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04/12/2018 | FRANCE | N°18LY00160

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2018, 18LY00160


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'ordonner qu'il soit procédé, avant dire droit, à une expertise afin de déterminer la valeur vénale au jour de la cession le 3 mars 2008 du terrain à bâtir situé sur la commune de Margentel et de prononcer la décharge, ou la réduction, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et des pénalités correspondantes qui leur ont été notifiées au titre des années 2008 et 2009.

Par un jugement nos

1504849-1504850 du 13 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a dit qu'il...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'ordonner qu'il soit procédé, avant dire droit, à une expertise afin de déterminer la valeur vénale au jour de la cession le 3 mars 2008 du terrain à bâtir situé sur la commune de Margentel et de prononcer la décharge, ou la réduction, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et des pénalités correspondantes qui leur ont été notifiées au titre des années 2008 et 2009.

Par un jugement nos 1504849-1504850 du 13 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme C..., à concurrence des dégrèvements en droits et pénalités des prélèvements sociaux prononcés par le directeur de contrôle fiscal Rhône-Alpes-Bourgogne au titre de l'année 2008, a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2018, M. et Mme C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 novembre 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de désigner un expert afin d'évaluer le terrain à bâtir cédé le 3 mars 2008 par la SAS Pierre C... à la SCI Molaiche dont ils sont associés ;

3°) de prononcer la décharge en droits et pénalités des impositions restant en litige ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme A... C... soutiennent reprendre à leur compte les moyens soulevés par la SAS Pierre C... dans le litige qui l'oppose au ministre de l'action et des comptes publics.

Ils soutiennent donc que :

- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la minoration du prix de cession de l'immeuble ; dans la perspective d'une solution transactionnelle, la société était prête à reconnaître l'insuffisance de prix ;

- les termes de comparaison retenus par le service ne sont pas pertinents ; la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a considéré que le service avait surévalué la valeur vénale réelle du terrain cédé en déterminant un prix de 100 euros par m² ; l'administration fiscale n'a pas tenu compte de la forte déclivité du terrain, du coût de la viabilisation et de sa localisation ;

- les termes de comparaison qu'elle propose, à partir de l'expertise qu'elle a fait réalisée, sont plus pertinents et démontre l'absence de minoration du prix de cession ;

- seule une expertise peut permettre de déterminer la valeur vénale du terrain en cause ;

- l'imposition entre leurs mains des distributions relatives aux avantages économiques réputés indus n'est pas fondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre expose qu'aucun des moyens soulevés par M et Mme C... n'est fondé.

Par une ordonnance du 16 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2018.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 29 octobre 2018, M. et Mme A... C... concluent aux mêmes fins que leur requête initiale par les mêmes moyens et réitèrent leur demande d'expertise en application des dispositions de l'article R. 621-1 du code de justice administrative avec pour mission de concilier les parties sur la valeur vénale du tènement immobilier situé sur la commune de Margencel et à défaut d'accord de déterminer avec précision la valeur vénale dudit tènement au jour de la cession litigieuse, soit le 3 mars 2008.

M. et Mme C... soutiennent, en outre, que :

- la société démontre que la valeur retenue par l'administration est surévaluée ; les comparables utilisés par le service sont erronés se rapportant à la zone du pré Biollat à Anthy ;

- la vente du 12 février 2010 sur la commune de Sciez permet de montrer que si l'on retranche le coût du bâti établi à la somme de 285 000 euros au montant de la cession de 375 000 euros le prix du terrain au m² s'élève à 12,66 euros soit bien en deçà de la valeur déterminée lors de la cession litigieuse.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. et Mme A... C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 13 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge des droits supplémentaires et des contributions sociales mises à leur charge au titre de l'année 2008 à raison de l'avantage occulte dont a bénéficié la SCI Molaiche dont ils détiennent 100 % du capital à l'occasion de la cession, à cette société de personnes n'ayant pas opté pour son imposition à l'impôt sur les sociétés, par la SAS Pierre C... dirigée par M. A... C..., d'un terrain à bâtir à vocation commerciale pour un prix payable au plus tard dans un délai de dix ans sans intérêt, cession regardée par l'administration fiscale comme consentie à prix minoré.

