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11/12/2018 | FRANCE | N°18LY00193

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 11 décembre 2018, 18LY00193


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du préfet de l'Ain en date du 16 septembre 2017 lui faisant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1707416 du 18 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du préfet de l'Ain en date du 16 septembre 2017 lui faisant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1707416 du 18 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 18 décembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2017 par lequel le préfet de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros qui sera versée à son conseil au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

* le préfet de l'Ain a commis une erreur de fait en considérant que sa fille n'avait pas la nationalité française dès lors qu'aucune décision n'est venue remettre en cause la nationalité de son enfant et qu'aucune fraude ne peut lui être reprochée ;

* le préfet de l'Ain a entaché sa décision d'un défaut d'examen préalable de sa situation personnelle et a méconnu la réalité de sa situation telle qu'elle ressort des pièces produites ;

* l'intérêt supérieur de son enfant, tel que protégé par l'article 3-1 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant et par l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, a été méconnu ;

* le préfet de l'Ain a méconnu l'article L. 511-4-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

* le préfet de l'Ain a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'existence d'une fraude, n'est pas établie et ne pouvait dès lors être retenue pour écarter ce moyen ;

* la décision du préfet de l'Ain l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

* la décision limitant à 30 jours le délai de son départ est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2018, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une décision du 27 février 2018 le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

* le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

* le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,

* et les observations de MeB..., représentant M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant comorien, expose être entré en France en 2005 et y avoir vécu depuis lors après avoir obtenu un certificat de nationalité française en 2006 et, consécutivement, une carte nationale d'identité et un passeport français. Par un jugement du 23 mars 2012, le tribunal de grande instance de Paris a toutefois constaté son extranéité. M. A... relève appel du jugement du 18 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 16 septembre 2017 du préfet de l'Ain, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

2. Si, dans son arrêté du 16 septembre 2017 le préfet de l'Ain n'a pas fait état de ce que M. A... a obtenu la délivrance d'une carte nationale d'identité et d'un passeport français par fraude, il a soutenu que tel était le cas devant le juge de première instance. Il appartient à l'administration d'établir la preuve de la fraude dont elle se prévaut, tant s'agissant de l'existence des faits matériels l'ayant déterminée à délivrer un acte, que s'agissant de l'intention du demandeur de la tromper. Ni la circonstance que dans son jugement susmentionné du 23 mars 2012, le tribunal de grande instance de Paris ait constaté que l'acte de naissance sur la foi duquel M. A... a obtenu un certificat de nationalité française puis une carte nationale d'identité, est " apocryphe ", ni la circonstance que M. A... n'ait pas restitué sa carte nationale d'identité et son passeport français, ne sont de nature à établir le caractère frauduleux des démarches accomplies par M. A... pour que lui soit attribuée la nationalité française par filiation. Il n'est en effet pas établi d'une part, que ce dernier ne pouvait ignorer le caractère apocryphe dudit acte de naissance et, d'autre part, qu'il avait eu connaissance du jugement du tribunal de grande instance de Paris avant l'arrêté attaqué.

3. En deuxième lieu si M. A... est père de trois enfants vivant avec leur mère aux Comores, il n'est pas contesté qu'il vit en France depuis 2006 et maritalement avec Mme F..., de nationalité ghanéenne depuis avril 2012. Ils sont parents d'une enfant née le 8 août 2013 à Annemasse, âgée de quatre ans à la date de la décision attaquée et scolarisée. Mme F...séjourne régulièrement sur le territoire français où elle travaille et bénéficie d'un titre de séjour valable dix ans jusqu'en 2027. Il ressort des pièces du dossier que, au moins depuis 2007, M. A... a occupé, la majeure partie du temps, divers emplois en dépit de plusieurs périodes de chômage. Contrairement aux mentions du jugement contesté, et en tout état de cause, M. A... pouvait valablement se prévaloir de son insertion comme de celle de sa compagne, pour établir la réalité et l'intensité de sa vie familiale en France.

4. Dans les circonstances de l'espèce, au regard des éléments mentionnés au point précédent, notamment eu égard à la durée de vie en France de M. A... et de sa relation avec MmeF..., de son insertion professionnelle et de la présence en France de sa fille née de sa relation avec MmeF..., M. A... est fondé à soutenir que l'arrêté du 16 septembre 2017 du préfet de l'Ain méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de ce qui précède que l'obligation de quitter le territoire français opposée à M. A...est entachée d'illégalité de même que, par voie de conséquence, les décisions fixant le délai de départ et le pays de destination. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. La demande d'aide juridictionnelle de M. A... ayant été rejetée, son avocat ne peut se prévaloir de ces dispositions 37 de la loi du 10 juillet 1991. Les conclusions de M. A... tendant à ce qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat et versée à son conseil doivent par suite être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1707416 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 18 décembre 2017 et l'arrêté du 16 septembre 2017 du préfet de l'Ain sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A..., au ministre de l'intérieur et à MeB.... Copie en sera délivrée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Pierre Thierry premier conseiller,

Mme E...D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 11 décembre 2018.

4

N° 18LY00193


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00193
Date de la décision : 11/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BESCOU

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-11;18ly00193 ?
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