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13/12/2018 | FRANCE | N°16LY02222

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 13 décembre 2018, 16LY02222


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A..., représenté par MeB..., a demandé dans le dernier état de ses écritures le 19 janvier 2016 au tribunal administratif de Grenoble :

1°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme de 139 000 euros au titre des préjudices subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C, avec intérêts aux taux légal à compter du 14 novembre 2013 ;

2°) de mettre à

la charge de l'ONIAM une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A..., représenté par MeB..., a demandé dans le dernier état de ses écritures le 19 janvier 2016 au tribunal administratif de Grenoble :

1°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme de 139 000 euros au titre des préjudices subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C, avec intérêts aux taux légal à compter du 14 novembre 2013 ;

2°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'ONIAM à lui verser une somme de 67 154,81 euros au titre des débours exposés pour M. A...et de mettre à sa charge une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Par un jugement n°1400157 du 10 mai 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 juin 2016 et 4 mai 2018, M. E... A...représenté par Me Bourgin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 mai 2016 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser une somme de 220 000 euros au titre des préjudices subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C, avec intérêts au taux légal à compter de sa demande indemnitaire préalable formée devant l'ONIAM ou à défaut à compter de la date de sa demande auprès du tribunal administratif ainsi que la capitalisation des intérêts ;

3) à titre subsidiaire de donner acte qu'il ne s'oppose pas à une expertise médicale ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM les dépens ainsi qu'une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement en irrégulier à raison d'une insuffisance de motivation, les premiers juges n'ayant ni cité ni évoqué le courrier du 12 mai 2007 dans lequel le centre hospitalier de Romans sur Isère a reconnu avoir transfusé d'autres produits sanguins que les 13 poches mentionnées dans ce même courrier ;

- la responsabilité de l'ONIAM est engagée sur le fondement de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, dès lors que sa contamination est imputable aux transfusions sanguines reçues en 1982 et qu'il y a lieu d'appliquer le principe de présomption de contamination ; il rapporte la preuve à travers le courrier du 12 mai 2000 que d'autres culots sanguins que les 13 poches citées lui ont été transfusés entre le 23 septembre 1982 et le 21 octobre 1982 ; le courrier du 16 mai 2000 indique également que seulement une partie des poches a été identifiée par le centre hospitalier, un tel document constitue un quasi-aveu judiciaire ; l'expert, le Pr Malicier, a écarté la possibilité d'une contamination à l'occasion de l'accident ayant eu lieu en 1965 et affirme la vraisemblance majeure d'une contamination transfusionnelle lors de sa prise en charge en 1982 par le centre hospitalier de Romans sur Isère ; le Pr Zarski a estimé que sa contamination pourrait résulter d'une transfusion sanguine lors de ladite prise en charge ; l'ONIAM ne combat pas utilement la présomption légale de contamination ;

- l'incidence professionnelle de la contamination, qui lui occasionne une asthénie et a entrainé une dévalorisation sur le marché du travail et une augmentation de la pénibilité de son travail, doit être évaluée à 25 000 euros ;

- son incapacité temporaire partielle évaluée à 50 % par l'expert du 10 février 2000 au 7 octobre 2001 doit être indemnisée à hauteur de 15 000 euros ;

- les souffrances endurées, évaluées par l'expert à 3 sur une échelle de 7, doivent être indemnisées à hauteur de 25 000 euros ;

- le préjudice d'agrément, relatif à la pratique de l'équitation, doit être réparé à hauteur de 5 000 euros ;

- son incapacité permanente partielle, évaluée à 40 % par l'expert, doit être indemnisée à hauteur de 150 000 euros. ;

- l'enquête transfusionnelle réalisée par l'EFS a été tributaire des éléments communiqués par le centre hospitalier de Romans-Sur-Isère et que seul le statut viral des 13 poches a été analysé ; l'ONIAM a entretenu une correspondance non contradictoire avec l'EFS, ce qui pose des problèmes de respect du contradictoire ; on ne peut pas supposer la bonne foi du centre hospitalier ; il existe un problème de traçabilité sur le receveur des poches ayant été distribuées ; il n'existe pas sur les listings de prélèvements/distribution archivés d'unité distribuée au nom deA... ; le centre hospitalier a pu garder la preuve, sans la communiquer, sur la transfusion de certains produits ;

Par des mémoires enregistrés les 13 avril 2018, 24 juillet 2018 et 7 novembre 2018, l'ONIAM, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il présente des conclusions subsidiaires tendant à l'organisation d'une expertise avant-dire-droit et des conclusions infiniment subsidiaires tendant à la réduction des sommes demandées par M.A....

