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15/11/2018 | FRANCE | N°17LY00504

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre a - formation à 3, 15 novembre 2018, 17LY00504


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Inter Inox a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard correspondants auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1400164 du 6 décembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a partiellement fait droit à sa demande en réduisant les bases de l'impôt sur les sociétés auquel la société Inter Inox a été assujettie au titre de l'exe

rcice clos en 2008 à hauteur d'un montant de 88 340 euros (article 1er), en déchargeant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Inter Inox a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard correspondants auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1400164 du 6 décembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a partiellement fait droit à sa demande en réduisant les bases de l'impôt sur les sociétés auquel la société Inter Inox a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008 à hauteur d'un montant de 88 340 euros (article 1er), en déchargeant la société des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, en droits et en pénalités, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008, conformément à cette réduction des bases d'imposition (article 2) et en mettant à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à la société en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3).

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 3 février 2017, le 14 septembre 2017 et le 16 février 2018, la SARL Inter Inox, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 décembre 2016 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et les intérêts de retard correspondants auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008 en prononçant un dégrèvement en droits de 40 658 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Inter Inox soutient que :

Sur son appel principal :

- la provision pour dépréciation des stocks qu'elle avait constituée, comprenant une part relative aux prévisions de consommation effective et une part relative à la prise en compte de la fluctuation des cours, est justifiée dans son principe compte tenu de la nature de son activité, des évolutions du marché, des annulations de commandes clients, d'erreurs d'achat, de la non-conformité des pièces reçues qui n'ont pas été renvoyées aux fournisseurs, de la baisse du cours du nickel et de l'altération de la qualité des produits avec le temps ;

- si les provisions qu'elle avait constituées au cours des exercices litigieux étaient excessives, elle a proposé à l'administration fiscale une nouvelle méthode de calcul de chacune des deux parts de cette provision qui correspond plus justement à son activité ;

- sa méthode de dépréciation des stocks doit s'appliquer aux exercices postérieurs à 2009.

Sur l'appel incident du ministre :

- les commissions de gestion, " managements fees ", n'ont constitué une dette certaine dans son montant et dans son principe qu'à compter de l'année 2008, dans la mesure où, avant le contrôle fiscal dont la société mère a fait l'objet, la société mère souhaitait lui en faire remise ;

- il était impossible de déterminer le montant de ces prestations avant l'année 2008 ;

- le nouveau motif opposé par le ministre tiré de ce que le paiement par une société, à la suite de leur facturation, de créances qui ont été abandonnées par une société dont elle était initialement débitrice, ne constitue pas une charge déductible, ne saurait être retenu dès lors que sa société mère ne lui avait pas accordé une libéralité inconditionnelle ;

- il s'agit de prestations qui auraient dû, chaque année, faire l'objet d'une facture déductible du résultat fiscal de chacun des exercices considérés et tendant ainsi à diminuer l'impôt sur les sociétés ;

- les sommes en cause ont fait l'objet d'une double imposition dans la mesure où l'émission de la facture de 2008 a donné lieu à imposition de sa société mère en Allemagne et à la non déductibilité des charges en France ;

- cette double imposition a été reconnue en faveur de la société Würth France SAS, qui appartient au même groupe, qui a bénéficié d'un dégrèvement à la suite de la procédure amiable entre la France et l'Allemagne à la demande de la société mère allemande ;

- la reconnaissance de la déductibilité de cette charge dans le cas de Würth France SAS et non dans son cas à elle, méconnaît le principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 juin 2017 et le 6 octobre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident :

1°) d'annuler les articles 1, 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 décembre 2016 ;

2°) de remettre à la charge de la SARL Inter Inox les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les pénalités correspondantes dont elle a obtenu la décharge devant le tribunal ;

3°) d'ordonner à la SARL Inter Inox de reverser la somme de 1 000 euros qui lui a été allouée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

Sur l'appel principal :

- les moyens présentés par la SARL Inter Inox à l'appui de sa requête ne sont pas fondés ;

Sur l'appel incident :

- c'est à tort que le tribunal a admis la déduction des commissions de gestion facturées par la société Adolf Würth GMBH et Co KG en 2008 au titre de prestations qu'elle avait rendues à la société requérante entre 1997 et 2008, le défaut de facturation par sa société mère ne résultait pas de l'impossibilité de déterminer les sommes dues mais d'une décision de gestion de cette dernière ;

