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13/12/2018 | FRANCE | N°16LY03768

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 13 décembre 2018, 16LY03768


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. X...G...W..., M. A... U...G..., M.S..., enfants mineurs représentés par Mme D... Y...M..., cette dernière en son nom propre, ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat pour défaut de surveillance imputé à l'administration pénitentiaire et pour faute du service public hospitalier à verser, en réparation des préjudices résultant pour eux du décès de Mme F...épouseG..., 100 000 euros à chacun des deux enfants de MmeI..., 100 000 euros à son époux et 80 000 euros à sa grand-

mère. Mme V..., Mme J...Q..., Mme B...P..., M. L...O..., M. R...et M. Z...U...AA....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. X...G...W..., M. A... U...G..., M.S..., enfants mineurs représentés par Mme D... Y...M..., cette dernière en son nom propre, ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat pour défaut de surveillance imputé à l'administration pénitentiaire et pour faute du service public hospitalier à verser, en réparation des préjudices résultant pour eux du décès de Mme F...épouseG..., 100 000 euros à chacun des deux enfants de MmeI..., 100 000 euros à son époux et 80 000 euros à sa grand-mère. Mme V..., Mme J...Q..., Mme B...P..., M. L...O..., M. R...et M. Z...U...AA...se sont présentés comme intervenant dans la cause.

Par un jugement n° 1305305 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Lyon n'a pas admis l'intervention de MmeV..., de Mme J...Q..., de Mme B...P..., de M. L...O..., de M. R... et de M. Z...U...AA...et a procédé au retrait du bénéfice de l'aide juridictionnelle qui leur avait été accordée et a rejeté les demandes présentées par M. X...G...W..., conjoint, M. A...U...G..., M.S..., enfants mineurs représentés par Mme D...Y...M..., et cette dernière en son nom propre.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 novembre 2016, M. A... U...G..., M. S..., enfants mineurs représentés par Mme D... Y...M..., cette dernière en son nom propre, M. X...G...W..., conjoint, MmeV..., Mme J...Q..., M. L...O..., M. Z... U...AA..., frères et soeurs de la défunte, Mme B...P..., M. R..., mère et père de la défunte, représentés par MeH..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 juin 2016 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner l'Etat et le centre hospitalier " Le Vinatier " à verser les sommes de 100 000 euros à chacun des enfants de MmeF..., de 80 000 euros à MmeM..., grand-mère, de 20 000 euros à M. X...G...W...en qualité de conjoint, de 30 000 euros à Mme B...P...et à M.R..., mère et père de MmeF..., de 5 000 euros à chacun des frères et soeurs de MmeF..., MmeV..., Mme J...Q..., M. L...O..., M. Z...U...AA..., en réparation des préjudices causés par le décès de MmeF... ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et du centre hospitalier " Le Vinatier " la somme de 30 000 euros à verser à leur avocat en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Ils soutiennent que :

- leur recours en appel a été introduit dans les délais ;

- l'intervention de MmeV..., de Mme J...Q..., de Mme B...P..., de M. L...O..., de M. R... et de M. Z...U...AA...est recevable dès lors qu'ils justifient de leurs liens de parenté et il n'appartenait pas au tribunal de soumettre leur qualité de partie au procès à la démonstration préalable que Mme F...avait conservé des liens avec eux ;

- le tribunal ne pouvait procéder au retrait de l'aide juridictionnelle dès lors que le retrait n'est possible que lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive ; en l'espèce, il n'est pas établi que le l'intervention présentait un caractère dilatoire ou abusif ;

- le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité dès lors que la note en délibéré, enregistrée le 7 juin 2016, du ministre de la justice n'a pas été communiquée ; le tribunal a également refusé de prendre en compte les moyens présentés le 3 juin 2016 ;

- les requérants ont bien qualité pour agir compte tenu des liens de parenté les unissant à MmeF... ;

- sur la responsabilité de l'Etat : lors du transfert de MmeF..., la maison d'arrêt de Corbas a été informée des risques auto et hétéro-agressifs qu'elle présentait par la maison d'arrêt de la Talaudière ; la maison d'arrêt de Corbas aurait dû mettre en place des mesures de surveillance spéciales ; l'administration ne verse pas au débat les documents permettant de vérifier le nombre et l'intensité des rondes ; la découverte tardive du corps sans vie de Mme F... à 7h00 démontre l'absence d'une surveillance rapprochée ; Mme F...a perdu une chance d'une intervention plus rapide des secours qui ne sont intervenus qu'à 7h40 ; il appartenait à l'administration d'intercepter en amont tout stupéfiant et le fait que Mme F...soit décédée d'une surdose de méthadone démontre un défaut de surveillance ;