Il soutient que :

- il n'existe pas de lien de causalité ente les transfusions réalisées au sein du centre hospitalier de Romans-Sur-Isère et la contamination de M. A...par le virus de l'hépatite C ;

- les juges du fond sont souverains sur l'appréciation des éléments de preuve leur étant soumis par les parties ; la présomption d'imputabilité ne s'applique pas dans l'hypothèse où l'inocuité des produits transfusés est établie ; le demandeur doit prouver l'administration des produits sanguins qu'il considère en lien avec sa contamination ; les courriers produits des 12 et 16 mai 2000 contenant les termes " une partie " et " un certain nombre " ne sauraient être jugés suffisants pour établir la preuve de l'existence effective d'administration d'autres produits sanguins ; la preuve de l'administration d'autres produits sanguins que les 13 poches identifiées repose sur le demandeur ; les donneurs des 13 poches ont pu être retrouvés et ils ont tous une sérologie négative au virus de l'hépatite C ; il importe peu que le receveur de tels donneurs ne soit pas connu ; lors du rapport du Pr Malicier, deux donneurs n'avaient pas pu encore être retrouvés ; le rapport du Pr Malicier est antérieur à l'enquête transfusionnelle du 1er juillet 2002 relative à ces 13 donneurs ; le courrier du Pr Zarski est également antérieur à l'enquête transfusionnelle du 1er juillet 2002 relative à ces 13 donneurs ;

- si la cour ne s'estime pas suffisamment informée, il conviendra d'organiser une mesure judiciaire d'expertise avant-dire-droit sur la matérialité des transfusions et sur les préjudices actuels de M.A..., les thérapeutiques ayant évolué ;

- les demandes indemnitaires de M. A...sont surévaluées ; aucun préjudice d'incidence professionnel n'existe ; le préjudice d'incapacité temporaire partielle peut être évalué à 4 552,50 euros ; les souffrances endurées peuvent être évaluées à 3 619 euros ; le déficit fonctionnel permanent sera justement indemnisé à hauteur de 73 672 euros ; il n'existe pas de préjudice d'agrément, M. A...ne justifiant pas pratiquer l'équitation régulièrement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Bourgin, avocat de M. A...et de Me De La Grange, avocat de l'ONIAM ;

1. Considérant que M. A...a été victime d'un grave accident de la route le 23 septembre 1982 ; qu'il a été admis aux urgences du centre hospitalier de Romans-sur-Isère où il a bénéficié, en raison notamment d'une hémorragie interne liée à la fissure de la rate et du foie, de poly-transfusions ; qu'en 2000, une série d'examens a permis de diagnostiquer que M. A... était porteur du virus de l'hépatite C ; qu'imputant cette contamination aux transfusions sanguines pratiquées à la suite de cet accident, il a demandé au tribunal administratif de Grenoble de mettre à la charge de l'ONIAM, sur le fondement de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, une somme de 139 000 euros au titre des préjudices subis ; que M. A...fait appel du jugement du 10 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande indemnitaire ;

Sur l'obligation de l'ONIAM :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4, à l'exception de la seconde phrase du premier alinéa. / Dans leur demande d'indemnisation, les victimes ou leurs ayants droit justifient de l'atteinte par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain et des transfusions de produits sanguins ou des injections de médicaments dérivés du sang. L'office recherche les circonstances de la contamination. S'agissant des contaminations par le virus de l'hépatite C, cette recherche est réalisée notamment dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Il procède à toute investigation sans que puisse lui être opposé le secret professionnel " ;

3. Considérant que l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé dispose que : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. (...) " ; que la présomption légale instituée par cette disposition s'applique à la relation de cause à effet entre une transfusion sanguine et la contamination par le virus de l'hépatite C ultérieurement constatée mais ne concerne pas l'existence même de la transfusion ; qu'il incombe donc au demandeur d'établir l'existence de la transfusion qu'il affirme avoir subie conformément aux règles de droit commun gouvernant la charge de la preuve devant le juge administratif ; que cette preuve peut être apportée par tout moyen et est susceptible de résulter, notamment dans l'hypothèse où les archives de l'hôpital ou du centre de transfusion sanguine ont disparu, de témoignages et d'indices concordants dont les juges du fond apprécient souverainement la valeur ;