- le paiement par une société, à la suite de leur facturation, de créances qui ont été abandonnées par une société dont elle était initialement débitrice, ne constitue pas une charge déductible ;

- les autres moyens soulevés par la SARL Inter Inox à l'encontre de ce chef de redressement ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 10 novembre 2017 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 26 février 2018, la clôture de l'instruction a été reportée au 19 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeC..., première conseillère,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la SARL Inter Inox ;

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Inter Inox, qui exerce une activité de négoce de visserie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2009, à l'issue de laquelle une proposition de rectification lui a été adressée le 20 décembre 2010 portant notamment, en matière d'impôt sur les sociétés, sur des provisions pour dépréciation de stocks et la déduction de charges. A la suite des observations présentées par la société, l'administration a maintenu les rectifications envisagées le 25 février 2011. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en résultant au titre des années 2008 et 2009, ainsi que les intérêts de retard correspondants, ont été mis en recouvrement le 24 novembre 2011 à hauteur de 162 043 euros au titre de l'année 2007 et 36 574 euros au titre de l'année 2008. Par un jugement du 6 décembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a réduit les bases de l'impôt sur les sociétés auquel la société Inter Inox a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008 à hauteur d'un montant de 88 340 euros (article 1er) correspondant à des commissions de gestion facturées par sa société mère allemande dont la déduction avait été remise en cause par l'administration, a déchargé la société des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, en droits et en pénalités, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008, conformément à cette réduction des bases d'imposition (article 2) et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à la société en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3). La société Inter Inox relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande portant sur la remise en cause de la provision pour dépréciation de stocks constituée au titre de chaque exercice. Le ministre de l'action et des comptes publics, par la voie de l'appel incident, demande à la cour de remettre à la charge de la SARL Inter Inox les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les pénalités correspondantes dont elle a obtenu la décharge devant le tribunal.

Sur la charge de la preuve :

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) ".

3. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité et que ce n'est que lorsqu'il apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis, qu'il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve contraire, le juge de l'impôt devant alors apprécier la valeur des explications respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

Sur l'appel principal :

4. Il résulte de la combinaison des articles 39-1-5° et 38-3 du code général des impôts que lorsqu'une entreprise constate que tout ou partie des matières ou produits qu'elle possède en stock a, à la date de clôture de l'exercice, une valeur probable de réalisation inférieure au prix de revient, elle est en droit de constituer, à concurrence de l'écart constaté, une provision pour dépréciation. Si pareille provision peut être évaluée par des méthodes statistiques, c'est à la condition que son évaluation soit faite de manière précise et suffisamment détaillée selon les catégories des produits en stock.

5. La SARL Inter Inox a notamment constitué, au titre des exercices litigieux, une provision pour dépréciation de son stock, intitulée " provision sur consommation effective " calculée en appliquant à l'ensemble des produits de son stock un taux de dépréciation forfaitaire, fixé selon cinq tranches, et s'échelonnant de 15 % à 90 % en fonction de l'ancienneté des produits en stock. Au stade de l'interlocution départementale, après avoir distingué quatre grandes catégories de pièces, elle a proposé une nouvelle méthode de calcul de cette provision reposant toujours sur une dépréciation forfaitaire, fixée selon quatre tranches, s'échelonnant de 0 % pour les produits en stock depuis moins de douze mois à 90 %, pour les produits en stock depuis plus de deux ans. Cette nouvelle méthode proposée par la société, comme la précédente, qui applique les mêmes taux de dépréciation aux quatre catégories de produits qui ont été identifiées par la société, ne tient pas compte des caractéristiques propres à chacune de ces différentes catégories de produits. Il n'est en particulier pas tenu compte de ce que certains produits sont tarifés, standards et référencés tandis que d'autres correspondent à des produits non référencés, commandés spécialement par un client, sans engagement de consommation, ce qui conduit nécessairement à une obsolescence dans le temps différente de ces produits. La société ne justifie pas de la part de ces différentes catégories de produits dans son stock. En se bornant à affirmer que son marché est soumis à des évolutions importantes des demandes de ses clients, compte tenu notamment de l'évolution de la nature et de la composition des supports, qu'elle est confrontée à des annulations de commande clients, à des erreurs d'achat, à des problèmes de non-conformité des pièces reçues qui ne sont pas renvoyées au fournisseur, sans faire reposer son argumentation sur des données précises de l'entreprise, et que ses produits s'altèrent avec le temps, sans préciser les délais dans lesquels cette altération survient alors qu'elle commercialise des pièces de visserie, la société ne justifie pas non plus des taux qu'elle applique, qui conduisent à une dépréciation de 90 % de son stock détenu depuis plus de deux ans. La circonstance qu'elle gèrerait mieux ses stocks depuis son contrôle fiscal et procèderait à des mises au rebut de ses articles invendus ne suffit pas à démontrer que le montant provisionné au titre des années litigieuses était justifié.