- sur la responsabilité du service hospitalier : Mme F...ne pouvait se procurer de la méthadone faute d'argent ; il existe une relation certaine entre la modification de la dose de méthadone le 27 avril 2011 et son décès le 1er mai 2011 ; le SMPR a manqué à ses obligations en ne contrôlant pas les prises de médicaments et en n'ayant pas pris les mesures qui s'imposaient à la suite de la révélation par la victime du mélange des médicaments avec les produits stupéfiants ;

- la famille de Mme F...a subi un préjudice lié à son décès dès lors qu'elle adressait régulièrement des mandats à sa grand-mère pour lui permettre de subvenir aux besoins de ses enfants ;

Par un mémoire enregistré le 13 septembre 2018, le centre hospitalier Le Vinatier et la société hospitalière d'assurances mutuelles, représentés par MeK..., concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

- les conclusions des consorts G...dirigées contre le centre hospitalier sont irrecevables comme nouvelles en appel ; aucune demande n'a été présentée en première instance par les consorts G...à l'encontre du centre hospitalier Le Vinatier ou de la société hospitalière d'assurances mutuelles, son assureur ;

- l'intervention de MmeV..., de Mme J...Q..., de Mme B...P..., de M. L...O..., de M. R... et de M. Z...U...AA...est irrecevable dès lors que l'intervention n'a pas été formée par mémoire distinct ;

- le tribunal n'est pas tenu de soumettre au débat contradictoire une note en délibéré qui ne contiendrait l'exposé d'aucune circonstance de fait ou de droit susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire ;

- il n'a commis aucune faute dans l'administration de la méthadone dès lors qu'il résulte des rapports d'autopsie du 2 mai 2011 et d'expertise toxicologique du 11 mai 2011 qu'aucune présence de stupéfiant n'a été retrouvée dans le sang de la victime ; l'association stupéfiant/méthadone n'est pas à l'origine du décès ; la dose de méthadone prescrite constitue la fourchette basse dans la posologie de ce traitement ;

Par un mémoire enregistré le 21 septembre 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 24 octobre 2018, le ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande de Mme M...est irrecevable dès lors que les pièces produites au dossier ne permettent pas de déterminer qu'elle serait la grand-mère de la défunte ; Mme M... ne dispose d'aucun titre légal lui permettant d'assurer la représentation en justice des enfants mineurs ; le certificat de naissance de Niki mentionne l'identité du père, M. X... W...G...qui est seul habilité à représenter cet enfant ; le certificat de naissance de Stoycho ne mentionne aucune reconnaissance paternelle de sorte que les responsabilités parentales ne sont dévolues qu'au gardien ou tuteur dont la désignation n'est pas établie ;

- MmeV..., Mme J...Q..., Mme B...P..., M. L...O..., M. R... et M. Z...U...AA..., intervenants en première instance, n'ont qualité pour interjeter appel qu'à l'encontre des articles 1 et 2 du jugement ; leurs conclusions indemnitaires sont irrecevables ;

- aucune intervention n'a été formée par un mémoire distinct ; aucune règle de droit ne prévoit la possibilité au demandeur originaire de contraindre des personnes d'intervenir dans l'instance en cours et de s'associer à ses conclusions ; ces intervenants forcés ne justifient pas d'un intérêt à agir suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige ; la procédure d'intervention forcée a été jugée abusive, à bon droit, par le tribunal ; par suite, le jugement est régulier en ce qu'il est suffisamment motivé ;

- le jugement contesté mentionne la note en délibéré du 7 juin 2016 ; les requérants ne justifient pas que le tribunal administratif, pour rendre son jugement, se soit fondé sur une circonstance de fait ou de droit nouvelle qui aurait été invoquée dans la note en délibéré et il n'était pas tenu de la communiquer ;

- au fond, il s'en rapporte à son mémoire de première instance ;

M. X...G...W..., M. A... U...G..., M.S..., enfants mineurs représentés par Mme D... Y...M..., et en son nom propre, MmeV..., Mme J...Q..., Mme B...P..., M. L...O..., M. R... et M. Z...U...AA...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 octobre 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant le Centre hospitalier Le Vinatier et la SHAM.

