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18/12/2018 | FRANCE | N°17LY01028

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 18 décembre 2018, 17LY01028


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision par laquelle le directeur de l'office public de l'habitat " Est Métropole Habitat " a implicitement rejeté, le 11 février 2015, sa demande de protection fonctionnelle et de mettre à la charge de cet office public la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1503375 du 26 janvier 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande

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Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 mars 2017 et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision par laquelle le directeur de l'office public de l'habitat " Est Métropole Habitat " a implicitement rejeté, le 11 février 2015, sa demande de protection fonctionnelle et de mettre à la charge de cet office public la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1503375 du 26 janvier 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 mars 2017 et un mémoire, enregistré le 11 août 2017, M. E... D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 26 janvier 2017 et la décision attaquée du directeur de l'office public de l'habitat " Est Métropole Habitat " ;

2°) de mettre à la charge de l'office public de l'habitat " Est Métropole Habitat " la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

* en refusant d'annuler le refus de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, le tribunal administratif de Lyon a entaché son jugement d'irrégularité car à la date de la décision attaquée, il remplissait les conditions pour que lui soit octroyé la protection fonctionnelle dès lors qu'aucune décision du tribunal correctionnel n'avait alors été prise ;

* le tribunal a retenu que l'OPH devait statuer au regard des éléments dont il disposait au moment où il a été saisi et qu'aucun élément ne permettait d'établir qu'il avait été informé des dysfonctionnements entre 2009 et 2011 alors qu'il avait alerté les services et sa hiérarchie en mai 2010 sur ces dysfonctionnements. Le jugement est irrégulier en tant qu'il a retenu qu'une faute personnelle pouvait lui être imputée ;

* il n'avait aucun moyen de s'opposer à la politique de rénovation et de réhabilitation des logements vacants et n'a fait que suivre les ordres du directeur général de l'office public de l'habitat " Est Métropole Habitat " ;

* les services avaient tous une pratique qui leur était propre et un nombre important d'agents pouvaient engager des dépenses pour l'OPH alors que l'ordonnateur est normalement le directeur, ce dont il avait averti sa hiérarchie à plusieurs reprises sans que cela ne suscite d'intervention du directeur général ;

* le comptable public n'a pas exercé son contrôle et a procédé à des paiements sans disposer des pièces contractuelles ;

* il n'a pas recherché d'enrichissement personnel, mais seulement à faire face à la nécessité de réaliser la rénovation de 25 logements par mois ;

* la circonstance que la cour d'appel de Lyon a circonscrit sa culpabilité à l'année 2010 au lieu de la période de mars 2009 à mai 2011, conduit à ce que la protection fonctionnelle doit lui être accordée pour la période du 12 mars au 31 décembre 2009 et du 31 décembre 2010 au 31 mai 2011.

Par un mémoire en défense, présenté par Me B... enregistré le 13 juin 2017 l'office public de l'habitat " Est Métropole Habitat " représenté par son président en exercice conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. D... la somme de 1 000 euros.

Il soutient que :

* le rejet de sa demande de protection fonctionnelle pouvait intervenir même en l'absence de sanction définitive ;

* le rejet de sa demande était fondé en raison de la faute personnelle de M. D....

Par ordonnance du 4 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

* la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

* le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

* le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,

* les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

* et les observations de Me F... substituant Me A..., représentant M. D..., et celles de Me C... représentant l'office public de l'habitat " Est Métropole Habitat ".

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., nommé directeur territorial le 1er juillet 2009, a exercé à compter de 2009 des fonctions de directeur administratif et financier de l'office public de l'habitat " Porte des Alpes habitat ", devenu le 1er janvier 2014 l'office public de l'habitat " Est Métropole Habitat ". Ayant été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel de Lyon le 18 décembre 2014 pour des faits de violation du code des marchés publics dans le cadre de ses fonctions de directeur entre le 12 mars 2009 et le 30 mai 2011, il a demandé au directeur de cet office de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle par courrier du 8 décembre 2014. Le silence gardé sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet dont M. D... a demandé l'annulation au tribunal administratif de Lyon. Il relève appel du jugement du 26 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'ensemble des moyens de la requête :

2. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée, " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. / (...) La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle. ".

3. Il résulte de ces dispositions que pour rejeter la demande d'un fonctionnaire qui sollicite le bénéfice de la protection qu'elles instituent, l'autorité administrative peut, sous le contrôle du juge, exciper du caractère personnel de la ou des fautes qui ont conduit à l'engagement de la procédure pénale, sans attendre l'issue de cette dernière. Elle se prononce au vu des éléments dont elle dispose à la date de sa décision en se fondant, le cas échéant, sur ceux recueillis dans le cadre de la procédure pénale.