4. Considérant que M. A...soutient que sa contamination par le virus de l'hépatite C, diagnostiquée en 2000, est imputable à l'une des transfusions sanguines qu'il a reçue à la suite de son accident du 23 septembre 1982 ; qu'il fait valoir qu'il a reçu, contrairement à ce qu'indique l'ONIAM, plus de 13 concentrés de sang au cours de ces transfusions et que tous les donneurs n'ont pas été retrouvés et contrôlés négatifs au virus de l'hépatite C ; que, pour apporter la preuve de la transfusion de plus de 13 culots sanguins ou de dérivés du sang, M. A... fait état de deux lettres des 12 et 16 mai 2000 du centre hospitalier de Romans-sur-Isère à l'Etablissement français du sang (EFS) et à son médecin traitant, lesquelles mentionnent, pour la première, " que je puis vous donner une partie des numéros des poches des dérivés sanguins que nous avons transfusés entre le 23 septembre 1982 et le 21 octobre 1982 à M. D...A... " en citant ensuite 13 numéros de poches et, pour la seconde, que " nous avons retrouvé les références d'un certain nombre de poches de sang et de concentrés globulaires qui ont été transfusés à votre patient, M.A..., lors de son séjour à l'hôpital de Romans du 23 septembre 1982 au 21 octobre 1982 " ; que M. A...indique également que le courrier daté du 3 avril 2013, versé en appel, adressé par l'EFS à l'ONIAM, révèle des dysfonctionnements dans la traçabilité des produits sanguins lui ayant été transfusés ; qu'il résulte de l'instruction que les listings de distribution sont en effet incomplets ou erronés en ce qui le concerne dès lors qu'il est constant qu'il a fait l'objet de transfusions au sein du centre hospitalier de Romans-sur-Isère en septembre et octobre 1982 ; qu'il résulte également de l'instruction que, dans ce même courrier du 3 avril 2012, après avoir indiqué que les 13 culots de globules rouges identifiés proviennent de donneurs tous négatifs au virus de l'hépatite C, le médecin de l'EFS mentionne que pour d'autres produits dont les numéros sont inconnus, l'enquête sur le virus de l'hépatite C n'est pas réalisable ; que si le Pr Malicier, expert commis par le tribunal de grande instance de Valence, fait état de la transfusion de 13 culots sanguins sur la base des 13 numéros de poche mentionnés dans le courrier du 12 mai 2000, cette simple mention ne permet pas de remettre en cause les données figurant dans les courriers précités des 12 mai 2000, 16 mai 2000 et 3 avril 2013 relativement à un nombre de culots sanguins transfusés supérieur à 13, lequel chiffre correspond au nombre de poches dont les numéros ont été retrouvés et transmis en 2000 par le centre hospitalier de Romans-sur-Isère ; que, dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme apportant des témoignages et indices concordants permettant d'établir la réalité de la transfusion sanguine de plus de 13 culots sanguins par ledit établissement hospitalier entre septembre et octobre 1982 ;

5. Considérant que la présomption de l'origine transfusionnelle d'une contamination par le virus de l'hépatite C prévue par les dispositions de l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que tel est normalement le cas lorsqu'il résulte de l'instruction que le demandeur s'est vu administrer, à une date où il n'était pas procédé à une détection systématique du virus de l'hépatite C à l'occasion des dons du sang, des produits sanguins dont l'innocuité n'a pas pu être établie, à moins que la date d'apparition des premiers symptômes de l'hépatite C ou de révélation de la séropositivité démontre que la contamination n'a pas pu se produire à l'occasion de l'administration de ces produits ; qu'eu égard à la disposition selon laquelle le doute profite au demandeur, la circonstance que l'intéressé a été exposé par ailleurs à d'autres facteurs de contamination, résultant notamment d'actes médicaux invasifs ou d'un comportement personnel à risque, ne saurait faire obstacle à la présomption légale que dans le cas où il résulte de l'instruction que la probabilité d'une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. A...n'a pas adopté de comportements à risque ; que tant le rapport de l'expert judiciaire, qui a pris en compte les pathologies diagnostiquées chez le requérant à partir de 2000, que les différents certificats médicaux produits retiennent la probabilité transfusionnelle d'une contamination au virus de l'hépatite C lors des transfusions de septembre et octobre 1982 comme l'option la plus sérieuse ; que si les donneurs de 13 poches de globules rouges ont pu être retrouvés et ont été identifiés comme négatifs au virus de l'hépatite C, il se déduit de ce qui a été dit plus haut que M. A...ayant reçu plus de 13 poches, l'innocuité de l'ensemble des produits sanguins lui ayant été transfusés n'a pas été établi par l'EFS et par l'ONIAM ; que, dans ces conditions, le requérant apporte des éléments suffisants permettant de présumer que sa contamination par le virus de l'hépatite C a pour origine les transfusions subies en septembre et octobre 1982 au centre hospitalier de Romans-sur-Isère ; que l'ONIAM doit donc être condamné à réparer les conséquences dommageables de cette contamination ;

Sur les préjudices :

7. Considérant que l'expert judiciaire, le Pr Malicier, fixe, sans être contredit, au 8 octobre 2001 la date de consolidation de l'état de santé de M.A... ;