Une note en délibéré présentée par le ministre de la justice a été enregistrée le 12 novembre 2018.

1. Considérant que, le 2 octobre 2009, Mme C...F..., née en Bulgarie le 25 novembre 1982, a été mise en examen et placée en détention provisoire à la maison d'arrêt " La Talaudière " de Saint-Etienne pour des faits de traite d'être humain, association de malfaiteurs et proxénétisme ; que, le 31 mars 2011, elle a été transférée à la maison d'arrêt Lyon-Corbas ; qu'ancienne toxicomane, elle a bénéficié de la prescription par le docteur Pitel-Buttez, médecin du service médico-psychologique régional (SMPR) rattaché au centre hospitalier Le Vinatier, d'un traitement de substitution par méthadone ; que, le 1er mai 2011, à 7h05, son corps a été découvert sans vie dans sa cellule ; que l'enquête judiciaire diligentée par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon a permis d'établir que le décès de Mme F... est survenu à la suite d'une intoxication aiguë à la méthadone ; que, le 9 avril et le 10 juin 2013, sa famille a formé une réclamation indemnitaire préalable qui a été rejetée par le ministre de la justice et par le centre hospitalier Le Vinatier ; que, par jugement du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Lyon n'a pas admis l'intervention de MmeV..., de Mme J...Q..., de Mme B...P..., de M. L...O..., de M. R... et de M. Z...U...AA..., a procédé au retrait du bénéfice de l'aide juridictionnelle pour ces intervenants et a rejeté les demandes présentées par M. X...G...W..., M. A...U...G..., M.S..., enfants mineurs, représentés par Mme D...Y...M..., tant au nom des enfants mineurs qu'en son nom propre ; que M. A... U...G..., M.S..., enfants mineurs représentés par Mme D... Y...M..., cette dernière en son nom propre, M. X...G...W..., conjoint, MmeV..., Mme J...Q..., M. L...O..., M. Z...U...AA..., frères et soeurs de la défunte, Mme B...P..., M. R..., mère et père de la défunte, relèvent appel de ce jugement du 26 juin 2016 du tribunal administratif de Lyon ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que la note en délibéré produite par le ministre de la justice a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lyon le 7 juin 2016 ; qu'en estimant que cette note, qui ne contenait pas l'exposé d'une circonstance de fait dont il ne pouvait être fait état avant la clôture de l'instruction ni d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office, ne justifiait pas la réouverture de l'instruction et en se bornant à la viser sans prendre en compte son contenu pour rendre son jugement, le tribunal administratif de Lyon n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative aux termes desquelles "l'instruction des affaires est contradictoire (...)" ni le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux." ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne." ; qu'aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. " ; que, par ordonnance du 6 mai 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 mai 2016 ; que les requérants ont produit un mémoire, enregistré le 1er juin 2016, soit postérieurement à la clôture de l'instruction ; que, par suite, le tribunal administratif de Lyon, qui a visé ce mémoire, n'était pas tenu d'en examiner les moyens et les conclusions, dès lors qu'il ne comportait pas l'énoncé d'une circonstance de fait nouvelle dont les requérants n'étaient pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction ou d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ; que, par suite, le jugement attaqué est régulier ;

4. Considérant, en troisième lieu, que MmeV..., Mme J...Q..., Mme B...P..., M. L...O..., M. R... et M. Z...U...AA... soutiennent que le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'a pas admis leur intervention ;

5. Considérant qu'il ressort de ses énonciations que le mémoire, enregistré le 23 octobre 2013, doit être regardé, d'une part, comme constituant un mémoire distinct en intervention présenté par MmeV..., Mme J...Q..., M. L...O..., M. Z...U...AA..., Mme B...P..., M. R... compte tenu de ce qu'il ne comportait qu'à titre de rappel la désignation des requérants initiaux et, d'autre part, comme s'associant uniquement aux conclusions des parties à l'instance tendant à la condamnation de l'Etat et du centre hospitalier Le Vinatier à réparer leur préjudice moral ; que, par suite, les intervenants de première instance sont fondés à soutenir que le jugement est irrégulier en tant qu'il n'a pas admis leur intervention ;

6. Considérant qu'il y a lieu pour la cour de statuer par voie d'évocation sur la recevabilité des interventions présentées devant le tribunal administratif de Lyon et par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions ;