4. Par ailleurs, présentent le caractère d'une faute personnelle détachable des fonctions, des faits qui révèlent des préoccupations d'ordre privé, qui procèdent d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité. En revanche ni la qualification retenue par le juge pénal ni le caractère intentionnel des faits retenus contre l'intéressé, ne suffisent par eux-mêmes à regarder une faute comme étant détachable des fonctions et justifiant dès lors, que le bénéfice du droit à la protection fonctionnelle soit refusé au fonctionnaire qui en fait la demande.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'office public de l'habitat " Est Métropole Habitat " a décidé en 2008 de procéder à une remise en état systématique des pièces humides des logements vacants avant de les remettre à la location alors qu'auparavant, les travaux étaient décidés uniquement en fonction de leur état. Cette décision a conduit à augmenter le nombre des travaux et, dès 2009, la masse financière qui leur était allouée. Par un marché du 24 juin 2008, des travaux de plâtrerie - peinture, pour un montant maximum de 418 000 euros, revalorisé à 562 000 euros en 2010, ont été attribués à la société Servbat. Par un marché conclu le 15 mars 2007 et renouvelé en 2010, des travaux de nettoyage ont été attribués à la société La Mouette Propreté. Au cours de l'année 2010, et bien que le montant maximum des marchés eût été atteint, ces deux sociétés ont continué d'assurer pour le compte de l'office public de l'habitat " Est Métropole Habitat " des prestations qu'elles ont facturées et qui leur ont été réglées hors marché, pour un montant de près de 375 000 euros s'agissant de la société Servbat et de près de 20 000 euros pour la société La Mouette propreté. Ces deux entreprises ont ainsi bénéficié de commandes passées en méconnaissance des principes de publicité et de mise en concurrence.

6. M. D..., en tant que directeur financier de l'office public de l'habitat " Est Métropole Habitat " ne pouvait ignorer que le montant prévu pour ces deux marchés ne pourrait suffire à payer la totalité des travaux programmés et qu'il aurait fallu, dès 2009, mettre en oeuvre de nouvelles procédures d'appel à concurrence. En acceptant de procéder aux ordres de paiement de ces prestations alors qu'il avait connaissance du dépassement du montant des marchés en cause, il a commis une faute.

7. Il n'est toutefois établi ni collusion avec lesdites entreprises dans l'intention de les avantager, ni recherche d'un enrichissement personnel au bénéfice de M. D..., ce dernier ayant au demeurant saisi sa hiérarchie dès le mois de mai 2010 des blocages résultant du fait que les montants des marchés étaient atteints. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la poursuite des commandes et du paiement des prestations en méconnaissance du code des marchés publics a eu pour objectif d'éviter une suspension des travaux de rénovation des logements vacants pendant plusieurs mois et de les soustraire ainsi du parc locatif de l'office public de l'habitat " Est Métropole Habitat ". Dans ces circonstances, la faute commise par M. D... telle qu'elle pouvait être appréhendée à la date de la décision attaquée, qui présente un lien avec le service, ne caractérise pas, en dépit de sa gravité, une faute personnelle de nature à permettre à l'office public de l'habitat " Est Métropole Habitat " de lui refuser le bénéfice de la protection demandée.

8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa requête, que M. D... est fondé à soutenir que la décision par laquelle le directeur de l'OPH a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle est illégale et, par suite, que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais du litige :

9. Les dispositions de L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mis à charge de M. D..., qui n'est pas la partie perdante, une somme à ce titre, les conclusions de l'office public de l'habitat " Est Métropole Habitat " en ce sens doivent être rejetées. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'office public de l'habitat " Est Métropole Habitat " une somme de 1 500 euros qu'il paiera à M. D..., au titre des frais non compris dans les dépens que ce dernier a exposés.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1503375 du tribunal administratif de Lyon du 26 janvier 2017 et la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'office public de l'habitat " Est Métropole Habitat " sur la demande du 8 décembre 2014 de M. D... sont annulés.

Article 2 : L'office public de l'habitat " Est Métropole Habitat " versera une somme de 1 500 euros à M. D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de l'office public de l'habitat " Est Métropole Habitat " relatives aux frais irrépétibles sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., et à l'office public de l'habitat " Est Métropole Habitat ".

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,

M. Pierre Thierry premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.

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N° 17LY01028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01028
Date de la décision : 18/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELAS LLC et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-18;17ly01028 ?
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