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25/10/2018 | FRANCE | N°16LY02312

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 25 octobre 2018, 16LY02312


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la délibération du 7 mai 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de La Roche Noire a mis à sa charge et à celle de son épouse la somme de 50 279,03 euros correspondant aux frais des travaux prescrits par arrêté de péril du 12 janvier 2012 édicté à leur encontre par le maire de la commune et exécutés d'office par celle-ci et de le décharger de l'obligation de payer ladite somme de 50 279,03 euros qui lui a été

notifiée, ainsi qu'à son épouse, par titre de perception émis le 21 mai 2015 p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la délibération du 7 mai 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de La Roche Noire a mis à sa charge et à celle de son épouse la somme de 50 279,03 euros correspondant aux frais des travaux prescrits par arrêté de péril du 12 janvier 2012 édicté à leur encontre par le maire de la commune et exécutés d'office par celle-ci et de le décharger de l'obligation de payer ladite somme de 50 279,03 euros qui lui a été notifiée, ainsi qu'à son épouse, par titre de perception émis le 21 mai 2015 par le maire de la commune.

Par un jugement n° 1501217 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 juillet 2016, M. E... B..., représenté par la SCP Collet-de Rocquigny-Chantelot-Brodiez et Associés, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1501217 du 12 mai 2016 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler la délibération du 7 mai 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de La Roche Noire a mis à sa charge et à celle de son épouse la somme de 50 279,03 euros correspondant à une partie des frais de travaux prescrits par arrêté de péril du 12 janvier 2012 du maire de la commune et exécutés d'office par celle-ci ;

3°) de le décharger de l'obligation de payer ladite somme de 50 279,03 euros qui lui a été notifiée, ainsi qu'à son épouse, par titre de perception émis le 21 mai 2015 par le maire de la commune de La Roche Noire.

Il soutient que :

- la délibération litigieuse du 7 mai 2015 est entachée d'erreur de droit, dès lors que les travaux mis à leur charge portent sur l'entretien d'un mur dont la seule fonction aujourd'hui est le soutènement de la rue des Soeurs située en surplomb, voie publique communale, qui appartient ainsi à la commune et donc à son domaine public routier et qui constitue également un ouvrage public ;

- elle est entachée de détournement de pouvoir, dès lors que les travaux litigieux, consistant en une injection de béton en vingt-deux endroits, ont eu pour but la consolidation de la voirie communale alors que l'arrêté de péril du 12 janvier 2012 visait seulement le confortement du mur de soutènement et qu'ils excèdent ceux prescrits par l'ordonnance du 11 décembre 2013 du juge des référés du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand prévoyant simplement la prolongation du contremur de M. B... ;

- le titre de perception du 21 mai 2015 est illégal du fait de l'illégalité de la délibération du 7 mai 2015.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2017, la commune de La Roche Noire, représentée par la SELARL DMMJB Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable en ce qu'elle ne critique aucunement le jugement rendu en première instance ;

- les conclusions de la requête dirigées contre le titre de perception du 21 mai 2015 sont irrecevables car dépourvues de moyens à l'encontre de ce titre ;

- les moyens présentés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Drouet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- les observations de Me Juilles, avocat de la commune de La Roche Noire.

1. Considérant que, par arrêté de péril du 12 janvier 2012 devenu définitif, le maire de la commune de La Roche Noire (Puy-de-Dôme) a mis en demeure M. et MmeB..., propriétaires de l'immeuble cadastré section ZC n° 181 sis 2 rue des Caves, de faire cesser le péril résultant de l'état du mur situé sur cette parcelle en faisant procéder au plus tard le 20 avril 2012 aux travaux prescrits dans le rapport d'expertise du 14 octobre 2011 de M. C... désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; que, par arrêté du 14 juin 2012 devenu définitif, le maire de la même commune a mis en demeure M. et Mme B...de procéder à l'exécution de l'arrêté de péril précité dans un délai de deux mois ; qu'en application des mêmes dispositions du code de la construction et de l'habitation, le maire de la commune a fait procéder d'office à l'exécution des travaux prescrits dans l'arrêté de péril du 12 janvier 2012 et dont le montant de 50 279,03 euros a été mis à la charge de M. et Mme B...par délibération du 7 mai 2015 du conseil municipal de la commune ; que M. B... relève appel du jugement n° 1501217 du 12 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération et à la décharge de l'obligation de payer ladite somme de 50 279,03 euros qui lui a été notifiée, ainsi qu'à son épouse, par titre de perception émis le 21 mai 2015 par le maire de la commune ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant que le mémoire introductif d'appel de M.B..., présenté dans le délai de recours contentieux, ne constitue pas la seule reproduction littérale de ses écritures de première instance et comporte notamment, en sa page 6, une critique du jugement attaqué et, en sa page 10, à l'encontre du titre de perception émis le 21 mai 2015, un moyen tiré de l'exception d'illégalité de la délibération du 7 mai 2015 ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative qui prévoit que la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction applicable au litige : " (...) / IV.-Lorsque l'arrêté de péril n'a pas été exécuté dans le délai fixé, le maire met en demeure le propriétaire d'y procéder dans un délai qu'il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois. / A défaut de réalisation des travaux dans le délai imparti, le maire, par décision motivée, fait procéder d'office à leur exécution. Il peut également faire procéder à la démolition prescrite, sur ordonnance du juge statuant en la forme des référés, rendue à sa demande. / (...) / Lorsque la commune se substitue au propriétaire défaillant et fait usage des pouvoirs d'exécution d'office qui lui sont reconnus, elle agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais. / (...) " ;

