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10/12/2018 | FRANCE | N°18LY02749

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 10 décembre 2018, 18LY02749


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 17 juillet 2013 lui infligeant la sanction de la mise à la retraite d'office.

Par un jugement n° 1302363 du 21 mars 2014, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à cette demande et a enjoint au ministre de procéder à la réintégration de M. A... ainsi que de statuer à nouveau sur sa situation dans un délai de quatre mois.
>Par un arrêt n° 14LY01673 du 17 mai 2016, la cour a rejeté l'appel formé par le ministr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 17 juillet 2013 lui infligeant la sanction de la mise à la retraite d'office.

Par un jugement n° 1302363 du 21 mars 2014, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à cette demande et a enjoint au ministre de procéder à la réintégration de M. A... ainsi que de statuer à nouveau sur sa situation dans un délai de quatre mois.

Par un arrêt n° 14LY01673 du 17 mai 2016, la cour a rejeté l'appel formé par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche contre ce jugement.

Par une décision nos 401527, 401629 du 18 juillet 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et a renvoyé à la cour le jugement de l'affaire, désormais enregistrée sous le n° 18LY02749.

Procédure devant la cour

Par un mémoire enregistré le 14 août 2018, le ministre de l'éducation nationale maintient les conclusions de sa requête, en indiquant n'avoir aucune observation supplémentaire à formuler.

Par un mémoire enregistré le 21 août 2018, présenté pour M. A..., il conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la sanction infligée était disproportionnée eu égard au caractère isolé des faits reprochés, à l'absence de peine complémentaire prononcée par le tribunal correctionnel, au risque faible de réitération des faits et à son absence d'antécédents.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, notamment son article 66 ;

- le décret n° 72-580 du 4 juillet 1972 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., professeur de sciences de la vie et de la terre au lycée Parriat à Montceau-les-Mines, s'est vu infliger la sanction de mise à la retraite d'office par un arrêté du ministre de l'éducation nationale du 17 juillet 2013, après que, par un jugement du tribunal correctionnel de Chalon-sur-Saône du 15 octobre 2012, il a été déclaré coupable d'agressions sexuelles sur mineurs de quinze ans par personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions et condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans assortie, pour la totalité, d'un sursis. Par un jugement du 21 mars 2014, le tribunal administratif de Dijon a, sur recours de M. A..., annulé cette sanction. Sur recours du ministre, ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour du 17 mai 2016. Par une décision du 18 juillet 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 17 mai 2016 et renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

2. En vertu de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux fonctionnaires de l'Etat sont réparties en quatre groupes. Relèvent du premier groupe les sanctions de l'avertissement et du blâme, du deuxième groupe celles de la radiation du tableau d'avancement, de l'abaissement d'échelon, de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours et du déplacement d'office, du troisième groupe celles de la rétrogradation et de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans et, enfin, du quatrième groupe celles de la mise à la retraite d'office et de la révocation.

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'agression sexuelle de deux mineurs âgés de quatorze ans commise, en juin 2011, par M. A... en dehors de son activité d'enseignant, lors d'un stage de plongée sous-marine auquel il participait en qualité d'instructeur, a été reconnue par l'intéressé, qui s'en est excusé auprès des victimes et a entamé un suivi psychologique, tandis que l'expertise psychiatrique a conclu à l'absence de pulsion pédophile et de personnalité perverse ainsi que d'éléments caractérisant un facteur de dangerosité ou un risque de récidive. Il en ressort également que l'intéressé avait continué d'exercer normalement ses fonctions pendant une année, avant d'être suspendu puis sanctionné. Toutefois, eu égard à l'exigence d'exemplarité et d'irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs, y compris en dehors du service, et compte tenu de l'atteinte portée, du fait de la nature des fautes commises par l'intéressé, à la réputation du service public de l'éducation nationale ainsi qu'au lien de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants du service, l'autorité disciplinaire n'a pas, en l'espèce, pris une sanction disproportionnée à la faute reprochée en décidant de mettre l'intéressé à la retraite d'office. C'est, dès lors, à tort que les premiers juges se sont fondés, pour annuler la décision en litige, sur le motif tiré de ce que la sanction retenue par le ministre de l'éducation nationale était disproportionnée.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A....

Sur la légalité de la décision en litige :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 susvisé : " L'organisme siégeant en conseil de discipline lorsque sa consultation est nécessaire, en application du second alinéa de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, est saisi par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou d'un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet. (...) ".

7. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

8. En vertu des dispositions de l'article 14 du décret du 4 juillet 1972 susvisé relatif au statut particulier des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré, le pouvoir de saisir la commission administrative paritaire académique siégeant en conseil de discipline est délégué au recteur d'académie. Si le rapport de saisine de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline, comportant l'entête du rectorat de Dijon, ne comporte aucune signature, dans les circonstances de l'espèce, la saisine du conseil de discipline par ce rapport non signé, alors au demeurant que ni l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne prescrivent que ce rapport, qui constitue un simple document préparatoire à la décision de l'autorité disciplinaire, comporte une signature, ne peut être regardée comme ayant privé M. A... d'une garantie ni comme ayant pu exercer une influence sur le sens de la décision prise, dès lors qu'il ressort des mentions du procès-verbal du conseil précité et des autres pièces du dossier que M. A... a été mis en mesure de se défendre sur l'ensemble des griefs formulés à son encontre.

9. En second lieu, il résulte de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public alors en vigueur que les décisions qui infligent une sanction doivent être motivées. La décision en litige mentionne les considérations de droit et de fait sur lesquelles la mise à la retraite d'office de M. A... à titre de sanction disciplinaire est fondée. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit donc être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale et fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté du 17 juillet 2013 infligeant à M. A... la sanction de la mise à la retraite d'office.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais liés au litige exposés par M. A....

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1302363 du 21 mars 2014 du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. A... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2018.

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N° 18LY02749


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02749
Date de la décision : 10/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions. Erreur manifeste d'appréciation.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : ADIDA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-10;18ly02749 ?
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