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10/12/2018 | FRANCE | N°17LY01600

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 10 décembre 2018, 17LY01600


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler les décisions du 9 juillet 2014 et du 8 janvier 2015 par lesquelles, respectivement, le général de corps d'armée, commandant la légion de gendarmerie de Rhône-Alpes et la commission des recours des militaires ont rejeté sa réclamation indemnitaire préalable ;

- de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 272 023,46 euros en réparation de son préjudice matérie

l, outre intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1407001 du 8 février 2017, le tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler les décisions du 9 juillet 2014 et du 8 janvier 2015 par lesquelles, respectivement, le général de corps d'armée, commandant la légion de gendarmerie de Rhône-Alpes et la commission des recours des militaires ont rejeté sa réclamation indemnitaire préalable ;

- de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 272 023,46 euros en réparation de son préjudice matériel, outre intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1407001 du 8 février 2017, le tribunal administratif de Lyon a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 9 juillet 2014, annulé la décision du 8 janvier 2015 par laquelle la commission des recours des militaires a rejeté la réclamation préalable de M. B... et condamné l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros, tous intérêts compris au jour du jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 avril 2017, M. B..., représenté par Me Conti, avocat, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 février 2017 en tant qu'il a limité à 5 000 euros, tous intérêts compris au jour du jugement, la somme qu'il a condamné l'Etat à lui verser en réparation de son préjudice ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes, augmentée des intérêts de droit, de :

- 15 000 euros en réparation de son préjudice moral du fait de l'illégalité de décisions de l'administration le concernant ;

- 15 000 euros en réparation de son préjudice moral du fait du harcèlement moral subi ;

- 272 023,46 euros en réparation de son préjudice matériel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761 -1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont statué infra petita en ne se prononçant pas, dans le dispositif, sur le surplus des conclusions indemnitaires relatives au harcèlement moral ;

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est entaché d'une contradiction entre les motifs et le dispositif ;

- la responsabilité pour faute de l'administration est engagée en raison du harcèlement moral qu'il a subi ;

- l'existence d'un préjudice résultant de l'illégalité des décisions des 14 février 1996 et 29 septembre 1999 est établie dans la mesure où il remplissait les conditions d'obtention du certificat d'aptitude technique, comme l'atteste sa réussite à la session d'examen de 2006 ;

- il a subi un préjudice matériel découlant, de manière directe et certaine, de la succession de décisions de mise à l'écart du service dont il a fait l'objet.

Par un mémoire enregistré le 10 juillet 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice moral subi à hauteur de 15 000 euros du fait de l'illégalité des différentes décisions et du harcèlement moral également à hauteur de 15 000 euros, sont nouvelles en appel et donc irrecevables ;

- aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, rapporteur,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., sous-officier de la gendarmerie nationale depuis 1991, a par courrier du 5 mai 2014 adressé au commandant de la légion de gendarmerie de Rhône-Alpes, demandé l'indemnisation de son préjudice moral et matériel résultant de l'illégalité de plusieurs décisions de l'administration le concernant et du harcèlement moral dont il soutient être victime. Sa demande a été implicitement rejetée le 9 juillet 2014 et le 8 janvier 2015, après avis de la commission des recours des militaires. Par un jugement du 8 février 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 8 janvier 2015 et condamné l'Etat à verser à M. B... une somme de 5 000 euros, tous intérêts compris au jour du jugement, au titre de son préjudice moral résultant de l'illégalité des décisions du 30 décembre 2009 et du 11 juin 2010 rejetant les recours contre les décisions le plaçant et le maintenant en congé de longue durée. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité à la somme de 5 000 euros la condamnation prononcée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, M. B...avait demandé au tribunal administratif de Lyon la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice moral. Par suite, le tribunal administratif de Lyon, en condamnant l'Etat à verser au requérant 5 000 euros au titre du préjudice moral subi en raison de l'illégalité de certaines décisions, n'a pas statué infra petita.

3. En second lieu, le tribunal administratif a écarté, dans les motifs de son jugement, toute responsabilité pour faute de l'administration en raison de l'existence d'un harcèlement moral dont aurait été victime le requérant qui n'apportait aucun élément de fait susceptible de faire présumer l'existence d'une telle situation. Dans son dispositif, ce jugement condamne l'Etat à indemniser M. B... au titre de son préjudice moral sur le seul fondement de la faute issue de l'illégalité de deux décisions prises à son encontre. Ainsi, le jugement n'est entaché d'aucune contradiction entre ses motifs et son dispositif.

Au fond :

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que deux refus opposés à M. B..., le 14 février 1996 et le 29 septembre 1999, de lui délivrer le certificat d'aptitude technique et de l'autoriser à continuer de préparer ce certificat, ont été annulés pour avoir été pris en application d'une instruction émanant d'une autorité incompétente. L'intéressé n'a obtenu ce certificat qu'en septembre 2006. Il ne résulte pas de l'instruction que ces décisions, illégales et donc fautives, lui ont fait perdre une chance d'obtenir plus tôt cette qualification. Dès lors, l'existence d'un préjudice qui en serait résulté pour lui n'est pas établie.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. B... a été placé en congé de longue durée pour maladie par des décisions des 30 décembre 2009 et 11 juin 2010, qui ont été annulées par le tribunal administratif de Besançon au motif qu'elles avaient été prises sur la base de considérations étrangères à son état de santé et dans le but de l'écarter du service. L'administration a ainsi commis des fautes de nature à engager sa responsabilité. Toutefois, l'existence d'un préjudice matériel qui serait résulté pour l'intéressé de ces décisions n'est pas établie. Dans les circonstances de l'espèce, le tribunal administratif a fait une juste évaluation de son préjudice moral en le fixant à la somme de 5 000 euros.

6. Enfin, aux termes de l'article L. 4123-10-2 du code de la défense : " Aucun militaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un militaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral mentionnés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ou militaire ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus "

7. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

8. Si M. B... fait valoir qu'il a fait l'objet de plusieurs décisions illégales l'ayant écarté du service pendant plusieurs années, cette seule circonstance ne permet pas de caractériser un harcèlement moral de la part de l'administration. S'il se prévaut de l'illégalité du refus de sa demande de protection fonctionnelle, il n'apporte aucun élément de nature à établir cette illégalité. La circonstance que l'ensemble de ses recours administratifs ont fait l'objet d'un rejet ne permet pas non plus d'établir qu'il serait victime de harcèlement moral. Par suite, et alors qu'il n'est apporté aucun élément concret relatif aux conséquences de ces décisions sur sa carrière et ses conditions de travail, M. B... ne peut être regardé comme apportant des éléments suffisants de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée à la requête par le ministre de l'intérieur, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a limité l'indemnité qui lui est due par l'Etat à la somme de 5 000 euros, tous intérêts compris.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme au titre des frais exposés par M. B... à l'occasion du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2018.

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N° 17LY01600


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01600
Date de la décision : 10/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36 Fonctionnaires et agents publics.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CONTI (AARPI CL AVOCATS)

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-10;17ly01600 ?
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