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10/12/2018 | FRANCE | N°16LY02763

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 10 décembre 2018, 16LY02763


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- de déclarer inexistant l'arrêté du 18 avril 2008 du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et l'aménagement du territoire et du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, portant nomination de M. C...B...en qualité de directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement de la région Rhône-Alpes à compter du 2 mai 2008, et entraînant par voie de conséquence son éviction dudit emp

loi ;

- de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 1 219 603 euros, outre i...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- de déclarer inexistant l'arrêté du 18 avril 2008 du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et l'aménagement du territoire et du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, portant nomination de M. C...B...en qualité de directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement de la région Rhône-Alpes à compter du 2 mai 2008, et entraînant par voie de conséquence son éviction dudit emploi ;

- de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 1 219 603 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation, en raison de son éviction illégale.

Par un jugement n° 1302859 du 18 mai 2016, le tribunal administratif de Lyon a :

- déclaré nul et de nul effet l'arrêté du 18 avril 2008 portant nomination de M. C...B...en qualité de directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement de la région Rhône-Alpes à compter du 2 mai 2008 ;

- condamné l'Etat à verser à M. A... une indemnité de 2 500 euros outre intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2016, et un mémoire, enregistré le 18 décembre 2017, présentés pour M. A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1302859 du 18 mai 2016 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a limité à la somme de 2 500 euros l'indemnité mise à la charge de l'Etat ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité totale de 1 020 564 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2012 et capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a considéré le tribunal administratif, il a bien fait l'objet d'une sanction disciplinaire déguisée ;

- les diverses mesures prises à son encontre sont constitutives d'un détournement de pouvoir ;

- l'Etat a commis plusieurs fautes dans la gestion de sa carrière en prenant une décision d'affectation constitutive d'une nomination pour ordre de M. B..., en omettant pendant plusieurs mois de le réaffecter, puis en l'affectant sur un poste de chargé de mission et en ne lui confiant qu'un faible nombre de missions durant plusieurs années, en freinant sa carrière et en prenant des mesures ayant eu pour effet une diminution progressive de sa rémunération ; ces différentes mesures, prises individuellement et dans leur ensemble, sont constitutives de fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat à son égard ;

- il a fait l'objet de harcèlement moral ;

- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté l'indemnisation de son préjudice de carrière, de retraite et ses troubles dans ses conditions d'existence et qu'ils ont limité l'indemnisation de son préjudice moral à la somme de 2 500 euros.

Par ordonnance du 28 août 2017 la clôture de l'instruction a été fixée au 30 octobre 2017 puis, par ordonnance du 6 novembre 2017, reportée au 18 décembre 2017.

Par un mémoire enregistré le 30 octobre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de la cohésion des territoires concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

-les observations de Me Royaux, avocat de M. A... ;

Une note en délibéré, présentée pour M. A..., a été enregistrée le 20 novembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 18 avril 2008 du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, M. B..., ingénieur général des mines, a été nommé, à compter du 2 mai 2008, directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) de la région Rhône-Alpes, poste jusqu'alors occupé depuis le 17 janvier 2005 par M. A..., alors ingénieur en chef du génie rural, des eaux et des forêts, avant son reclassement en 2009 dans le grade d'ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts. M. A..., qui avait demandé, par des courriers du 20 juin 2008 adressés au ministre chargé de l'industrie et au ministre chargé de l'environnement, le retrait de cet arrêté de nomination qui avait eu pour effet d'entraîner la cessation de ses fonctions, a, par un arrêté du 22 décembre 2008, mettant fin à son détachement auprès du ministre chargé de l'économie, été réintégré dans son corps d'origine à compter du 1er novembre 2008 et affecté à la mission d'inspection générale territoriale (MIGT) de Rhône-Alpes, au sein du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD). Après le rejet de ses demandes tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de la fin de ses fonctions en qualité de DRIRE et à sa nomination sur un poste de niveau équivalent ou supérieur, M. A... a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à la constatation de l'inexistence de l'arrêté du 18 avril 2008 portant nomination de M. B...et à la condamnation de l'État à lui verser la somme de 1 093 378 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de son éviction illégale ainsi que du fait d'autres fautes imputées à l'Etat dans la gestion de sa carrière après cette éviction. M. A... interjette appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 mai 2016 en tant qu'après avoir déclaré nul et de nul effet l'arrêté du 18 avril 2008 portant nomination de M. B... en qualité de directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement de la région Rhône-Alpes à compter du 2 mai 2008, ledit jugement a limité à la somme de 2 500 euros l'indemnité mise à la charge de l'Etat en réparation de son seul préjudice moral subi en conséquence, d'une part, d'une faute résultant de l'irrégularité grave et flagrante qui avait affecté l'arrêté de nomination de M. B... et, d'autre part, d'une autre faute résultant des conditions d'emploi de M. A... par la suite.

