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29/11/2018 | FRANCE | N°15LY01815

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 29 novembre 2018, 15LY01815


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de désigner un expert qui aura pour mission de décrire les blessures et les lésions qu'il présente à la suite de la chute dont il a été victime le 25 février 2008 à la déchetterie de Chambéry Bissy, de condamner la communauté d'agglomération de Chambéry Métropole à lui verser une somme de 10 000 euros, à titre de provision, à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices ainsi que le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'

article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assuranc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de désigner un expert qui aura pour mission de décrire les blessures et les lésions qu'il présente à la suite de la chute dont il a été victime le 25 février 2008 à la déchetterie de Chambéry Bissy, de condamner la communauté d'agglomération de Chambéry Métropole à lui verser une somme de 10 000 euros, à titre de provision, à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices ainsi que le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche, agissant pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, a présenté des conclusions tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération de Chambéry Métropole à lui verser une somme de 14 131 euros correspondant au montant total de ses débours ainsi que 1 015 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1206745 du 16 avril 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 mai 2015, M. C...E..., représenté par Me D...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 avril 2015 ;

2°) de dire et juger la communauté d'agglomération de Chambéry Métropole intégralement responsable des blessures lui ayant été occasionnées le 25 février 2008 sur le site de la déchetterie de Chambéry Bissy alors qu'il était usager de l'ouvrage public ainsi que de désigner un expert ayant pour mission de décrire les blessures et les lésions qu'il présente à la suite de la chute dont il a été victime le 25 février 2008 à la déchetterie de Chambéry Bissy ;

3°) de condamner la communauté d'agglomération de Chambéry Métropole à lui verser une somme de 10 000 euros, à titre de provision, à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices ;

4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Chambéry Métropole le versement d'une somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de déclarer commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie l'arrêt à intervenir ;

6°) de condamner la communauté d'agglomération Chambéry Métropole aux entiers dépens.

Il soutient que :

- salarié de l'association DEFI, il a fait une chute de 2,50 mètres en tombant d'un quai de déchargement de la déchetterie de Bissy, pendant qu'il guidait la manoeuvre d'un véhicule conduit par un autre salarié de l'association ;

- la déchetterie est un ouvrage public et il a la qualité d'usager de cet ouvrage ;

- au moment des faits, l'accès à la partie haute des bennes n'était pas équipé de garde-corps ;

- d'après le rapport de l'inspectrice du travail en date du 11 octobre 2009, la communauté d'agglomération Chambéry Métropole a commis des fautes dans l'entretien de l'ouvrage public constitué par la plateforme à partir de laquelle les déchets sont déversés ;

- la communauté d'agglomération Chambéry Métropole n'a pas respecté les articles L. 4211-1 et R. 4214-17 du code du travail sur l'obligation du maître d'ouvrage de s'assurer que la circulation des piétons puisse se faire de manière sûre ;

- il y a une reconnaissance implicite de la nécessité de garde-corps par la communauté d'agglomération Chambéry Métropole dès lors que cette dernière a installé après l'accident de tels gardes corps ;

- la communauté d'agglomération Chambéry Métropole n'apporte pas la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage, et le lien de causalité entre ses blessures et le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public est établi ;

- le défaut de barrières de protection en bordure du quai de déchargement et l'absence de " trottoir bloque-roue " au moment de l'accident constituent manifestement un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public et c'est ce défaut qui a été la cause de son accident ;

- le tribunal administratif de Grenoble s'est trompé en énonçant que le lien de causalité entre la chute et l'absence de système de sécurité n'était pas suffisamment direct et certain, car il est évident que si ces systèmes avaient été mis en place avant, il n'aurait pas eu besoin de guider la manoeuvre ou s'il l'avait guidé les barrières de sécurité auraient empêché sa chute ;

- le fait qu'il connaissait déjà le site n'exonère pas la communauté d'agglomération Chambéry Métropole de sa responsabilité en raison de l'aménagement exceptionnellement dangereux de la plateforme ;

- il y a eu une défaillance dans le conseil dès lors qu'il n'a été ni guidé ni conseillé par le personnel de la déchetterie, alors même que deux agents étaient censés se trouver sur les lieux au moment de l'accident ;

