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04/12/2018 | FRANCE | N°17LY01945

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2018, 17LY01945


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de la cotisation supplémentaire de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 dans les rôles de la commune de Saint-Hilaire-de-Brens et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1406790 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 mai 2017 et le 20 octobre 2017, M. et Mme C.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de la cotisation supplémentaire de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 dans les rôles de la commune de Saint-Hilaire-de-Brens et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1406790 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 mai 2017 et le 20 octobre 2017, M. et Mme C..., représentés par Me A... demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 mars 2017 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur résidence fiscale se trouve en Suisse depuis la fin de l'année 2017 ;

- le critère du centre de leurs intérêts vitaux prime sur le critère des intérêts économiques de l'article 4 B du code général des impôts, non pertinent pour établir leur domicile fiscal en France ;

- en présence d'un conflit de résidence fiscale, les termes de la convention, qui fait primer le critère du centre des intérêts vitaux sur le centre des intérêts économiques, doivent primer ;

- ils sont également fiscalement domiciliés en Suisse au regard de la convention franco-helvétique en dépit du fait qu'ils y sont imposés sur une base forfaitaire ;

- les autorités françaises et helvétiques ont en effet convenu que l'exclusion prévue par le b) du 6. de l'article 4 de la convention franco-helvétique ne trouvait pas à s'appliquer lorsque la base d'imposition fédérale était supérieure à cinq fois la valeur locative de l'habitation du contribuable ;

- ils ont justifié entrer dans ces prévisions par des attestations émanant des autorités fiscales suisses ;

- il ne saurait être exigé de leur part la communication d'éléments autres que ceux que les autorités compétentes suisses estiment être suffisants pour établir leur résidence fiscale en Suisse ;

- en vertu de l'article 31.2 de la convention, le bénéfice des exigences conventionnelles ne saurait leur être refusé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 23 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 15 décembre 2017.

Un mémoire présenté pour M. et Mme C... a été enregistré le 7 novembre 2018, postérieurement à la clôture d'instruction. Ce mémoire était accompagné de pièces datées du 13 janvier 2010.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. et Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un examen de leur situation fiscale personnelle, l'administration a estimé que le domicile fiscal de M. et Mme C..., qui avaient transféré leur domicile personnel en Suisse à la fin de l'année 2007, se trouvait en France jusqu'au 31 mars 2008, date à laquelle ils ont cédé leurs titres de la société Codymo pour un montant de 55 743 910 euros. Elle a, en conséquence, réintégré dans leurs bases imposables de l'année 2008 les gains retirés de cette cession de valeurs mobilières ainsi que les pensions perçues au cours de ce trimestre. M. et Mme C... font appel du jugement du 9 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui en ont résulté au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

2. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. ". Aux termes du 1 de l'article 4 B du même code : " Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : (...) c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques (...) ".

3. Il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté, que le centre des intérêts économiques de M. et Mme C... se trouvait en France jusqu'à la cession évoquée au point 1. Ils y détenaient ainsi 98,75 % du capital de la société Codymo, dans laquelle ils ont conservé des fonctions d'administrateurs jusqu'à la cession de leurs titres. Ils y détenaient aussi 80 % du capital des sociétés ANIR et TDA, et se sont impliqués en tant qu'actionnaires majoritaires dans la stratégie de développement de ces sociétés et leurs investissements, de l'ordre de plusieurs millions d'euros, décidés par l'ensemble des associés en assemblées générales. Ils y disposaient en outre de procurations sur les comptes bancaires des sociétés ANIR et TDA, qui leur conféraient des pouvoirs analogues à ceux du représentant légal des sociétés et disposaient en France de comptes bancaires auprès des établissements Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes et Cie Financiere Rothschild, régulièrement utilisés, et sur lesquels ils percevaient leurs pensions, rentes et retraite. Ils y disposaient aussi de comptes courants d'associés, notamment, au sein des sociétés Codymo, ANIR et TDA.

4. Si les appelants font valoir que leur foyer, au sens du a. du 1 de l'article 4 B du code général des impôts, se trouvait en Suisse, la présence en France du centre de leurs intérêts économiques suffisait à les rendre passibles de l'impôt sur le revenu en France.

5. Par ailleurs, il est constant que M. et Mme C... ont été considérés comme résidents fiscaux suisses par les autorités fiscales suisses.