Sur les fautes :

2. En premier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la décision par laquelle M. B... a été nommé, à compter du 2 mai 2008, en qualité de directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement de la région Rhône-Alpes, qui a eu pour effet d'entraîner la cessation des fonctions jusqu'alors occupées par M. A..., qui affirme qu'elle est intervenue à la suite d'une motion syndicale faisant état de difficultés de management interne, présentait un caractère disciplinaire, eu égard aux circonstances dans lesquelles elle est intervenue, notamment en l'absence de volonté de l'administration de sanctionner un comportement fautif de l'intéressé, et à l'incidence de cette décision sur sa situation professionnelle et matérielle. Il n'en résulte pas davantage que présentait un tel caractère la nomination au sein du conseil général de l'environnement et du développement durable de M. A..., qui ne méconnaissait pas les droits qu'il détenait de son statut d'ingénieur en chef du génie rural, des eaux et des forêts, n'avait modifié ni sa rémunération ni sa résidence administrative et impliquait l'exercice de tâches de conseil, d'expertise, d'inspection d'audit et d'évaluation, en dépit de la circonstance que les fonctions exercées à ce titre ne comportaient pas de fonctions d'encadrement. Dès lors le moyen tiré de ce que ces décisions constitueraient une sanction disciplinaire déguisée ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que les agissements de l'administration à l'encontre de M. A... auraient présenté le caractère d'un harcèlement moral, au sens des dispositions de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée portant droits et obligations des fonctionnaires, doit être écarté pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter. Doit être également écarté, pour les mêmes motifs, le moyen tiré d'un détournement de pouvoir.

Sur les préjudices :

4. En premier lieu, ainsi que l'ont constaté les premiers juges, les conditions dans lesquelles M. A... avait été remplacé dans son poste étaient affectées d'une illégalité et avaient porté atteinte à l'honneur de cet agent qui avait fait montre de qualités professionnelles et éthiques confirmées par les nombreuses attestations produites émanant notamment des préfets de région avec qui il avait travaillé. En outre, ainsi qu'il a également été constaté par le tribunal, pendant les six mois qui avaient suivi la nomination de M. B...au poste de directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement de la région Rhône-Alpes, aucune activité n'avait été proposée à M. A... et, du 1er novembre 2008 à la fin de l'année 2012, ne lui avaient été confiées que des tâches limitées.

5. La décision de nomination en cause ainsi que le comportement de l'administration à l'égard de M. A... sont constitutifs de fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat et ont occasionné à ce dernier un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence dont les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante en lui allouant une indemnité d'un montant de 2 500 euros, mise à la charge de l'Etat.

6. En second lieu, M. A... demande également la réparation de préjudices de carrière, de rémunération et de retraite. Toutefois, d'une part, alors qu'il résulte des documents élaborés par le requérant lui-même, et en particulier du tableau intitulé " annexe C " qu'il produit, que, parmi les agents exerçant en 2008 les mêmes fonctions de directeurs régionaux et titulaires du même grade d'ingénieur en chef du génie rural, des eaux et des forêts, plusieurs n'ont été promus au grade d'ingénieur général qu'au cours des années 2014 à 2016, alors que M. A... a été promu à ce grade au cours de l'année 2017, ce dernier n'établit pas avoir été privé, du fait du comportement de l'administration à son égard, d'une chance sérieuse de bénéficier d'un avancement à ce grade plus tôt. D'autre part, la seule circonstance que M. B... avait été nommé dans des conditions irrégulières sur le poste non vacant de directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement de la région Rhône-Alpes qu'occupait alors M. A... n'est pas de nature à établir que ce dernier avait été privé, de ce fait, d'une chance sérieuse d'être nommé directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Rhône-Alpes lors de la création des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement au cours de l'année 2009. Par suite, M. A... n'est pas fondé à réclamer l'indemnisation des préjudices de carrière, de rémunération et de retraite qu'il prétend avoir subis en conséquence de la perte d'une chance sérieuse, d'une part, d'obtenir un avancement au grade d'ingénieur général plus précoce et, d'autre part, d'être nommé directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Rhône-Alpes.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a limité à la somme de 2 500 euros l'indemnité mise à la charge de l'Etat. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2018.

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N° 16LY02763

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02763
Date de la décision : 10/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04 Responsabilité de la puissance publique. Réparation.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP DEYGAS-PERRACHON et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-10;16ly02763 ?
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