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06/12/2018 | FRANCE | N°18LY01816

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 06 décembre 2018, 18LY01816


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2018 du préfet de l'Isère portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de deux ans et désignation du pays de renvoi.

Par un jugement n° 1800514 du 5 avril 2018, le tribunal a, d'une part, annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français, interdiction de circuler sur le

territoire français pendant deux ans et désignation du pays de renvoi contenues dan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2018 du préfet de l'Isère portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de deux ans et désignation du pays de renvoi.

Par un jugement n° 1800514 du 5 avril 2018, le tribunal a, d'une part, annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français, interdiction de circuler sur le territoire français pendant deux ans et désignation du pays de renvoi contenues dans cet arrêté et enjoint au préfet de l'Isère de statuer de nouveau sur le cas de M. B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

I. Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 mai et 24 août 2018 sous le n° 18LY01816, le préfet de l'Isère demande a à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français, interdiction de circuler sur le territoire français pendant deux ans et désignation du pays de renvoi contenues dans son arrêté du 11 janvier 2018 et lui a enjoint de statuer de nouveau sur le cas de M. B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour ;

2°) de rejeter la demande de M.B....

Il soutient que :

- il n'est pas forclos ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la présence en France et dans l'espace Schengen de M. B...constitue une menace grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société compte tenu du caractère répété et grave des infractions qu'il a commises en Espagne et en France ;

- rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale soit reconstituée hors de France.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 juillet 2018, M.B..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :

- le préfet est forclos ;

- il s'est fondé sur un motif entaché d'inexactitude matérielle ;

- en tout état de cause, son comportement ne constitue pas du point de vue de l'ordre public une menace grave et actuelle à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société au sens des dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet n'a pas pris en compte sa situation personnelle et familiale.

Par une décision du 4 juillet 2018, M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 juin et 24 août 2018 sous le n° 18LY02101, le préfet de l'Isère demande à la cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement n° 1800514 du 5 avril 2018 du tribunal administratif de Grenoble.

Il soutient que :

- il n'est pas forclos ;

- le moyen qu'il invoque est sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué ainsi que le rejet de la demande de première instance ; en effet, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la présence en France et dans l'espace Schengen de M. B...constitue une menace grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société compte tenu du caractère répété et grave des infractions qu'il a commises en Espagne et en France ;

- rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale soit reconstituée hors du territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 juillet 2018, M.B..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :

- le préfet est forclos ;

- les moyens invoqués ne sont pas sérieux.

Par une décision du 4 juillet 2018, M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu :

- les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Michel ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'une même décision.

2. M.B..., ressortissant croate, a déclaré être entré en France une première fois le 27 décembre 2008 après avoir vécu avec son épouse et leurs deux premiers enfants en Espagne de 2005 à 2008. Après l'exécution le 11 février 2009 d'un arrêté de reconduite à la frontière, il est de nouveau entré sur le territoire à une date indéterminée. Le 6 juillet 2015, il s'est présenté personnellement à la préfecture de l'Isère pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de ses liens privés et familiaux. Par un arrêté du 11 janvier 2018, le préfet a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et a décidé de lui interdire de circuler sur ce territoire pendant deux ans. Par un jugement du 5 avril 2018, le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français, interdiction de circuler sur le territoire français pendant deux ans et désignation du pays de renvoi contenues dans cet arrêté et enjoint au préfet de l'Isère de statuer de nouveau sur le cas de M. B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande. Par sa requête n° 18LY01816, le préfet de l'Isère relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français, interdiction de circuler sur le territoire français pendant deux ans et désignation du pays de renvoi contenues dans son arrêté et par sa requête n° 18LY02101, il demande qu'il soit sursis à son exécution.

Sur la fin de non recevoir opposée par M.B... :

3. Aux termes de l'article R. 751-4-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : " Par dérogation aux articles R. 751-2, R. 751-3 et R. 751-4, la décision peut être notifiée par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 aux parties qui sont inscrites dans cette application ou du téléservice mentionné à l'article R. 414-6 aux parties qui en ont accepté l'usage pour l'instance considérée. / Ces parties sont réputées avoir reçu la notification à la date de première consultation de la décision, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de huit jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties sont alertées de la notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par elles (...) ".