- il était tout à fait apte à occuper son poste de travail, donc son employeur n'a commis aucune faute ;

- sa chute lui a provoqué un traumatise crânien avec perte de connaissance, une fracture tassement du plateau supérieur de T8, des hématomes sous-dural pariétal et temporal gauche associés à plusieurs traits de fractures pariétaux gauche, une fracture du rocher gauche et une hypoacousie gauche secondaire ;

- il est resté plusieurs mois en incapacité de travailler, et à la suite de sa convalescence il n'a pas pu reprendre son activité professionnelle, son état de santé rend impossible tout reclassement et la qualité de travailleur handicapé lui a été reconnue ;

- une mesure d'expertise ayant pour but de déterminer précisément le montant des préjudices subis doit être ordonnée ;

Par un mémoire en défense enregistré le 9 juillet 2015, la communauté d'agglomération Chambéry Métropole, représentée par MeF..., conclut à titre principal au rejet de la requête à titre subsidiaire en cas d'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble à ce que soit constatée l'absence de responsabilité de la communauté d'agglomération Chambéry Métropole, et à titre très subsidiaire si la responsabilité de la communauté d'agglomération devait être retenue à ce qu'il soit ordonné une expertise médicale dont la mission serait de décrire et de chiffrer les préjudices de M. E...en précisant lesquels sont imputables à sa chute . Elle formule également des conclusions tendant à la mise à la charge de M. E...d'une somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative,

Elle fait valoir que:

- les circonstances exactes de l'accident de M. E...sont incertaines eu égard aux témoignages contradictoires versés au dossier ;

- la déchetterie ne fait pas partie de la catégorie des " établissements recevant du public " ni de celle des ouvrages exceptionnellement dangereux ;

- la présence de " trottoir bloque-roue " n'aurait pas pu empêcher la chute de M. E... dans la mesure où ce dernier reculait sans regarder derrière lui ;

- la présence de barrières, dans l'hypothèse où M. E...a effectivement été poussé par le véhicule qu'il guidait, aurait pu en réalité aggraver les conséquences de l'accident de ce dernier, l'installation de ces dernières après l'accident n'était qu'une mesure purement conservatoire car elles ont depuis été retirées ;

- le lien de causalité entre l'absence de barrières et de " trottoir bloque-roue " n'est donc pas démontré car la chute de M. E...s'explique avant tout par l'inattention de ce dernier ;

- M. E...aurait dû se placer sur le coté du véhicule et non pas derrière le véhicule car c'est ce positionnement inapproprié qui a causé sa chute ;

- le moyen tiré du non respect des dispositions de l'article L. 4211-1 et l'article R. 4214-17 du code du travail est inopérant car le défendeur est un établissement public de coopération intercommunale qui ne relève pas des catégories visés par ces articles du code du travail, ces articles ne sont donc pas applicables en l'espèce d'autant plus qu'ils n'imposent pas la mise en place de barrières dans les déchetteries ;

- la mise en place de barrières n'entre pas dans " l'entretien normal " de la déchetterie, car elle ne constitue pas une obligation règlementaire et la jurisprudence a déjà considéré que l'absence de barrières ne constitue pas un défaut d'entretien normal de l'ouvrage ;

- M. E...n'apporte aucun élément de preuve tangible permettant de démontrer que les deux agents de la déchetterie assurant l'information aux usagers n'étaient effectivement pas présent le jour de l'accident ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a indiqué qu'elle n'établissait pas l'aménagement normal de la déchetterie ;

- si sa responsabilité devait être reconnue pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage, la faute d'inattention et de manque de prudence commise par M. E...devrait suffire à l'exonérer de sa responsabilité, M. E...qui connaissait déjà les lieux est supposé agir avec prudence lorsqu'il utilise l'installation, et cela quelque soit la version retenue des faits de l'accident ;

- l'employeur de M. E...a commis une faute en ne lui apportant pas une formation et information adaptées aux tâches confiées de nature à l'exonérer de toute responsabilité, il est constant que M. E...présente un handicap depuis un accident de la circulation en 1988 dont il a été la victime, et que toutes les lésions décrites sont en rapport avec cet accident ;