6. L'article 4 de la convention du 9 septembre 1966 conclue entre la France et la Suisse stipule : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. / 2. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes : a. Cette personne est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent, cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel ses relations personnelles sont les plus étroites ; (...) ". Selon le 6. de ce même article : " N'est pas considérée comme résident d'un Etat contractant au sens du présent article / (...) b) Une personne physique qui n'est imposable dans cet Etat que sur une base forfaitaire déterminée d'après la valeur locative de la ou des résidences qu'elle possède sur le territoire de cet Etat. ". Il résulte de ces stipulations qu'une personne physique imposable en Suisse sur une base forfaitaire déterminée d'après la valeur locative des résidences qu'elle y possède ne peut être regardée comme résidente fiscale suisse alors même qu'elle y dispose d'un foyer permanent.

7. L'article 31 de la convention du 9 septembre 1966 stipule pour sa part : " (...) 2. Pour obtenir dans un Etat contractant les avantages prévus par la présente convention, les résidents de l'autre Etat contractant doivent, à moins que les autorités compétentes en disposent autrement, présenter un formulaire d'attestation de résidence indiquant en particulier la nature ainsi que le montant ou la valeur des revenus ou de la fortune concernés, et comportant la certification des services fiscaux de cet autre Etat. ". Selon le 1. de l'article 3 de cette convention : " i) l'expression " autorité compétente " désigne : / i) dans le cas de la France, le ministre chargé du budget ou son représentant autorisé ; / ii) dans le cas de la Suisse, le directeur de l'administration fédérale des contributions ou son représentant autorisé. ".

8. Au cas d'espèce, il est constant que M. et Mme C..., imposés sur une base forfaitaire en Suisse, entrent dans les prévisions du b) du 6. de l'article 4 de la convention. Ils ne peuvent, en principe, être regardés comme résidents fiscaux suisses.

9. Toutefois, dans le cadre des échanges de vue prévus à l'article 27 de la convention, les autorités fiscales françaises et suisses se sont accordées sur l'interprétation qu'il convenait de retenir pour appliquer cette exclusion. Une instruction en ce sens a été prise par l'administration fiscale suisse le 29 février 1968, et l'administration fiscale française a pris une instruction publiée au bulletin officiel des impôts, puis intégrée à la documentation de base sous la référence 14 B-2211 n° 7 mise à jour le 10 décembre 1972. En vertu de ces instructions, dont M. et Mme C... entendent se prévaloir, une personne assujettie à l'impôt à forfait en Suisse a néanmoins la qualité de résident de Suisse au sens de l'article 4 de la convention si, d'une part, sa base d'imposition fédérale, cantonale et communale, est supérieure à cinq fois la valeur locative de l'habitation du contribuable, et, d'autre part, la base d'imposition cantonale et communale ne s'écarte pas notablement de celle qui est déterminante pour l'impôt fédéral pour la dépense nationale, ladite base cantonale et communale devant, en tout état de cause, être égale ou supérieure aux éléments du revenu du contribuable qui proviennent de Suisse et de France, pour les revenus de source française, lorsqu'ils sont privilégiés par la convention, notamment dividendes, intérêts, redevances de licences.

10. M. et Mme C... ont versé aux débats des attestations émanant des autorités fiscales suisses établies les 6 mars 2008, 7 avril 2011 et 1er mai 2012 indiquant qu'ils sont assujettis de manière illimitée, tant pour les revenus que pour la fortune, aux impôts fédéraux, cantonaux, et communaux depuis le 18 décembre 2007. L'attestation établie le 1er mai 2012 mentionne explicitement qu'ils remplissent les conditions prévues par l'interprétation dont ils se prévalent.

11. Cependant, au cas d'espèce, M. et Mme C... revendiquent les avantages prévus par les stipulations de la convention qui prévoient l'imposition dans l'Etat de résidence des pensions et des plus-values telles que celle en cause. Ils se trouvent, dès lors, astreints à produire un formulaire conforme aux stipulations du 2. de l'article 31. Il ne résulte pas de l'instruction que les autorités compétentes telles que définies par l'article 3 de la convention en auraient disposé autrement. M. et Mme C... ne sauraient, dès lors, s'abstenir de produire, à l'appui de leurs prétentions, des attestations mentionnant la nature ainsi que le montant ou la valeur des revenus ou de la fortune concernés. Dès lors que les attestations produites ne répondent pas à ces prescriptions, ils ne sont pas fondés à prétendre au bénéfice des stipulations qu'ils invoquent.

12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande. Leur requête doit être rejetée, y compris leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente-assesseure,

Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 4 décembre 2018.

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N° 17LY01945

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01945
Date de la décision : 04/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-01-05 Contributions et taxes. Généralités. Textes fiscaux. Conventions internationales.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL JURIS VENDOME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-04;17ly01945 ?
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