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

8. Considérant que M. A...se prévaut d'un taux d'incapacité temporaire partielle évalué à 50% par l'expert pour la période allant du 10 février 2000 au 7 octobre 2001 ; qu'il demande une somme de 15 000 euros en réparation de ce chef de préjudice ; qu'il résulte de l'expertise que M. A... a été en incapacité temporaire totale pendant une journée et en incapacité temporaire partielle à hauteur de 50% pendant 605 jours ; que, dans les circonstances de l'espèce, et sur la base notamment d'une indemnisation de 7,50 euros par jour pour les 605 jours durant lesquels il a subi un déficit fonctionnel partiel de 50%, évaluation au demeurant admise par l'ONIAM, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en fixant à 4 550 euros la somme due à ce titre par l'ONIAM à M.A... ;

Quant aux souffrances endurées :

9. Considérant que l'expert fixe à 3 sur une échelle de 7 les souffrances endurées par M.A... ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du certificat médical du 16 septembre 2011 et des différents comptes-rendus et certificats médicaux versés au dossier par M.A..., suite aux demandes de la cour, que ce dernier a, du fait du développement de l'hépatite virale chronique C cirrhogène dont il a été atteint, souffert de multiples effets secondaires sous forme de dyspnées d'efforts, de troubles du sommeil, d'une parodontie provoquée par l'un des médicaments de son traitement et ayant imposé l'extraction de dents, d'une asthénie, de lombalgies ainsi que de problèmes érectiles ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en mettant à la charge de l'ONIAM une somme de 4 000 euros ;

Quant au déficit fonctionnel permanent :

10. Considérant que l'expert judiciaire fixe à 40% le taux de déficit fonctionnel permanent dont reste atteint M. A...après consolidation ; que l'expert qui a examiné M. A... le 8 octobre 2001 mentionne que M. A...reste atteint d'une cirrhose stabilisée nécessitant le maintien d'un traitement ; qu'il fait également état de certaines difficultés de M. A..., en lien avec les conséquences de cette contamination par le virus de l'hépatite C, pour effectuer des déplacements et se rendre à des repas d'affaires avec des clients dans le cadre de son activité de direction de société ; qu'il sera fait une juste appréciation d'un tel chef de préjudice en fixant à 74 000 euros la somme globale due à ce titre par l'ONIAM ;

Quant à l'incidence professionnelle :

11. Considérant que M. A...sollicite une somme de 25 000 euros au titre de l'incidence professionnelle en évoquant une asthénie qui aurait entrainé une dévalorisation sur le marché du travail et une augmentation de la pénibilité de son travail ; que M. A...se prévaut d'une observation de l'expert selon laquelle, si aucun préjudice professionnel n'existe, il souffre néanmoins d'une asthénie et a des difficultés à se déplacer et à pouvoir dîner avec des clients le soir ; que, toutefois, M. A...n'apporte pas d'éléments de nature à établir l'existence d'un préjudice d'incidence professionnelle spécifique qui différerait des désagréments indemnisés dans le cadre du déficit fonctionnel permanent au point 10 ; que les conclusions formulées par M. A...au titre de ce chef de préjudice doivent par suite être rejetées ;

Quant au préjudice d'agrément :

12. Considérant que M. A...demande à être indemnisé au titre d'un préjudice d'agrément à hauteur de 5 000 euros à raison de son abandon de la pratique de l'équitation ; que, comme l'oppose en défense l'ONIAM, il n'établit pas l'existence d'une pratique régulière de l'équitation ni l'abandon d'une telle pratique à raison des conséquences de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que les conclusions formulées par M. A...au titre de ce chef de préjudice doivent par suite être rejetées ;

13. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'expertise sollicitée par l'office, que l'ONIAM doit être condamné à verser à M. A... une indemnité totale de 82 550 euros ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

14. Considérant que la somme de 82 550 euros mise à la charge de l'ONIAM doit être assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2013, date du courrier de l'ONIAM portant refus d'indemniser M. A...et attestant de ce fait de la réception à cette date de sa demande indemnitaire préalable ; que M. A...a présenté en appel le 15 juin 2016 sa première demande de capitalisation des intérêts; qu'il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation à compter du 15 juin 2016, date à laquelle était due au moins une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande indemnitaire ;

Sur les dépens :

16. Considérant que, dans sa requête d'appel, M. A...demande que les dépens, sans autre précision, soient mis à la charge de l'ONIAM ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que des dépens auraient été exposés dans la présente instance ; que, par suite, la demande présentée à ce titre ne peut qu'être rejetée ;

Sur les frais liés au litige :

17. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à M. A...d'une somme de 1 500 euros ; que les conclusions présentées au même titre par l'ONIAM, partie perdante, doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1400157 du 10 mai 2016 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : L'ONIAM est condamné à verser à M. A...la somme de 82 550 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2013. Les intérêts échus à la date du 15 juin 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'ONIAM versera à M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des maladies nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.

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N° 16LY02222


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02222
Date de la décision : 13/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BOURGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-13;16ly02222 ?
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