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20/11/2018 | FRANCE | N°17LY00763

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 20 novembre 2018, 17LY00763


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1405077 du 16 décembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 février 2017 e

t le 22 septembre 2017, M. et Mme B..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1405077 du 16 décembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 février 2017 et le 22 septembre 2017, M. et Mme B..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 décembre 2016 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme B... soutiennent que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, notamment en ce qu'elle ne mentionne pas qu'ils pouvaient entrer dans l'une des exceptions au principe du respect de l'engagement de location ;

- le fait d'avoir sollicité un rendez-vous auprès du contrôleur après notification de la proposition de rectification fait obstacle à ce qu'ils puissent être regardés comme ayant accepté tacitement les rectifications et l'administration aurait dû leur adresser une réponse aux observations du contribuable, laquelle aurait dû être motivée ;

- le principe du contradictoire a été méconnu, faute de prise en compte suffisante des explications données à l'administration ;

- le montant des impositions recouverte a été supérieur à celui indiqué dans la proposition de rectification ;

- la charge de la preuve pèse sur l'administration ;

- ayant été licencié par son employeur, l'avantage fiscal ne pouvait être remis en cause par la vente, une année avant le terme normalement exigé pour l'engagement de location et de conservation des parts, en application de la doctrine fiscale ;

- tous les documents utiles ont été produits devant l'administration et la remise en cause de la réduction d'impôt relative à la souscription de parts au capital de la société civile " Les Mousquetaires " n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 11 juillet 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- la proposition de rectification est suffisamment motivée ;

- les contribuables n'ont pas produit les documents utiles s'agissant de la réduction d'impôt liée à la souscription au capital de la société civile " Les Mousquetaires " ;

- une demande d'explication en vue de mieux comprendre la proposition de rectification ne saurait valoir observations contestant les rectifications ;

- les requérants n'établissant pas avoir formulé des observations orales contestant les rectifications, le service n'avait pas à leur adresser une réponse aux observations du contribuable ;

- le caractère contradictoire de la procédure a été respecté ;

- les requérants n'ayant pas fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, ils ne peuvent se prévaloir de la garantie prévue à l'article L. 48 du livre des procédures fiscales et l'administration n'avait pas à les informer des conséquences financières des redressements qui leur ont été notifiés ;

- l'écart entre les redressements indiqués dans la proposition de rectification et ceux mis en recouvrement est modeste ;

- la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition pèse sur les contribuables ;

- le logement litigieux a été loué pendant moins de neuf années et il n'est pas démontré par les contribuables que le service leur aurait accordé une dérogation ;

- les contribuables doivent établir le lien de causalité entre le licenciement et la vente de l'appartement ce qu'ils ne font pas, et alors que l'appartement a été mis en vente plus de trois ans après le licenciement et qu'à la date de la vente, M. B..., qui a déclaré des revenus d'activité au titre de l'année 2010, n'établit pas avoir été encore inscrit comme demandeur d'emploi auprès de Pôle Emploi ;

- la société " Les Mousquetaires " ayant été une société civile, elle ne pouvait bénéficier du dispositif de l'article 199 terdicies-O A du code général des impôts, prévu pour les sociétés ayant une activité autre que civile, la circonstance que cette société ayant été transformée par la suite en société par actions simplifiées étant sans incidence.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont acquis le 1er octobre 2001 un appartement à Rouen achevé en novembre 2002 et ont, dans le cadre du dispositif dit " Besson ", déduit de leurs revenus les sommes correspondant à l'amortissement de cet appartement en application des dispositions du g du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts. L'administration a constaté d'une part que la vente de l'appartement était intervenue avant la fin de la période d'engagement de location de neuf ans et a réintégré aux revenus fonciers des requérants les amortissements précédemment déduits, et d'autre part a remis en cause la déduction d'impôt au titre de la souscription au capital d'une entreprise. Des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales pour les années 2010 et 2011 ont été notifiées aux requérants par une proposition de rectification du 25 juillet 2013. Elles ont été mises en recouvrement le 30 avril 2014 pour un montant de 4 134 euros s'agissant des contributions sociales de l'année 2010, et de 13 486 euros et 888 euros s'agissant, respectivement, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales de l'année 2011. La réclamation présentée par M. et Mme B... le 13 juin 2014 a été rejetée par l'administration par décision du 23 juin 2014. M. et Mme B... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.