2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués... c) les rémunérations et avantages occultes ". En cas de vente d'un bien par une société à un prix que les parties ont délibérément minoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, sans que cet écart de prix ne comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité, constitutif d'un acte anormal de gestion commis par l'entreprise cédante et d'un avantage occulte perçu par le tiers bénéficiaire de la vente au sens des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts. Pour justifier le redressement entre les mains des bénéficiaires de cet avantage occulte sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, il appartient à l'administration fiscale d'établir l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix de vente convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part d'une intention, pour la société, d'octroyer et, pour le cocontractant, de recevoir un libéralité du fait des conditions de la cession. La preuve d'une telle libéralité doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, et l'intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le bénéficiaire, de recevoir une libéralité du fait des conditions de la cession. Dans le cas où le vendeur et l'acquéreur sont liés par une relation d'intérêts, l'intention d'octroyer et de recevoir une libéralité est présumée.

3. L'existence de cet écart de prix doit être appréciée par rapport à la valeur vénale de l'immeuble en cause établie à partir du prix de cession d'immeubles qui lui sont intrinsèquement similaires dans les conditions usuelles sur le marché considéré.

4. Suite à la vérification de comptabilité de la SAS Pierre C..., l'administration fiscale a redressé cette société à raison de l'acte anormal de gestion résultant du caractère minoré du prix de cession d'un terrain à bâtir à vocation commerciale situé sur la commune de Margencel, d'une surface de 8 925 m², pour un prix de 223 839 euros HT, soit 25,08 euros au m² , cédé par acte notarié le 3 mars 2008 à la SCI Molaiche. L'administration fiscale, estimant que la valeur vénale du bien était de 892 500 euros, soit un prix de 100 euros au m², et tirant les conséquences du redressement de la société cédante a imposé entre les mains des époux C... en leur qualité d'associés de la société de personnes acquéreur, les distributions correspondant à l'avantage occulte reçu par la SCI Molaiche à l'occasion de cette cession. Reconnaissant la minoration de prix, la SAS Pierre C... a proposé à l'administration fiscale une transaction aux fins de limiter son imposition supplémentaire à raison de cet acte anormal de gestion à hauteur de 50 % de l'évaluation faite par l'administration fiscale, tout en contestant les termes de comparaison retenus par le service conduisant à retenir une valeur vénale calculée à partir d'un prix au m² de 100 euros, que les contribuables soutiennent être exagérée en se prévalant des résultats d'une expertise du 10 avril 2017 réalisée à la demande de la SCI Molaiche.

5. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale établit l'existence d'un écart significatif entre le prix de vente convenu et la valeur vénale du bien cédé, déterminée à partir d'éléments de comparaison portant sur des biens similaires situés dans la même zone ou dans un périmètre proche présentant des caractéristiques comparables au terrain litigieux en termes, notamment, de superficie, de caractéristiques, de vocation et d'implantation en zone commerciale ainsi que d'accessibilité par le réseau routier. Pour démontrer l'existence d'un écart de prix significatif par rapport au prix du marché, l'administration fiscale s'est fondée sur des transactions comparables effectuées entre décembre 2005 et décembre 2006, concernant la cession de terrains à bâtir situés pour deux d'entre elles sur la commune d'Anthy sur Leman dans la zone dénommée Pré Biollat et pour la dernière dans la zone à proximité immédiate de la précédente, sur la zone de Pré Robert. Il s'agit de la cession, le 1er juin 2006, de deux parcelles de terrain à bâtir pour une surface de 8 127 m2 pour un prix de 850 000 euros hors taxe, soit 104,58 euros le m2, de la cession le 22 décembre 2005 d'un terrain à bâtir d'une superficie de 4 208 m2 destiné à la construction d'un immeuble à usage commercial, pour un prix de 446 048 euros hors taxe soit 106 euros le m2, et de la cession, le 21 décembre 2006 d'une parcelle de terre non bâtie d'une superficie de 8 389 m2 pour un prix de 900 000 euros soit 107 euros le m2. Il résulte de l'instruction que les communes d'Anthy sur Léman et de Margencel sont limitrophes et que les termes de comparaison retenus par l'administration se situent à moins de deux kilomètres du terrain objet de la cession en litige, à une distance équivalente de l'accès à la route départementale desservant l'ensemble de la zone, et ne bénéficient ni d'une meilleure desserte, ni d'une meilleure zone de chalandise que le terrain cédé. Au surplus, les cessions retenues par l'administration comme termes de comparaison pour déterminer la valeur vénale du terrain à bâtir sont antérieures à la transaction en litige alors que la tendance haussière du marché n'est pas contestée.

