Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. F...E...et Mme B...A..., épouseE..., ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :
1°) de déclarer le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand responsable des préjudices subis par M. E...à la suite de sa prise en charge dans cet établissement et d'ordonner, avant dire droit, une expertise afin d'évaluer les préjudices en résultant ;
2°) d'allouer, à titre provisionnel, une indemnité de 10 000 euros à M. E...et une indemnité de 7 500 euros à Mme E...à valoir sur leur entier préjudice ;
Par un jugement n° 1501662 du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 9 septembre 2016, et un mémoire complémentaire enregistré le 17 septembre 2018, M. E...et MmeA..., épouseE..., représentés par la SELARL OGMA, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 juillet 2016 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) de déclarer le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand responsable des préjudices subis par M. E...à la suite de sa prise en charge dans cet établissement et d'ordonner une expertise médicale pour évaluer le dommage corporel ;
3°) d'allouer, à titre provisionnel, à M. E...la somme de 10 000 euros et à Mme E... la somme de 7 500 euros à valoir sur la réparation de leur entier préjudice ;
4°) de déclarer le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens ;
Ils soutiennent que :
- le personnel hospitalier n'ignorait pas le contexte de l'hospitalisation aux urgences après l'épisode du malaise en gare du Creusot et son hospitalisation au centre hospitalier du Creusot ainsi que l'existence de troubles du comportement résultant de l'avis neuropsychiatrique émis ; M. E...a été hospitalisé aux urgences faute de place dans un service psychiatrique ; il a remis, vers 5h00, une lettre à l'infirmière de nuit dans laquelle il indiquait " Adieu mes amours " ; cette lettre a été classée dans son dossier ; aucune mesure n'a été prise pour s'assurer qu'il ne chercherait pas à attenter à ses jours alors que le centre hospitalier avait connaissance de son état de santé psychique ; la fenêtre d'un couloir par laquelle il s'est défenestré n'a pas été maintenue fermée ;
- le centre hospitalier a commis une faute en n'orientant pas le patient dans un service spécialisé bénéficiant de barrières physiques empêchant toute défenestration ; le service des urgences n'était pas adapté à son état dès lors que la fenêtre n'était pas munie de système de sécurité ;
Par un mémoire, enregistré le 14 septembre 2018, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- en matière psychiatrique, une surveillance particulière n'est exigée que pour les patients à risque présentant des signes particuliers d'agitation ou de risque suicidaire avéré ; si un patient est hospitalisé dans un service de médecine générale pour un problème médical indépendamment de toute notion d'ordre psychiatrique, la surveillance devra alors être appréciée au regard des motifs d'hospitalisation ;
- l'état de santé de M. E...ne justifiait pas qu'il soit placé dans un service de psychiatrie ; M. E...n'apporte aucun élément d'ordre médical démontrant qu'une hospitalisation dans le service de psychiatrie s'imposait médicalement ; eu égard aux symptômes présentés par l'intéressé, à l'absence d'antécédents, au traitement administré et aux résultats des examens réalisés, le fait d'avoir gardé M. E...en observation au service des urgences ne saurait en effet être considéré comme fautif ; il a bénéficié d'une surveillance régulière ;
Par un mémoire enregistré le 31 octobre 2016, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme fait savoir à la cour qu'elle n'entend pas conclure ;
Par ordonnance du 4 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 21 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.
