le f) de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : l'assignation à résidence ne peut être considérée comme la reconnaissance d'une adresse stable et effective et l'attestation produite ne saurait suffire à attester de la présence de l'intéressé à cette adresse ni même de la réalité et de la durée de la relation qu'il invoque. La réalité des préparatifs de mariage n'est pas établie.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
* elle est justifiée dès lors que M. B... a reconnu travailler de manière dissimulée depuis son entrée sur le territoire français, et a reconnu les faits qui lui sont reprochés.
Par un mémoire en défense, présenté le 11 juillet 2018, M.B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de préfet du Rhône la somme de 1 200 euros.
Il soutient que les moyens du préfet du Rhône ne sont pas fondés car il ne trouble pas l'ordre public et l'interdiction de retour sur le territoire français de dix-huit mois est une mesure disproportionnée qui porte atteinte à sa vie privée et familiale.
La caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. B...a été constatée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 26 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
* le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
* le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
Sur la requête No 18LY00685 et la légalité de l'arrêté du 16 janvier 2018 :
1. M.A... B..., ressortissant tunisien est entré sur le territoire français en 2014 muni d'un visa court séjour et s'y est maintenu depuis lors sans former de demande de titre de séjour. Par un arrêté du 16 janvier 2018, le préfet du Rhône a décidé de l'obliger à quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine et lui a interdit d'y revenir avant dix-huit mois. Le préfet du Rhône relève appel du jugement du 23 janvier 2018, par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté en tant qu'il refusait à M. B...un délai pour quitter le territoire français et lui faisait interdiction de retour, et a rejeté le surplus de ces conclusions.
2. L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " II. l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. ". Dans son arrêté du 16 janvier 2018 le préfet du Rhône a fondé son refus d'accorder de départ volontaire sur le 1° et le 3° a) et f) de ces dispositions. Il a toutefois sollicité une substitution de base légale en demandant que sa décision soit fondée sur le b) de celles-ci.
3. Il est constant que M. B... s'est maintenu sur le territoire français au delà de la durée de validité de son visa sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il entre, par suite, dans la catégorie des étrangers, prévue par les dispositions sus rappelées du b) de l'article L. 511-1 (3°), auxquels l'autorité administrative peut décider de refuser d'accorder un délai de départ volontaire. La substitution de ces dispositions à la base légale sur laquelle le préfet du Rhône a fondé sa décision ne privant le requérant d'aucune garantie, il y a lieu d'y procéder.
4. Les moyens présentés par M. B...pour contester la décision lui refusant un délai de départ volontaire, tirés de ce qu'il ne présentait pas de menace pour l'ordre public et justifiait de garanties de représentation, ne sont pas opérants lorsque, comme en l'espèce, une telle décision a pour base légale les dispositions sus rappelées du b) de l'article L. 511-1. M. B... n'ayant, par ailleurs, formulé aucune critique contre cette décision en ce qu'elle est désormais fondée sur ces dernières dispositions, le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a, pour annuler sa décision du 16 janvier 2018 refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. B...ainsi que, par voie de conséquence, la décision lui faisant interdiction de retour pour une durée de dix-huit mois, retenu qu'il n'était pas établi que le comportement de l'intéressé ne pouvait être regardé comme constituant une menace pour l'ordre public et qu'il présentait des garanties de représentation suffisantes.
5. Il y a lieu, pour la cour, de statuer sur les autres moyens de la demande de M. B... par l'effet dévolutif de l'appel.
6. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...). La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que le refus d'octroyer à M. B... un délai de départ volontaire n'est pas illégal. Le requérant se trouvait, dès lors, dans un des cas où, en vertu des dispositions sus rappelées du III de l'article L. 511-1, le préfet pouvait légalement assortir sa décision l'obligeant à quitter le territoire français d'une interdiction de retour.
8. Il ressort de l'arrêté attaqué que le préfet du Rhône a indiqué les motifs de fait et de droit pour lesquels il a décidé d'interdire à M. B... de revenir sur le territoire français avant un délai de dix-huit mois. Par suite M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette décision n'est pas suffisamment motivée.
9. Pour justifier l'existence de circonstances humanitaires, et du caractère excessif de la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français décidée par le préfet du Rhône, M. B...soutient que sa présence en France, où il a de la famille et où il a travaillé, ne constitue pas une menace pour l'ordre public, alors qu'il y réside depuis 2014 et qu'il projette de se marier avec une française avec qui il vit à Lyon depuis quatre mois.
10. Toutefois et d'une part, la situation invoquée par M. B...ne peut suffire à caractériser des circonstances humanitaires susceptibles de faire obstacle à ce que soit prononcée à son encontre une interdiction de retour. D'autre part, la relation sentimentale dont se prévaut M. B...est récente, et l'intéressé est arrivé à l'âge de vingt-quatre ans en France où il ne séjournait que depuis trois ans et demi à la date de la décision attaquée sans avoir sollicité de titre de séjour. Il n'est, dans ces conditions, fondé à soutenir ni que le préfet a entaché d'erreur manifeste d'appréciation la décision portant interdiction de retour, ni qu'en fixant à dix-huit mois la durée de cette interdiction, cette même autorité a porté une atteinte excessive à son droit à mener une vie privée et familiale normale.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 16 janvier 2018 par lesquelles il a refusé d'accorder un délai de départ volontaire à M. B...et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.
Sur la requête n° 18LY00688 et la demande de sursis à exécution du jugement du 23 janvier 2018 :
12. La cour ayant statué sur la requête au fond, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête à fin de sursis à exécution du jugement attaqué, qui a perdu son objet.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les deux instances :
13. Ces dispositions faisant obstacle à ce que soit mis à charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante une somme à ce titre, les conclusions de M. B... en ce sens doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article premier du jugement n° 1800285 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 23 janvier 2018 est annulé.
Article 2 : Les conclusions par lesquelles M. B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour, ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18LY00688 de préfet du Rhône.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet du Rhône, à M. B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,
M. Pierre Thierry premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.
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Nos 18LY00685 et 18LY00688
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