6. Si les appelants soutiennent que la valeur vénale à retenir ne peut excéder un prix de 50 euros le m2, ils s'appuient sur des termes de comparaison relatifs à des transactions effectuées entre 2007 et 2010, qui ne sont pas pertinents en tant qu'ils concernent une cession intervenue entre personnes publiques en décembre 2009 à un prix au m2 encore inférieur au prix de cession litigieux que la SAS Pierre C... a reconnu être minoré, la vente d'un terrain occupé et exploité par un agriculteur en mai 2007, la vente d'un terrain dans une zone située sur une autre commune dont il n'est pas contesté qu'il est moins bien desservi que le terrain à vocation commerciale cédé à la SCI Molaiche, situé à proximité d'une enseigne Buffalo Grill et de la zone commerciale de Pré Biollat, ou encore la vente sur une commune en février 2010 d'un immeuble bâti anciennement à usage commercial de bar, brasserie, restaurant, discothèque en mauvais état et destiné à être rénové, ou bien encore la cession en juillet 2012, de parcelles de terre situées en limite de la zone du pré Biollat à un prix de 39,15 euros le m2, consentie au bénéfice d'une commune limitrophe. Dès lors, la nature des biens cédés et/ou la personne des parties prenantes aux cessions auxquelles se réfèrent M. et Mme A... C... pour démontrer que le prix de cession du terrain à bâtir cédé en mars 2008 à la SCI Molaiche ne pouvait excéder un prix au m2 de 50 euros, rend ces termes de comparaison peu pertinents. les critiques formulées par les appelants à l'égard de l'évaluation retenue par l'administration, à partir des résultats de l'expertise non contradictoire réalisée à la demande de la SCI Molaiche, ne sont pas de nature à démontrer que l'évaluation par le service de la valeur vénale du terrain, qui retient un prix de 100 euros au m², serait exagérée.

7. Le rapport d'expertise du 10 avril 2017, produit par la société appelante, commandé par la SCI Molaiche bénéficiaire de la vente du terrain, pour revendiquer un prix de cession évalué à 39,87 euros au m2 n'est pas davantage pertinent, ce prix résultant d'une moyenne pondérée de cessions d'immeubles bâtis, intervenus entre 2012 et 2015 dans le département de la Haute-Savoie ou déterminé à partir des valeurs locatives de marché observées au 10 avril 2017, postérieures à la cession litigieuse et qui, s'agissant d'immeubles bâtis, ne sont nullement similaires au terrain à bâtir, objet du litige. S'ils soutiennent qu'il doit être tenu compte de trois facteurs déterminants propres au bien vendu, tenant à sa forte déclivité, au coût supporté pour sa viabilisation et à sa localisation sur la ZAC de Margencel et non sur la zone de Pré Biollat, il résulte de l'instruction que les travaux de viabilisation supportés par la SAS Pierre C... avant la cession du terrain ont permis de corriger sa forte déclivité, que le coût des travaux de viabilisation que la société aurait supporté pour un montant de 408 475 euros n'est pas établi, et que les aménagements réalisés sur le terrain avant la vente, et inscrits à l'actif de son bilan clos en 2008, ont été comptabilisé pour un montant limité à 84 901 euros. Enfin, l'évaluation par l'expert en 2017 de la valeur de l'ensemble immobilier construit par la SCI Molaiche postérieurement à la cession du terrain, comprenant un bâtiment à usage de bowling et de restaurant, évalué à la somme de 2 700 000 euros, pour un coût de construction de 2 344 578 euros sur la parcelle acquise le 3 mars 2008 ne saurait permettre de déduire la valeur vénale du terrain à bâtir au jour de sa cession par la SAS Pierre C.... Nonobstant l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il suit de là et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que M. et Mme C... n'apportent pas la preuve que l'administration a fait une évaluation exagérée de la valeur dudit terrain en en fixant le prix au m2 à 100 euros, compte tenu de ses caractéristiques et de sa situation.

8. L'administration fiscale apporte la preuve d'une intention commune de libéralité en faisant valoir les relations d'intérêt et d'affaires existant entre les contribuables qui appartiennent au même foyer fiscal, et les sociétés parties prenantes à la transaction litigieuse, la SCI Molaiche et la SAS Pierre C..., dont ils détiennent ensemble la totalité du capital et que dirige M. A... C..., seul maître de l'affaire. Par suite, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe de l'intention libérale dont M. et Mme C... ont, en parfaite connaissance de cause, bénéficié au titre de l'année 2008 à travers leur participation aux bénéfices de la SCI Molaiche, bénéficiaire de l'avantage occulte litigieux.

9. Il résulte de ce qui précède que M et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de leur demande. Par vois de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C... et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal de Rhône-Alpes-Bourgogne.

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente assesseure,

Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique le 4 décembre 2018.

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N° 18LY00160

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