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06/12/2018 | FRANCE | N°16LY00543

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 06 décembre 2018, 16LY00543


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G...I...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 7 mai 2013 par lequel le ministre de la justice a nommé Mme C...D...huissière de justice à la résidence de Lyon en remplacement de la SELARL Gilbert I...et a fixé le droit de cession à 145 000 euros.

Par un jugement n° 1305107 du 16 décembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande présentée par M.I....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 février 2016, et un m

moire complémentaire enregistré le 29 mars 2017, M.I..., représenté par MeA..., demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G...I...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 7 mai 2013 par lequel le ministre de la justice a nommé Mme C...D...huissière de justice à la résidence de Lyon en remplacement de la SELARL Gilbert I...et a fixé le droit de cession à 145 000 euros.

Par un jugement n° 1305107 du 16 décembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande présentée par M.I....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 février 2016, et un mémoire complémentaire enregistré le 29 mars 2017, M.I..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 décembre 2015 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 mai 2013 par lequel le ministre de la justice a nommé la SELARL Mme C...D...huissière de justice à la résidence de Lyon en remplacement de la SELARL Gilbert I...et a fixé le droit de cession à la somme de 145 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté critiqué dès lors que la Cour de cassation estime que la destitution de l'office public et ministériel a pour seul effet de faire perdre à celui-ci son droit de présenter un successeur ; il ne peut être privé de son droit sur la valeur de l'office ; l'indemnité mise par le ministre de la justice à la charge du successeur fait partie du patrimoine du notaire destitué ; l'arrêté lui fait grief dès lors que l'indemnité fixée à 145 000 euros ne représente pas la valeur de l'étude ; la chancellerie qui valide un traité de cession et établit l'arrêté de nomination vérifie au vu des délibérations des chambres régionales des huissiers de justice que le prix de cession correspondant à des critères définis par la chambre nationale des huissiers de justice et que le candidat est à même de pouvoir assumer le remboursement du prêt pour l'acquisition de l'office ;

- sur l'illégalité externe de la décision : l'arrêté a méconnu l'article 25 et 26 du décret n° 75-770 du 14 août 1975 relatif aux conditions d'accès à la profession d'huissier de justice ainsi qu'aux modalités des créations, transferts et suppressions d'offices d'huissier de justice et la circulaire relative à la constitution des dossiers de cessions des offices publics et/ou ministériels compte tenu de ce que le ministre de la justice n'établit pas que les procédures prescrites pour la nomination d'un huissier de justice ont été respectées ; l'avis motivé de la chambre départementale des huissiers de justice, de la chambre régionale des huissiers de justice ainsi que celui du procureur général près la cour d'appel de Lyon n'ont pas été communiqués ; les procédures en cause constituent pour les huissiers et les justiciables une garantie du bon fonctionnement et de l'honorabilité du service public de la justice ; il n'a pas bénéficié de garantie équivalente ; l'avis de la chambre départementale des huissiers de justice produit par le ministre de la justice n'est pas signé par le président de ladite chambre et dès lors cet avis est irrégulier ;

- sur l'illégalité interne de la décision : il résulte des dispositions de l'article L. 642-3 du code du commerce que le cessionnaire ou le repreneur d'une entreprise en liquidation judiciaire doit obligatoirement avoir la qualité de tiers à ladite entreprise ; la Cour de cassation a jugé que le fait d'avoir été nommé par l'autorité judiciaire et d'avoir agi sous le contrôle des instances professionnelles ne fait pas échapper l'administrateur provisoire d'une société civile professionnelle d'huissiers à l'exclusion résultant de l'article L. 642-3 du code précité ; Mme D... a été nommée, par jugement du tribunal de grande instance de Lyon, administrateur et ne pouvait être nommée cessionnaire de l'étude après une période d'administration de plus d'un an ; le ministre de la justice ne peut se prévaloir de l'exception visée par l'alinéa 2 de l'article L. 642-3 du code du commerce dès lors que rien en permet d'établir que ces trois conditions ont été respectées ; seul le ministre de la justice avait le pouvoir de relever l'irrégularité de la procédure de nomination de Mme D...au titre de la méconnaissance de l'article L. 642-3 du code précité ; cette illégalité du jugement n'a pas été portée à la connaissance du ministre de la justice puisque l'avis du procureur de la République ne lui a pas été communiqué et l'arrêté valide une nomination illégale ;

- l'arrêté de nomination emporte fixation du droit de présentation attaché à la SELARL d'huissier de justice et la cession des matériels et mobiliers de l'étude au profit de Mme D...pour la somme de 145 000 euros ; cette évaluation repose sur des faits matériellement inexacts et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de la valeur réelle de l'étude et des critères du prix de cession tels qu'établis par la chancellerie ;

- la décision est entachée d'un détournement de pouvoir visant à favoriser la nomination de MmeD... ;