Sur la régularité de la procédure :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées, de sorte à ce que le contribuable soit mis en mesure de présenter utilement ses observations.

3. En l'espèce, la proposition de rectification du 25 juillet 2013 précise les impôts concernés, à savoir l'impôt sur le revenu et les contributions sociales, et les années d'imposition en cause, à savoir les années 2010 et 2011. Pour l'année 2011, la lecture de ce document permet de comprendre que l'administration augmente l'assiette des revenus imposables de M. et Mme B... suite à la remise en cause des amortissements pratiqués dans le cadre du dispositif " Besson " sur l'appartement situé à Rouen, en raison du non-respect de la condition tenant à la durée de location. Elle précise qu'il en découle qu'aucun déficit foncier ne pouvait être pris en compte au titre de cette année, ce qui entraine la fixation des revenus fonciers des requérants à la somme de 6 246 euros. A cet égard, la proposition de rectification n'avait pas à préciser que les requérants pouvaient entrer dans l'une des exceptions au principe du respect de l'engagement de location. Il ressort également de la lecture de la proposition de rectification que l'administration a entendu remettre en cause une réduction d'impôts d'un montant de 8 469 euros correspondant à la souscription au capital d'une entreprise. Ainsi, la proposition de rectification permet de comprendre la portée financière de chaque chef de redressement, et ainsi, de le contester utilement. S'agissant en revanche de l'année 2010, la proposition de rectification ne comporte pas d'explication permettant de comprendre l'assujettissement des contribuables à une cotisation supplémentaire de contributions sociales d'un montant de 3 758 euros en droits, alors que le rehaussement de leur assiette n'apparait être que de 2 254 euros dans ses motifs. Le tableau récapitulatif des revenus et le tableau des conséquences financières figurant en fin de proposition de rectification ne permettent pas davantage de comprendre ce point. Ainsi les contribuables n'ayant pas été mis en mesure de contester utilement la cotisation supplémentaire de contributions sociales mise à leur charge au titre de l'année 2010, la proposition de rectification ne satisfaisait pas aux exigences de motivation découlant des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en tant qu'elle porte sur l'année 2010. M. et Mme B... sont par suite fondés à demander, pour ce motif, la décharge de cette imposition, ainsi que des intérêts de retard dont elle a été assortie, soit une somme totale de 4 134 euros. Le moyen doit, en revanche, être écarté pour le surplus des impositions mises à leur charge.

4. Contrairement à ce que les requérants soutiennent, le fait d'avoir sollicité un rendez-vous auprès du contrôleur après la notification de la proposition de rectification ne peut être assimilé aux observations qu'ils avaient le loisir de présenter suite à cette notification. A défaut d'observations présentées par les contribuables, l'administration n'avait pas à y répondre. Le moyen tiré de ce que la réponse aux observations du contribuable serait insuffisamment motivée doit, de plus fort , être écarté, de même que celui tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure.

5. Il résulte enfin de l'instruction que le montant de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu de l'année 2011 mise en recouvrement a été supérieur de 193 euros au montant indiqué dans la proposition de rectification. Aucune proposition de rectification n'ayant été notifiée aux requérants à concurrence de ce montant, M. et Mme B... sont fondés à demander la décharge de la somme de 193 euros, qui ne correspond à aucune imposition identifiée dans la proposition de rectification dont ils ont été destinataire.

Sur le bien-fondé :

En ce qui concerne la remise en cause des amortissements pratiqués sur l'appartement de Rouen :

6. Aux termes du I de l'article 31 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : (...) g) Pour les logements situés en France, acquis neufs ou en l'état futur d'achèvement entre le 1er janvier 1999 et le 2 avril 2003, et à la demande du contribuable, une déduction au titre de l'amortissement égale à 8 % du prix d'acquisition du logement pour les cinq premières années et à 2,5 % de ce prix pour les quatre années suivantes (...). Le bénéfice de la déduction est subordonné à une option qui doit être exercée lors du dépôt de la déclaration des revenus de l'année d'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure. Cette option est irrévocable pour le logement considéré et comporte l'engagement du propriétaire de louer le logement nu pendant au moins neuf ans à usage d'habitation principale à une personne autre qu'un membre de son foyer fiscal (...). Le revenu net foncier de l'année au cours de laquelle l'un des engagements définis au présent g n'est pas respecté est majoré du montant des amortissements déduits (...). En cas (...) de licenciement (...) du contribuable ou de l'un des époux soumis à imposition commune, cette majoration ne s'applique pas (...) ".