- la demande de provision de 10 000 euros formulée par M. E... se heurte à l'autorité de la chose jugée dans la mesure où le juge des référés du tribunal administratif a déjà rejeté cette demande de provision dans une ordonnance rendue le 9 mars 2011 ;

- la demande d'expertise médicale doit également être rejetée en l'absence de toute responsabilité sa part ;

Par un mémoire, enregistré le 18 septembre 2015, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Savoie, représentée par Me B...G..., demande à la cour de :

1°) déclarer recevable et bien fondé l'appel formulé par M. E...à l'encontre du jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 16 avril 2015 ;

2°) déclarer la communauté d'agglomération Chambéry Métropole responsable de l'accident de M.E... ;

3°) de lui donner acte qu'elle ne s'oppose pas à la demande d'expertise ;

4°) de condamner la communauté d'agglomération Chambéry Métropole à lui rembourser la somme de 56 199,23 euros correspondant au montant total de ses débours, celle de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et celle de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que de lui donner acte de la réserve de ses droits jusqu'à la détermination des débours définitifs ;

Elle fait valoir que :

- elle fait siennes l'argumentation et les conclusions de M. E...concernant la responsabilité de la communauté d'agglomération Chambéry Métropole et la demande d'expertise médicale ;

Par un mémoire en défense complémentaire, enregistré le 5 janvier 2016, la communauté d'agglomération Chambéry Métropole conclut au rejet de la demande de la CPAM. Elle maintient ses autres conclusions par les mêmes moyens ;

Par un mémoire complémentaire, enregistré le 23 mars 2016, la CPAM de la Savoie, indique maintenir ses moyens et ses conclusions dirigées contre la communauté d'agglomération Chambéry Métropole ;

Par lettres du 30 avril 2018, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître du litige, dès lors que le service public de gestion des déchets, s'il est financé grâce à une redevance faisant supporter le coût du service directement aux usagers, a le caractère d'un service public industriel et commercial , que les rapports entre un tel service et ses usagers sont régis par le droit privé, que les litiges en résultant relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire et que M. E...avait la qualité d'usager de ce service lorsqu'il a été victime du dommage.

Des observations sur le moyen d'ordre public, enregistrées le 22 mai 2018, le 27 juillet 2018 et le 10 septembre 2018 ont été présentées, pour la communauté d'agglomération Chambéry Métropole, dans lesquelles cette dernière conclut que le moyen d'ordre public doit être écarté et que seule la juridiction administrative est compétente.

Elle soutient que :

- concernant la méthode d'identification d'un service public industriel et commercial, il faut regarder l'objet, le mode de financement et les modalités d'organisation et de fonctionnement du service ;

- concernant précisément le service public de gestion des déchets, la jurisprudence tend à considérer que lorsque le service est financé par une TEOM (taxe d'enlèvement des ordures ménagères) il a le caractère de service public administratif et lorsque son financement est issu d'une redevance à la charge des usagers le service public est industriel et commercial ;

- en l'espèce seule une partie minime des recettes de la déchetterie est issue d'un droit de dépôt payé directement par les usages et au regard de la jurisprudence cela ne constitue qu'une activité accessoire insusceptible de permettre de qualifier cette déchetterie de service public d'industriel et de commercial ;

- les modalités d'organisation de la déchetterie, comme le fait que le règlement est approuvé par le conseil communautaire et que la déchetterie est ouverte sept jours sur sept y compris les jours fériés, la font entrer dans la catégorie des services publics administratifs ;

- elle n'a jamais institué la redevance d'ordures ménagères prévue à l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales ;

- les dépôts des professionnels assimilés aux déchets ménagers pouvaient être déposés en contrepartie du paiement d'un droit de dépôt afin d'éviter les décharges sauvages, les modalités de tels dépôts de professionnels sont définies dans le règlement intérieur des déchetteries ; le droit de dépôt, somme payée par un utilisateur pour le dépôt de déchets en déchetterie, n'est pas la redevance prévue à l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales et n'est pas la redevance spéciale de l'article L. 2333-78 du même code ;