Par un mémoire enregistré le 1er juillet 2016, MmeD..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. I... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté fait suite au jugement du 30 janvier 2013, devenu définitif, par lequel le tribunal de grande instance de Lyon a autorisé la cession du droit de présentation attaché à la SELARL et la cession des matériels et mobiliers de cette étude au profit de MmeD... ;

- l'arrêté attaqué ne concerne pas l'aspect patrimonial ; il est intervenu en application du décret n° 75-770 du 14 août 1975 relatif aux conditions d'accès à la profession d'huissier de justice ; l'intéressé invoque un intérêt purement patrimonial et par suite il ne justifie d'aucun intérêt à agir contre son arrêté de nomination ;

- c'est à tort que le requérant soutient qu'il a été privé de garanties imposées par le décret du 4 août 1975 lors de la procédure suivie devant le tribunal de grande instance ; le président de la chambre départementale des huissiers de justice a été entendu et le parquet a également conclu sur l'offre ;

- M. I...ne peut se prévaloir contre l'arrêté de l'article L. 642-3 du code du commerce ;

- la décision attaquée ne fixe pas le prix du droit de présentation qui résulte de la décision du tribunal de grande instance du 30 janvier 2013, devenue définitive ;

- le moyen tiré du détournement de pouvoir est insuffisamment développé ;

Par mémoire enregistré le 12 août 2016, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la chambre départementale des huissiers de justice du Rhône a été consultée par le procureur général près la cour d'appel de Lyon ainsi qu'en atteste le procès-verbal de séance du 12 mars 2013 ; le procureur général près la cour d'appel de Lyon a bien transmis son rapport motivé daté du 29 mars 2013 aux services de la chancellerie ;

- le requérant, qui n'a pas exercé de pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 30 janvier 2014, à ce jour définitif, tente d'utiliser la procédure en annulation de l'arrêté de nomination de la garde des sceaux comme une voie de recours détournée à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 30 janvier 2014 ; à titre superfétatoire, les dispositions de l'article L. 642-3 du code de commerce ont été respectées ;

- l'arrêté de nomination ne fixe pas de prix de cession du droit de présentation ; les moyens relatifs à ce prix sont inopérants ; en tout état de cause, il n'est pas possible de s'appuyer sur les déclarations fiscales dont le requérant se prévaut compte tenu des faits d'abus de confiance commis par l'intéressé ;

- l'arrêté n'est pas entaché de détournement de pouvoir ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du commerce ;

- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales ;

- le décret n° 75-770 du 14 août 1975 relatif aux conditions d'accès à la profession d'huissier ainsi qu'à la localisation des offices d'huissiers ;

- le décret n° 92-1448 du 30 décembre 1992 pris pour l'application à la profession d'huissier de justice de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Cadet (Scp Maurice-Riva-Vacheron), avocat de Mme D....

1. Considérant que M. G...I...était titulaire de la charge d'huissier de justice à Lyon au sein de la SELARL GilbertI... ; que, le 10 mars 2012, M. I...a été mis en examen des chefs d'abus de confiance par un officier public ou ministériel, altération frauduleuse de la vérité dans un écrit et usage de faux et placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercice de la profession d'huissier de justice ; que, par jugement du 22 mars 2012, le tribunal de grande instance de Lyon a prononcé la suspension provisoire de M. I... de l'exercice de ses fonctions d'huissier de justice et a désigné MeF..., Me H... et MmeD..., clerc de l'étude, comme administrateurs provisoires de la SELARL GilbertI... ; que, par jugement du 14 mai 2012, le tribunal de grande instance de Lyon a prononcé la destitution de M. I...et la dissolution de plein droit de la SELARL d'huissier de justice et ordonné la liquidation de la société ; que, par jugement du 14 novembre 2012, le tribunal de grande instance de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire simplifiée de la SELARL Huissier de justice Gilbert I...et a fixé au 13 mai 2011 la date de cessation des paiements ; que, par jugement du 30 janvier 2013, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Lyon du 30 janvier 2014, la chambre des procédures collectives du tribunal de grande instance de Lyon a autorisé la cession du droit de présentation attaché à la société au profit de Mme C... D...pour la somme de 145 000 euros et fixé la date d'entrée en jouissance au jour de l'agrément du ministre de la justice ; que, par acte sous seing privé du 20 février 2013, la SELARL Romy D...a été constituée et par un second acte sous seing privé du 14 février 2013, MeE..., en qualité de mandataire judiciaire de la SELARLI..., a cédé à MmeD..., le droit de présentation au prix de 145 000 euros ; que, par arrêté du 7 mai 2013, le garde des sceaux, ministre de la justice, a nommé la SELARL Romy D...huissière de justice à la résidence de Lyon en remplacement de la SELARL GilbertI..., huissier de justice associé, dissoute, et a nommée huissière de justice associée Mme D...; que M. I...relève appel du jugement du 16 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 7 mai 2013 ;