7. Considérant qu'est recevable à former une intervention toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige ; que, toutefois, l'intervention formée dans le cadre d'un recours indemnitaire n'est recevable que si l'issue du contentieux indemnitaire lèse de façon suffisamment directe les intérêts de l'intervenant ;

8. Considérant que chacun des intervenants susmentionnés établit son lien de parenté avec Mme F...en produisant un certificat traduit de la langue bulgare faisant état de ce lien de parenté ; qu'ils justifient ainsi d'un intérêt suffisant à intervenir dans l'instance tendant à la condamnation de l'Etat et du centre hospitalier Le Vinatier à réparer les préjudices subis par le conjoint, les enfants et la grand-mère de MmeF... ; qu'il y a lieu par suite d'admettre leur intervention ;

Sur le retrait de l'aide juridictionnelle :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 50 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, " Sans préjudice des sanctions pénales éventuellement encourues, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est retiré, même après l'instance ou l'accomplissement des actes pour lesquels il a été accordé, si ce bénéfice a été obtenu à la suite de déclarations ou au vu de pièces inexactes./ Il est retiré, en tout ou partie, dans les cas suivants : (...) 3° Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive. " et aux termes de l'article 51 de cette même loi, " Le retrait de l'aide juridictionnelle peut être demandé par tout intéressé. Il peut également intervenir d'office./Dans les cas mentionnés aux 1° et 2° de l'article 50, le retrait est prononcé par le bureau qui a accordé l'aide juridictionnelle./Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive, la juridiction saisie prononce le retrait total de l'aide juridictionnelle. " ;

10. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit aux points 4 à 7, il ne résulte pas de l'instruction que le mémoire en intervention présentait un caractère abusif et dilatoire ; que, par suite, MmeV..., Mme J...Q..., Mme B...P..., M. L...O..., M. R... et de M. Z...U...AA... sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont cru devoir procéder au retrait de l'aide juridictionnelle qui leur avait été accordée ;

Sur la responsabilité de l'Etat et du centre hospitalier le Vinatier :

Sur la faute qui résulterait du défaut de surveillance de Mme F...compte tenu de ses antécédents à la maison d'arrêt de la Talaudière :

11. Considérant que si Mme F...présentait des risques auto et hétéro-agressifs identifiés lors de sa précédente détention à la maison d'arrêt de la Talaudière à Saint-Etienne et qui ont justifié son transfert à la maison d'arrêt de Lyon-Corbas, elle a fait l'objet, dès son arrivée dans celle-ci, d'un suivi psychologique par le SMPR de l'établissement ; qu'elle a été placée avec une co-détenue et a bénéficié d'une formation professionnelle " techniques de vente " le 20 avril 2011 en vue de lui permettre un meilleur investissement au cours de sa détention ; que, depuis son transfert à la maison d'arrêt de Lyon-Corbas, elle n'avait pas manifesté de tendance suicidaire ou de troubles du comportement ainsi que cela résulte de l'audition de l'infirmière et du médecin traitant du SMPR entendus lors de l'enquête judiciaire diligentée par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon ; qu'en outre, dans la nuit du 30 avril au 1er mai 2011, la cellule de MmeF..., située bâtiment C niveau 1 aile gauche, 0004, a fait l'objet d'une surveillance à 18h56, à 00h15, à 1h01, à 5h53 qui n'a pas révélé de signes inquiétants quant à son état de santé ; qu'il n'est nullement établi que Mme F...aurait dû faire l'objet d'une surveillance renforcée, alors que l'administration pénitentiaire justifie qu'elle était déjà placée sous surveillance spéciale ;

Sur la faute qui résulterait le défaut de prise en charge de Mme F...à 7h05 :

12. Considérant que les requérants soutiennent que Mme F...a perdu une chance de survie compte tenu du délai entre la survenue du décès et la découverte du corps inerte et du délai d'intervention des secours ; qu'il résulte de l'instruction que le 1er mai 2011 à 7h00, le corps de Mme F...a été découvert rigide et froid et que les surveillants n'ont pas été en mesure de détecter son pouls ; que la ronde précédente ayant été effectuée à 5h53, ainsi qu'il vient d'être dit, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décès aurait été rendu possible par l'absence de rondes ; que l'administration pénitentiaire a procédé immédiatement à l'appel des secours et de la gendarmerie après avoir été alertée par les surveillants ; qu'à l'heure d'arrivée du SAMU, à 7h40, il n'est pas établi qu'une réanimation de l'intéressée eut été encore possible compte tenu des premiers constats réalisés par le personnel pénitentiaire ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, aucune faute ou négligence dans l'organisation du service ne peut être retenue à l'encontre du service pénitentiaire ;