1. Considérant que M.E..., né en 1981, a été victime, le 23 mai 2013, d'un malaise suivi d'un important état d'anxiété ayant nécessité une hospitalisation au service des urgences de l'hôtel Dieu du Creusot dépendant du groupe hospitalier Le Creusot-Montceau ; que les examens réalisés à la suite de ce malaise n'ayant pas permis de détecter d'anomalie, M. E... a été autorisé à regagner son domicile ; que, le 27 mai 2013, il a été admis dans le service des urgences de l'hôpital Gabriel Montpied, dépendant du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, pour un nouvel épisode d'angoisse avec impression de mort imminente ; que M. E...a été gardé en surveillance, en vue d'une réévaluation de son état psychique, dans le service des urgences pour la nuit avec un traitement anxiolytique ; que, le 28 mai, vers 6h45, il a tenté de se suicider en se défenestrant ; que, compte tenu des séquelles résultant de cette tentative de suicide, M. E...et son épouse ont formé une demande d'indemnisation auprès du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand qui a été rejetée ; que M. E... et son épouse ont alors saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand de demandes tendant à la reconnaissance de la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et à la désignation d'un expert pour évaluer les préjudices subis ; qu'ils relèvent appel du jugement du 12 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions à fin d'appel en déclaration de jugement commun :
2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) " ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la caisse doit être appelée en déclaration de jugement commun dans l'instance ouverte par la victime contre le tiers responsable, le juge étant, le cas échéant, tenu de mettre en cause d'office la caisse si elle n'a pas été appelée en déclaration de jugement commun ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme a été régulièrement mise en cause et a produit dans la présente instance ; qu'il y a lieu, ainsi que le demandent les requérants, de lui déclarer commun le présent arrêt ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand :
3. Considérant que les époux E...font valoir que le centre hospitalier a commis une faute en ne prenant pas les mesures de surveillance et toutes les précautions nécessitées par l'état psychique de M. E...et ce alors qu'avait été porté à la connaissance du service des urgences l'épisode de malaise suivi d'une crise d'angoisse ayant conduit à son hospitalisation au service des urgences du Creusot le 23 mai 2013 ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que, le 23 mai 2013, M.E..., qui ne présentait pas d'antécédents psychiatriques, a été examiné par les médecins du service des urgences de l'hôtel Dieu du Creusot qui lui ont uniquement prescrit un traitement anxiolytique à sa sortie du service pour traiter sa crise d'angoisse ; que, selon les déclarations au service de police du psychiatre qui a examiné M. E...dans la soirée du 27 mai 2013, le patient était anxieux et avait peur de mourir mais ne présentait pas de " désorientation tempo-spatiale, il n'exprimait pas d'idées tristes ou d'idées suicidaires " ; que ce constat est également partagé par l'infirmière de garde, MmeC..., qui indique, dans un procès-verbal, qu'" à aucun moment, il n'a fait état d'un désir de mourir " ; qu'il a été gardé sous surveillance pendant la nuit, placé dans un box du service des urgences et a été examiné à plusieurs reprises ; que si à 5h00, il a remis une lettre au personnel infirmier sur laquelle figurait la mention " Adieu mes amours ", le verso de la lettre comportait également des projets de vie de telle sorte que cette lettre ne pouvait alerter le personnel soignant quant à une éventuelle aggravation de son état d'angoisse ; qu'à 6h20, l'infirmière de service, qui s'est présentée à M. E..., a pu constater une amélioration de son état psychique ; que, par suite, le comportement de l'intéressé ne révélait ni un état d'énervement particulier ou une attitude agressive ni un état de détresse justifiant un traitement spécifique pour des troubles psychiatriques ou une orientation vers une structure d'accueil spécialisée ; qu'ainsi, aucune faute résultant d'une erreur dans le diagnostic et dans l'orientation du patient ne peut être retenue à la charge du centre hospitalier ;
4. Considérant qu'en l'absence de prescription médicale de mesures particulières de surveillance ainsi qu'en l'absence de circonstances pouvant laisser prévoir son geste dans les moments qui l'ont précédé, le fait que M. E...ait pu accéder à un couloir pourvu d'une fenêtre qu'il était possible d'ouvrir, et qu'il n'ait pas fait l'objet d'une surveillance constante ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme constitutif d'une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service de nature à engager la responsabilité de l'administration hospitalière ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes tendant à l'engagement de la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et à la désignation d'un expert ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ; qu'aucun dépens n'ayant été exposé dans la présente instance, leurs conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.
Article 2 : La requête de M. et Mme E... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E..., au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 novembre 2018.
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N° 16LY03125