- les déchets des professionnels en 2008 représentaient seulement 6,23 % des tonnages des déchetteries ; les droits de dépôt constituaient une contribution résiduelle au regard des volumes financiers de la TEOM et aux tonnages totaux des déchetteries ; le fonctionnement des déchetteries était couvert à 97 % par l'impôt ;

- la redevance spéciale prévue à l'article L. 2333-78 du code général des collectivités territoriales et instituée au 1er janvier 2006 à Chambéry Métropole ne concerne pas les déchetteries mais seulement la collecte en camion des déchets des professionnels assimilables aux déchets ménagers ;

- au regard de son mode de financement et de ses modalités d'organisation, la gestion des déchetteries présente le caractère d'un service public administratif ; en conséquence la juridiction administrative est compétente pour connaître du litige l'opposant à M.E... ;

- l'association DEFI n'a jamais été assujettie à la redevance spéciale prévue par l'article L. 2333-78 du code général des collectivités territoriales et instituée par délibération 074-06 du conseil communautaire du 18 mai 2006 ; cette association ne figure pas dans la liste des assujettis à cette redevance spéciale en 2008 qui concerne la collecte et le traitement des dépôts non ménagers ; les professionnels comme l'association Defi doivent payer un droit de dépôts spécifiques ;

- elle ne dispose pas de données spécifiques sur la déchetterie de Bissy en 2008 ;

- quand un service public est financé principalement par la fiscalité, il répond en principe à la qualification de service public administratif ; le service public des déchetteries de Chambéry métropole était en 2008 très majoritairement financé par la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et partiellement par la redevance spéciale prévue à L. 2333-78 du code général des collectivités territoriales et par le droit de dépôt perçu auprès des professionnels ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code du travail ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière rapporteur public,

- et les observations de Me Carle, avocat de la communauté d'agglomération de Chambéry Métropole, ainsi que celles de Me Bouhelier, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie représentée par la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.

1. Considérant que M. E...poursuit l'indemnisation du préjudice subi le 25 février 2008 du fait de sa chute du quai de déchargement de la déchetterie de Bissy dont la communauté d'agglomération de Chambéry Métropole est maître d'ouvrage ; qu'il indique que, salarié d'une entreprise, il était venu déposer des déchets non ménagers (gravats) pour le compte de son employeur et qu'il a fait une chute de 2,50 mètres alors qu'il guidait la manoeuvre d'un véhicule, conduit par un de ses collègues, qui reculait pour se positionner à l'extrémité du quai de déchargement ; qu'il fait appel du jugement du 16 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération Chambéry Métropole à réparer les conséquences dommageables de cet accident ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, demande quant à elle en appel la condamnation de la communauté d'agglomération Chambéry Métropole à lui verser la somme de 56 199,23 euros correspondant au remboursement des dépenses et prestations versées pour M. E...ainsi qu'une somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion définie à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur les conclusions à fin d'appel en déclaration de jugement commun :

2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) " ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la caisse doit être appelée en déclaration de jugement commun dans l'instance ouverte par la victime contre le tiers responsable, le juge étant, le cas échéant, tenu de mettre en cause d'office la caisse si elle n'a pas été appelée en déclaration de jugement commun ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie a été régulièrement mise en cause et a produit dans la présente instance ; qu'il y a lieu, ainsi que le demande le requérant, de lui déclarer commun le présent arrêt ;

Sur la responsabilité :

3. Considérant qu'il appartient à la victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public d'apporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage dont il s'agit et le dommage dont elle se prévaut ; que la collectivité en charge de l'ouvrage peut s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve, soit de l'entretien normal de celui-ci, soit de ce que le dommage est imputable à la faute de la victime, soit encore d'un cas de force majeure ; que sa responsabilité ne peut être engagée à l'égard des usagers, même en l'absence de tout défaut d'aménagement ou d'entretien normal, que lorsque l'ouvrage, en raison de la gravité exceptionnelle des risques auxquels sont exposés les usagers du fait de sa conception même, doit être regardé comme présentant par lui-même le caractère d'un ouvrage exceptionnellement dangereux ;