4. L'article R. 776-9 du code de justice administrative prévoit que dans le contentieux des obligations de quitter le territoire, le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée.

5. Il ressort des pièces des dossiers que le jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 avril 2018 a été mis à disposition du préfet de l'Isère le 12 avril 2018 par voie électronique, au moyen de l'application Télérecours. Le jugement a été consulté pour la première fois par le service de la préfecture de l'Isère le 19 avril 2018, comme l'atteste l'accusé de réception par Télérecours, émis à cette occasion. Le délai de recours d'un mois expirait le 20 mai 2018. Les requêtes du préfet de l'Isère, enregistrées le 18 mai 2018, ne sont donc pas tardives. La fin de non recevoir opposée par M. B...doit par suite être écartée.

Sur la requête n° 18LY01816 :

6. Aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) 3° (...) que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. /L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine (...) ". Aux termes de l'article L. 511-3-2 du même code : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l'article L. 511-3-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans (...) ".

7. Il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

8. Pour obliger M. B...à quitter le territoire français au visa de ces dispositions, le préfet de l'Isère s'est fondé sur la circonstance qu'il avait été condamné le 18 juin 2010 par le tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse à un mois d'emprisonnement avec sursis pour refus, par le conducteur d'un véhicule automobile, d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, commis le 27 février 2010, et le 31 octobre 2014 par le tribunal correctionnel de Lyon à deux ans d'emprisonnement pour des faits de vol en réunion et par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt, commis en décembre 2013, et qu'il avait, en outre, été expulsé d'Espagne en 2008 avec une interdiction de séjourner dans l'espace Schengen jusqu'au 28 février 2018 en substitution à une peine d'emprisonnement de dix ans pour vol avec violences. Par ailleurs, si l'intéressé bénéficiait depuis le 2 octobre 2017 d'un contrat de travail, la stabilisation de sa situation professionnelle était très récente à la date de l'arrêté litigieux et il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait être reconstituée dans un autre pays, en dépit de la nationalité macédonienne de l'épouse de M. B... et de sa situation régulière sur le territoire français. Compte tenu de la gravité des faits reprochés à M. B...et de leur réitération, son comportement représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, du point de vue de l'ordre public, à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société française. Par suite, en l'absence d'erreur d'appréciation, le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, les décisions prises sur son fondement faisant interdiction à M. B...de circuler sur le territoire français pendant un délai de deux ans.

9. Toutefois il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Grenoble.

10. Eu égard à ce qui a été dit au point 8et en l'absence d'obstacle à ce que les enfants de M. B...poursuivent leur scolarité dans un autre pays, le préfet de l'Isère, en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

11. Il résulte également des énonciations des points 8 et 10 que le préfet de l'Isère, en prenant une décision d'interdiction de circulation sur le territoire français à l'encontre de M. B..., n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile, ni commis une erreur de fait ou une erreur d'appréciation au regard de ces mêmes dispositions.

12. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français, interdiction de circuler sur le territoire français pendant deux ans et désignation du pays de renvoi contenues dans son arrêté du 11 janvier 2018 et lui a enjoint de statuer de nouveau sur le cas de M. B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

Sur la requête n° 18LY02101 :

14. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 1800514 du tribunal administratif de Grenoble du 5 avril 2018, les conclusions de la requête n° 18LY02101 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont ainsi privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18LY02101.

Article 2 : Le jugement n° 1800514 du 5 avril 2018 du tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a statué sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français, interdiction de circuler sur le territoire français pendant deux ans et désignation du pays de renvoi, contenues dans l'arrêté du 11 janvier 2018 du préfet de l'Isère, et a enjoint à cette autorité de statuer à nouveau sur le cas de M. B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour, est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée dans cette mesure.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. B...au titre des frais du litige sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 décembre 2018.

2

Nos 18LY01816, 18LY02101


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01816
Date de la décision : 06/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-06;18ly01816 ?
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