7. M. et Mme B... ont acquis, le 1er octobre 2001, un logement en l'état futur d'achèvement situé à Rouen et ont placé les revenus fonciers procurés par la location de ce logement, achevé en novembre 2002, sous le régime des dispositions précitées du code général des impôts en s'engageant à le louer pendant une période de neuf ans. M. et Mme B... ayant vendu cet appartement le 3 décembre 2010, l'administration, se fondant sur le non-respect de l'engagement de location, a majoré leurs revenus fonciers au titre de l'année 2010 du montant des amortissements qu'ils avaient déduits au titre des années 2002 à 2010.

8. M. et Mme B... soutiennent que M. B... ayant été licencié en mars 2006, il entre dans le champ d'application des exceptions prévues par le g du 1° de l'article 31 du code général des impôts. Si ces dispositions n'exigent pas que le contribuable ait subi une perte de revenu ou soit en situation de chômage à la date de la vente pour bénéficier de l'exception en cas de rupture anticipée de l'engagement de louer, il résulte cependant de l'instruction que l'appartement a été mis en vente plus de quatre ans et demi après le licenciement et que M. B... a déclaré des revenus d'activité au titre de l'année 2010, après perception d'une prime de retour à l'emploi le 7 janvier 2010. Dans ces circonstances, la rupture de l'engagement de louer pendant neuf ans souscrit par M. et Mme B... en 2001 ne peut être regardée comme consécutive au licenciement dont M. B... a fait l'objet en 2006. Par suite, c'est par une exacte application de la loi fiscale que l'administration a réintégré aux revenus fonciers de M. et Mme B... au titre de l'année 2010 le montant des amortissements qu'ils avaient déduits de 2002 à 2010.

9. Les dispositions de l'instruction référencée BOI-RFPI-SPEC-20-10-20-60-20120912 du 12 septembre 2012, selon laquelle " les personnes licenciées s'entendent de celles dont le contrat de travail est rompu à l'initiative de leur employeur ", n'ajoutent rien à la loi sur le point en litige.

En ce qui concerne la réduction de l'impôt sur le revenu suite à la souscription au capital d'une société :

10. Les dispositions de l'article 199 terdecies-0 A prévoient que les contribuables domiciliés fiscalement en France peuvent bénéficier d'une réduction de leur impôt sur le revenu égale à 18 % des versements effectués au titre de souscriptions en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés qui respectent un certain nombre de conditions tenant, par exemple, à son implantation dans un Etat membre de l'Union européenne, sa soumission à l'impôt sur les sociétés, des effectifs d'au moins deux salariés à la clôture de l'exercice qui suit la souscription, à la nature de son activité ou encore à la possibilité de la qualifier de petite et moyenne entreprise, telle que cette notion est définie à l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d'exemption par catégorie).

11. L'administration a remis en cause la réduction d'impôt dont les requérants avaient bénéficié suite à leur souscription au capital de la société " Les Mousquetaires ", faute d'avoir obtenu des pièces suffisantes permettant de vérifier que les conditions requises par les dispositions mentionnées ci-avant étaient satisfaites. En se bornant à soutenir que tous les documents utiles ont été produits devant l'administration et à produire la seule preuve de leur souscription au capital d'une société, sans établir ni même indiquer en quoi la société au capital de laquelle ils ont souscrit remplit lesdites conditions, les requérants ne contestent pas sérieusement la remise en cause de cette réduction d'impôt.

12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande en ce qu'elle était dirigée contre la somme de 193 euros mentionnée au paragraphe 5. ci-dessus, la cotisation supplémentaire de contributions sociales mise à leur charge au titre de l'année 2010 et les intérêts de retard correspondants.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme B... dans l'instance et non compris dans les dépens, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : M. et Mme B... sont déchargés de la cotisation supplémentaire de contributions sociales mise à leur charge au titre de l'année 2010 et des intérêts de retard correspondants, ainsi que d'une somme de 193 euros.

Article 2 : Le jugement du 16 décembre 2016 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera 2 000 euros à M. et Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente-assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique le 20 novembre 2018.

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N° 17LY00763

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