4. Considérant, en premier lieu, que les premiers juges ont estimé que M. E...avait commis une faute d'imprudence exonérant la communauté d'agglomération de Chambéry métropole de toute responsabilité ; que M. E...reprend en appel son argumentation relative à l'absence de garde-corps, de dispositif de trottoir/blocage anti-roues et à une carence des agents de la déchetterie qui ne l'ont pas conseillé ni guidé ; que la communauté d'agglomération de Chambéry fait valoir en défense que M.E..., qui était piéton lors de l'accident et connaissait les lieux, n'a pas fait preuve de la vigilance nécessaire et est entièrement responsable de sa chute ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des photographies versées au dossier, qu'à la date de l'accident dont a été victime M.E..., le quai de déchargement comportait dans sa partie jouxtant le vide et les bennes une surélévation sous forme de margelle constituée de moellons plats d'une hauteur d'une quinzaine de centimètres se différenciant du reste du quai et marquant de ce fait visuellement la fin dudit quai ; que ce dispositif permettait ainsi d'avertir de manière suffisamment visible le conducteur d'un véhicule ainsi que les personnes à pied se trouvant sur le quai de déchargement, situation dans laquelle M. E...allègue s'être trouvé, des distances de sécurité à respecter vis-à-vis de la limite du quai et des risques de chute soit dans le vide soit dans une benne en cas de positionnement au niveau de cette margelle ; que la circulation d'un piéton à proximité du bord du quai pouvait se faire de façon suffisamment sûre dès lors qu'il était normalement vigilant ; que s'il n'est pas contesté qu'à la date de l'accident le quai de déchargement n'était pas doté de garde-corps, le requérant qui connaissait les lieux pour s'y être rendu à plusieurs reprises afin de déposer des gravats pour le compte de son employeur et était donc informé de l'existence des particularités de ce quai de déchargement, ne pouvait ignorer l'imprudence dont il faisait preuve en se positionnant à proximité de la limite de ce quai et en reculant pour guider le véhicule de son collègue, sans regarder derrière lui, alors qu'il lui était loisible de se positionner à un endroit ne nécessitant pas de se déplacer et notamment avant la partie moellonée marquant la limite du quai de déchargement ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la manoeuvre de déchargement présentait en l'espèce une difficulté particulière qui aurait exigé qu'un agent de la déchetterie participe au guidage de l'opération ; que, par suite, l'accident dont a été victime M.E..., qui est survenu en plein jour et alors qu'il n'apparaît pas qu'il aurait été affecté de troubles diminuant sa perception de ladite margelle en moellons marquant la limite du quai ou de troubles affectant sa vigilance, est entièrement imputable au comportement fautif de l'intéressé ;

6. Considérant, en second lieu, que pour démontrer la forte dangerosité de la déchetterie et en particulier du quai de déchargement et la gravité exceptionnelle des risques encourus par les usagers, M. E... se prévaut de l'absence de garde-corps et de l'absence de trottoir bloque-roues ; qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction qu'à la date des faits dommageables, la déchetterie de Bissy qui disposait au demeurant d'une margelle marquant la limite du quai de déchargement, présentait, du fait de sa conception même, les caractéristiques d'un ouvrage particulièrement dangereux ; que, dès lors, M. E... n'est pas fondé à rechercher, sur ce terrain, la responsabilité sans faute de la communauté d'agglomération de Chambéry Métropole ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération de Chambéry Métropole à l'indemniser des préjudices causés par sa chute ainsi que ses conclusions présentées aux fins d'expertise et de provision ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées en appel par la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie tendant à ce qu'il soit mis à la charge de la communauté d'agglomération de Chambéry Métropole une indemnité correspondant aux prestations versées pour le compte de M. E...et une somme au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion doivent être rejetées ;

Sur les frais liés au litige :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération de Chambéry métropole qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de M. E...et au profit de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, au titre des frais exposés par eux devant la cour et non compris dans les dépens ;qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E...quelque somme que ce soit à verser au même titre à la communauté d'agglomération de Chambéry Métropole ;

DECIDE :

Article 1er : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie.

Article 2 : La requête de M. E...est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions de la communauté d'agglomération de Chambéry Métropole tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à la communauté d'agglomération Chambéry Métropole.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.

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N° 15LY01815


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01815
Date de la décision : 29/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : GROLEE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-29;15ly01815 ?
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