Sur la légalité de l'arrêté du 7 mai 2013 :

2. Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, l'arrêté ministériel contesté nomme la SELARL RomyD..., huissière de justice à la résidence de Lyon, et Mme C...D...huissière de justice associée ; que ces nominations sont régies par les dispositions du décret du 30 décembre 1992 susvisé et non par celles du décret du 14 août 1975 ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret n° 92-1448 du 30 décembre 1992 : " La nomination d'une société d'exercice libéral dans un office d'huissier de justice et la nomination de chacun des associés qui exerceront au sein de la société sont prononcées par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, pris après les consultations prévues aux articles 7 et 8. / L'acceptation de la démission des huissiers de justice futurs associés, la suppression ou le transfert des offices dont ils sont titulaires, le transfert des minutes de ces offices ainsi que la création de l'office dont la société sera titulaire sont prononcés par le même arrêté. " ; qu'aux termes de l'article 7 du même décret : " Toute demande de nomination d'une société régie par le présent titre est présentée collectivement par les associés qui exerceront au sein de la société au garde des sceaux, ministre de la justice. / La demande est adressée au procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle est ou doit être fixé le siège de l'office dont la société sera titulaire. Elle est accompagnée de toutes pièces justificatives et notamment d'une attestation du greffier du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance statuant commercialement du lieu du siège social, constatant le dépôt au greffe de la demande et des pièces nécessaires à l'immatriculation ultérieure de la société au registre du commerce et des sociétés ainsi que, lorsqu'un ou plusieurs des futurs associés qui exerceront au sein de la société doit contracter un emprunt, du plan de financement prévoyant de manière détaillée les conditions dans lesquelles chacun d'eux entend faire face à ses échéances, d'un budget prévisionnel et de la liste des associés mentionnés au deuxième alinéa de l'article 5 de la loi du 31 décembre 1990 précitée, avec leur profession et la part de capital qu'ils détiennent. /Le procureur général saisit la chambre départementale d'huissiers de justice par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et l'invite à lui faire parvenir son avis motivé sur la demande. " ; qu'aux termes de l'article 8 de ce décret : " Huit jours au moins avant la date fixée pour sa délibération, la chambre départementale informe les intéressés qu'ils doivent soit par eux-mêmes, soit par un mandataire de leur choix présenter lors de cette délibération toutes explications orales ou écrites relatives à la constitution de la société dont il s'agit. /Si quarante-cinq jours après sa saisine, la chambre n'a pas adressé au procureur général l'avis qui lui a été demandé, cet avis est tenu pour favorable. /Après réception de l'avis demandé à la chambre ou après expiration du délai fixé par l'alinéa précédent, le procureur général transmet, avec son rapport, le dossier au garde des sceaux, ministre de la justice. " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la chambre départementale des huissiers de justice a, par délibération du 12 mars 2013, émis un avis favorable au projet de cession de la SELARL Gilbert I...au profit de MmeD... ; que, par lettre du 29 mars 2013, le procureur général près la cour d'appel de Lyon a transmis à la chancellerie son avis motivé quant à ce projet de cession en vue de l'agrément de la SELARL Romy D...et à la nomination de Mme D...comme associé de cette société ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du ministre de la justice n'aurait pas été précédé de l'avis de la chambre départementale des huissiers de justice et de l'avis du procureur de la République manque en fait ;

5. Considérant que si l'avis de la chambre départementale des huissiers de justice ne porte pas la signature de sa présidente, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire qu'une telle omission serait de nature à constituer un vice de forme ; que, par suite, l'avis de la chambre départementale des huissiers de justice, qui comporte le nom, le prénom du président et de son secrétaire, n'est pas irrégulier ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 642-3 du code du commerce : " Ni le débiteur, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les parents ou alliés jusqu'au deuxième degré inclusivement de ces dirigeants ou du débiteur personne physique, ni les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure ne sont admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre. De même, il est fait interdiction à ces personnes d'acquérir, dans les cinq années suivant la cession, tout ou partie des biens compris dans cette cession, directement ou indirectement, ainsi que d'acquérir des parts ou titres de capital de toute société ayant dans son patrimoine, directement ou indirectement, tout ou partie de ces biens, ainsi que des valeurs mobilières donnant accès, dans le même délai, au capital de cette société. /Toutefois, lorsqu'il s'agit d'une exploitation agricole, le tribunal peut déroger à ces interdictions et autoriser la cession à l'une des personnes visées au premier alinéa, à l'exception des contrôleurs et du débiteur au titre de l'un quelconque de ses patrimoines. Dans les autres cas et sous réserve des mêmes exceptions, le tribunal, sur requête du ministère public, peut autoriser la cession à l'une des personnes visées au premier alinéa par un jugement spécialement motivé, après avoir demandé l'avis des contrôleurs. Tout acte passé en violation du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l'acte. Lorsque l'acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci. " ;

7. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 642-3 du code du commerce sont relatives à la procédure de liquidation judiciaire devant être suivie devant le tribunal de grande instance en cas de cession de l'entreprise ; que cet article comporte des interdictions qui ont pour objectif de moraliser les reprises d'entreprise en interdisant au débiteur de reprendre directement ou indirectement les actifs de l'entreprise mise en liquidation judiciaire, sans en payer le passif ; que cet article autorise toutefois le tribunal à décider, dans certains cas, sur la requête du ministère public, la levée de toutes les interdictions que ses dispositions prévoient ; qu'ainsi l'éventuelle méconnaissance par le tribunal des conditions énoncées par l'article L. 642-3 du code du commerce est seulement susceptible d'être invoquée dans le cadre d'une contestation de la décision juridictionnelle rendue par ce tribunal, en faisant usage des voies de recours prévues par l'article L. 661-6 de ce code ; que si, par ailleurs, en vertu du dernier alinéa de l'article L. 642-3 du code de commerce, un acte de cession conclu en violation des interdictions posées par le premier alinéa du même article peut, le cas échéant, être annulé, il n'appartient pas pour autant au ministre de la justice, dans le cadre de la procédure d'agrément de l'article 5 du décret n° 92-1448 du 30 décembre 1992, de s'assurer du respect par le tribunal de grande instance des conditions de présentation des offres de reprise fixées par les dispositions de l'article L. 642-3 ; que, par suite, le requérant ne peut utilement soutenir que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance de l'article L. 642-3 du code du commerce ;

8. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 3 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 susvisée et des articles 5 à 8 du décret n° 92-1448 du 30 décembre 1992 susvisé, que la nomination d'une SELARL dans un office d'huissier de justice et la nomination de chacun des associés par arrêté du garde des sceaux résultent de ce que les associés de ces sociétés participent à l'exercice de l'autorité publique et à l'exécution du service public de la justice, et de ce que les huissiers de justice sont investis d'une mission d'intérêt public et ont ainsi la qualité d'officier ministériel nommé par le garde des sceaux, ministre de la justice ; qu'il appartient ainsi au ministre appelé à statuer sur une demande d'agrément d'un candidat à la succession d'une SELARL d'huissier de justice liquidée de contrôler si les conditions financières prévues par la chambre des procédures collectives du tribunal de grande instance de Lyon lors de la cession garantissent le bon fonctionnement du service public assuré par les officiers ministériels ; que le contrôle ainsi opéré par le ministre sur les conditions financières de la cession du droit de présentation attaché à la société et fixées par le tribunal de grande instance sous condition suspensive de l'agrément du ministre porte sur les possibilités financières des associés au regard des engagements contractés et sur le prix de cession arrêté ;

9. Considérant que M. I... fait valoir que l'arrêté repose sur des faits matériellement inexacts et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le chiffre d'affaires moyen de son étude, estimé par un cabinet indépendant, était de 800 000 euros, le nombre d'actes annuels réalisés étant de 5 000, et qu'en mars 2012 il pouvait se prévaloir de deux lettres d'intention de reprise de son étude pour un montant de 1 200 000 euros ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 29 mars 2013, le procureur général près la cour d'appel de Lyon a mentionné que " les instances professionnelles indiquent à juste titre que les coefficients habituels ne peuvent en aucun cas être retenus en raison de la liquidation judiciaire de la SELARL I...et de la disparition de l'essentiel de la clientèle après la mise en examen de M.I.... Par ailleurs, la comptabilité de l'étude étant totalement faussée depuis plus de quatre ans, aucun chiffre ne peut être sérieusement pris en compte " ; que, compte tenu de ces éléments et notamment du caractère non fiable de la comptabilité de la société, l'arrêté n'est entaché ni d'une erreur de fait ni d'une erreur manifeste d'appréciation ;

11. Considérant que le moyen tiré de ce que l'arrêté serait entaché d'un détournement de pouvoir visant à favoriser Mme D...n'est pas établi ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que M. I...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les frais liés au litige :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. I... demande à ce titre ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. I... la somme de 1 500 euros demandée par Mme D...sur ce même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. I... est rejetée.

Article 2 : M. I...versera la somme de 1 500 euros à Mme D...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... I..., au ministre de la justice et à Mme C...D....

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 décembre 2018.

6

N° 16LY00543


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00543
Date de la décision : 06/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-03-05-05 Professions, charges et offices. Conditions d'exercice des professions. Professions s'exerçant dans le cadre d'une charge ou d'un office. Huissiers.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-06;16ly00543 ?
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