Sur la négligence dont aurait fait preuve l'administration pénitentiaire dans la surveillance de la détenue qui a pu se procurer des stupéfiants ou de la méthadone :

13. Considérant que le rapport d'autopsie et d'expertise biologique réalisé le 2 mai 2011 fait état de ce que " l'examen des prélèvements biologiques a permis la mise en évidence d'une association de divers xénobiotiques : alprazolam, cyamémazine et méthadone. Les concentrations sanguines de méthadone sont potentiellement toxiques et son rôle dans la survenue du décès sera à envisager en fonction des données autopsiques et des données de l'enquête " ; que, lors de l'enquête préliminaire, la gendarmerie a conclu à une mort par surdose de méthadone en soulignant que " de tels taux de méthadone dans le sang peuvent s'expliquer par la prise de méthadone provenant d'un réseau autre que celui du domaine médical " ; que, compte tenu de ces éléments, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décès de Mme F... serait lié à l'absorption de stupéfiants ou de médicaments associés à la méthadone ;

14. Considérant que les requérants font valoir que l'introduction dans la prison d'une substance de substitution à la drogue et sa consommation par Mme F...résultent nécessairement de manquements et de négligences dans l'obligation de surveillance des détenus et de dysfonctionnements au sein de la maison d'arrêt ; que, toutefois, si l'administration pénitentiaire est tenue de prendre toutes mesures utiles pour combattre le trafic de ces substances de substitution, la seule circonstance qu'un détenu ait pu avoir accès à ces substances ne suffit pas à démontrer une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'en l'espèce, si les éléments de l'enquête n'ont pas permis de déterminer comment Mme F...s'était procurée la méthadone, alors qu'il n'est pas possible de la stocker dès lors qu'elle est prescrite par le médecin traitant du SMPR et délivrée sous forme liquide et sous la surveillance d'une infirmière, il résulte de l'instruction que, dans le cadre des opérations de lutte contre le trafic de drogue menées en 2011, les cellules sont fouillées régulièrement ; que, par suite, il n'est pas établi que le décès de Mme F...serait dû à une négligence de l'administration pénitentiaire quant au contrôle et à la répression des trafics de substances prohibées au sein de l'établissement ;

Sur la faute qui résulterait du surdosage de méthadone par le SMPR :

15. Considérant que les requérants font valoir que l'évolution de la prescription de méthadone a participé au décès de MmeF... ; qu'il résulte de l'instruction que le médecin traitant du SMPR a prescrit à MmeF..., qui se plaignait de douleurs, une dose de 20 milligrammes de méthadone, puis que le psychologue du service lui a prescrit une dose de 30 milligrammes ; que cette évolution dans la prescription de méthadone est qualifiée de " classique " par le médecin traitant du SMPR ; qu'une dose de 30 milligrammes correspond à une posologie faible ; que, par suite, l'intéressée ne pouvant pas stocker des doses de méthadone, les requérants n'établissent pas qu'une faute médicale aurait été commise dans la posologie de la méthadone délivrée à MmeF... ;

16. Considérant que si la victime a révélé au médecin traitant du SMPR, à l'occasion de son transfert à la maison d'arrêt de Lyon-Corbas, qu'elle consommait des associations de médicaments, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 13, que le décès de Mme F... est lié uniquement à une surdose mortelle de méthadone ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat et du centre hospitalier Le Vinatier à les indemniser des préjudices subis du fait du décès de MmeF... ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er: Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 21 juin 2016 sont annulés.

Article 2 : L'intervention de MmeV..., de Mme J...Q..., de Mme B...P..., de M. L...O..., de M. R... et de M. Z...U...AA... devant le tribunal administratif de Lyon est admise.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 16LY03768 est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... W..., à M. U... G..., à M. N..., à Mme M..., à Mme Q..., à Mme Q..., à Mme P..., à M. O..., à M. R..., à M. Z... U...AA..., au centre hospitalier Le Vinatier, à la société hospitalière d'assurances mutuelles et au ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président,

M. Drouet, président assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller,

Lu en audience publique le 13 décembre 2018.

2

N° 16LY03768


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03768
Date de la décision : 13/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-091 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services pénitentiaires.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SHIBABA

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-13;16ly03768 ?
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