6. La SARL Inter Inox a également constitué, au titre des exercices litigieux, une provision pour dépréciation de son stock, intitulée " provision sur fluctuation de cours ". La société Inter Inox se borne à faire valoir que cette provision est justifiée dans son principe car elle achète et revend ses marchandises suivant un prix basé sur le prix du nickel et que lorsque le cours du nickel varie, les prix de vente sont mécaniquement impactés. Toutefois il résulte de l'instruction qu'elle n'a pas déterminé le montant de cette provision par la comparaison entre la valeur probable de réalisation de son stock avec son prix de revient, mais par la comparaison entre le dernier prix d'approvisionnement de chaque référence et le " prix de revente moyen pondéré " sans apporter aucune justification sur cette méthode.

7. Ainsi, il résulte de ce qui précède, et alors qu'il n'appartient en tout état de cause pas à la cour de dire que la méthode de dépréciation des stocks doit s'appliquer pour les années ultérieures aux années en litige, que c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que la provision pour dépréciation du stock de la société Inter Inox, constituée de la " provision sur consommation effective " et de la " provision sur fluctuation de cours ", n'était pas suffisamment justifiée par la société Inter Inox dans son principe et dans son montant et l'a, pour ce motif, réintégré dans le bénéfice net de la société.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Inter Inox n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur l'appel incident :

En ce qui concerne le motif de décharge retenu par le tribunal :

9. Les charges nées au cours d'un exercice doivent, si elles sont certaines dans leur principe et dans leur montant à la clôture de l'exercice, être prises en compte pour la détermination de la variation de l'actif net afférente à cet exercice, alors même qu'elles n'auraient pas encore été payées à la date de clôture de cet exercice. Selon les articles 38-2 et 39-1 5° du code général des impôts, applicables en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, le paiement en cours d'exercice d'une dette née avant l'ouverture de l'exercice est sans influence sur le montant des bénéfices imposables dudit exercice.

10. A la suite d'un contrôle par l'administration allemande de la société Adolf Würth GmbH et Co. KG, cette dernière, société mère de la société requérante, lui a adressé en 2008 une facture de 90 840 euros relative à des commissions de gestion (" management fees ") pour des prestations réalisées au cours de la période de 1998 à 2008. L'administration fiscale française a remis en cause la déductibilité, au titre de l'exercice clos en 2008, de la partie de la facture se rapportant aux frais de gestion relatifs aux années antérieures à l'année 2008 au motif que ces dépenses se rapportaient à des exercices antérieurs.

11. En se bornant à faire valoir que la facture que sa société mère lui a adressée en 2008 correspondait à une régularisation de sa situation à la demande des autorités fiscales allemandes qui lui reprochaient des omissions de recettes à raison de libéralités consenties à ses filiales et que le montant de cette facture n'a été arrêté qu'à la suite de ce contrôle, la société requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe, dès lors qu'elle doit justifier du montant et de la réalité des charges qu'elle entend déduire, de ce que le montant des charges dont la déductibilité a été remise en cause par l'administration ne pouvait être déterminé avec une précision suffisante avant l'année 2008. Dès lors, le ministre de l'action et des comptes publics, qui, contrairement à ce que soutient la société, maintient en appel que le montant de ces charges était certain dès avant l'année 2008, est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé la décharge de l'imposition litigieuse au motif que, face aux affirmations de la société requérante, " l'administration n'apportait, de son côté, aucun élément permettant d'établir qu'elles auraient pu être déterminées dans leur montant par la société requérante avant 2008 ".

12. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Inter Inox devant le tribunal administratif et devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par la SARL Inter Inox devant le tribunal et devant la cour :

13. Pour contester le caractère certain de sa dette envers sa société mère avant l'année 2008 pour les frais se rapportant aux exercices antérieurs à cette année, la société Inter Inox fait valoir que les prestations que lui avait rendues sa société mère allemande au cours des exercices en cause n'avaient pas vocation à être facturées car elles s'inscrivaient dans le contexte global des relations entre les sociétés du groupe et que sa société mère souhaitait lui en faire remise. Toutefois, alors qu'il est constant que la société mère a rendu, au cours des exercices antérieurs à l'exercice 2008, des services à la société requérante, ni le fait qu'il n'y ait pas de trace dans les écritures comptables de la société mère d'une créance sur sa fille, ni le fait que la société mère n'ait pas procédé au recouvrement des sommes litigieuses antérieurement à son contrôle fiscal, ne prouvent l'existence d'un tel abandon de créance. Ainsi, la société requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe que les sommes dont la déductibilité a été remise en cause par l'administration fiscale se rapportaient à des dettes qui n'ont acquis leur caractère certain dans leur principe qu'à compter de l'année 2008. Par suite, et sans qu'il soit nécessaire de rechercher si le paiement par une société, à la suite de leur facturation, des sommes se rapportant aux créances qui ont été abandonnées par la société dont elle était initialement débitrice, constitue ou non une charge déductible, le moyen tiré de ce que les charges n'étant pas certaines dans leur principe avant l'année 2008, l'administration ne pouvait refuser de les prendre en considération au titre de cette année, doit être rejeté.

14. La circonstance que ces prestations auraient dû faire l'objet d'une facture déductible du résultat fiscal de chacun des exercices considérés et tendant ainsi à diminuer l'impôt sur les sociétés due par la société requérante au titre de chacun de ces exercices est, compte tenu du principe de l'annualité de l'impôt, sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition litigieuse.

15. S'agissant de contribuables distincts, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les sommes en cause ont fait l'objet d'une double imposition dans la mesure où elles ont donné lieu à imposition de sa société mère et qu'elle-même n'a pas pu les déduire de ses charges.

16. Aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ". Seuls peuvent se prévaloir de cette disposition les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée, ainsi que les contribuables qui ont participé à l'acte ou à l'opération qui a donné naissance à cette situation, sans que les autres contribuables ne puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité.

17. A supposer que la société entende se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, du dégrèvement prononcé au profit de la société Würth France SAS à la suite de la procédure amiable entre la France et l'Allemagne en cas de double imposition, ce dégrèvement, qui n'est pas motivé et fait suite à une procédure amiable, ne constitue pas une prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal. Par suite, la société Inter Inox n'est pas fondée à s'en prévaloir et ne peut utilement invoquer à son détriment une rupture du principe d'égalité des contribuables.

18. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a réduit les bases de l'impôt sur les sociétés auquel la société Inter Inox a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008 d'un montant de 88 340 euros et a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, en droits et en pénalités, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008, conformément à cette réduction. Le ministre est également fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a mis une somme à la charge de l'Etat, qui n'avait pas la qualité de partie perdante, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

19. Il résulte des dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative que les décisions des juridictions administratives sont exécutoires. Lorsque le juge d'appel infirme une condamnation prononcée en première instance, sa décision, dont l'expédition notifiée aux parties est revêtue de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1 du code de justice administrative, permet par elle-même d'obtenir, au besoin d'office, le remboursement de sommes déjà versées en vertu de cette condamnation. Ainsi, les conclusions du ministre de l'action et des comptes publics tendant à la condamnation de la société Inter Inox à reverser la somme payée en exécution du jugement attaqué, infirmé en appel, sont sans objet et ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Inter Inox la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1, 2 et 3 du jugement n° 1400164 du 6 décembre 2016 du tribunal administratif de Lyon sont annulés.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles la société Inter Inox a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008 à raison de la réintégration dans son bénéfice net de 88 340 euros correspondant à des commissions de gestion facturées par sa société mère sont remises à sa charge ainsi que les pénalités correspondantes.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'appel incident du ministre de l'action et des comptes publics et la requête d'appel de la société Inter Inox sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Inter Inox et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Fischer-Hirtz, présidente de chambre,

M. Souteyrand, président assesseur,

MmeC..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.

8

N° 17LY00504


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre a - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00504
Date de la décision : 15/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : Mme FISCHER-HIRTZ
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : GM AVOCATS-LAMY LEXEL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-15;17ly00504 ?
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