4. Considérant que le mur de soutènement d'une voie publique ne saurait constituer une dépendance du domaine public dès lors que cette construction est édifiée sur une parcelle appartenant à une personne privée ;

5. Considérant qu'il est constant que, par acte de vente du 31 décembre 1986, M. B... a acquis un ancien bâtiment en ruines, cour en contrebas de la rue des Soeurs, figurant au n° 181 de la section ZC du cadastre de la commune de La Roche Noire ; qu'il résulte du rapport de l'expertise du 9 septembre 2011 de M. A..., désigné par deux ordonnances respectivement du juge des référés du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand du 24 février 2009 et du juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 16 juin 2009, dans le cadre d'un litige de désordres immobiliers opposant les époux D...à la commune de La Roche Noire et à des riverains, dont M. B..., que le soutènement de la rue des Soeurs est assuré par les parties enterrées des murs en pierre de maisons qui bordent cette rue, dont celle située sur la parcelle cadastrée section ZC n° 181 et qui était en ruines au moment de son acquisition par M. B... fin 1986, ainsi qu'il vient d'être dit ; que, dans ces conditions, et alors que l'existence d'une mitoyenneté du mur de pierres présentement en litige avec la rue des Soeurs ne ressort pas de l'extrait de matrice cadastrale issue du remaniement de 1986 qu'a produit la commune en première instance, ledit mur de pierres, qui provient ainsi d'une ancienne maison d'habitation sise sur la parcelle cadastrée section ZC n° 181, est entièrement implanté sur cette parcelle appartenant à M. B... et est ainsi sa propriété ; que si, par délibération du 11 avril 1959, le conseil municipal de La Roche Noire a décidé de prendre en charge une partie des travaux de construction d'un mur de soutènement séparant la propriété Planche d'un chemin communal, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel, qu'il s'agisse du mur litigieux, qui était déjà édifié en 1959, ni que la voirie communale en cause soit la rue des Soeurs ; que, dès lors, sans qu'il y ait lieu de saisir le juge judiciaire d'une question préjudicielle de propriété, le mur litigieux ne saurait être regardé comme une dépendance du domaine public routier communal ;

6. Considérant, toutefois, que la circonstance qu'un ouvrage n'appartienne pas à une personne publique ne fait pas obstacle à ce qu'il soit regardé comme une dépendance d'un ouvrage public s'il présente, avec ce dernier, un lien physique ou fonctionnel tel qu'il doive être regardé comme un accessoire indispensable de l'ouvrage ;

7. Considérant qu'il est constant que le mur litigieux est destiné à soutenir la voie publique rue des Soeurs passant en surplomb du terrain appartenant à M. B... ; que ce mur constitue ainsi l'accessoire de l'ouvrage public que constitue la voie communale et présente, dès lors, lui-même le caractère d'un ouvrage public, alors même qu'il est implanté dans sa totalité sur le terrain privé de l'intéressé et qu'il est sa propriété ; qu'il s'ensuit que la commune en a la garde et doit en assurer l'entretien ; que, dans ces conditions, le maire de la commune de La Roche Noire ne pouvait légalement mettre en oeuvre, s'agissant de ce mur, la procédure de péril prévue à l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation ; qu'il suit de là que le requérant est fondé à soutenir que la commune de La Roche Noire ne pouvait sans erreur de droit mettre à la charge des épouxB..., par la délibération du 7 mai 2015 et le titre de perception du 21 mai 2015, les frais des travaux prescrits par l'arrêté de péril édicté à leur encontre le 12 janvier 2012 ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 50 279,03 euros qui lui a été notifiée, ainsi qu'à son épouse, par la délibération du 7 mai 2015 du conseil municipal de la commune de La Roche Noire et par le titre de perception émis le 21 mai 2015 par le maire de la commune ;

Sur les frais liés au litige :

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La Roche Noire la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la commune de La Roche Noire soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1501217 du 12 mai 2016 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : M. B... est déchargé de l'obligation de payer la somme de 50 279,03 euros qui lui a été notifiée, ainsi qu'à son épouse, par la délibération du 7 mai 2015 du conseil municipal de la commune de La Roche Noire et par le titre de perception émis le 21 mai 2015 par le maire de la commune.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... et les conclusions présentées par la commune de La Roche Noire sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B...et à la commune de La Roche Noire.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 octobre 2018.

2

N° 16LY02312


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02312
Date de la décision : 25/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Domaine - Domaine public - Consistance et délimitation - Domaine public artificiel - Biens faisant partie du domaine public artificiel - Voies publiques et leurs dépendances.

Police - Polices spéciales.

Travaux publics - Notion de travail public et d'ouvrage public - Ouvrage public - Ouvrage présentant ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SCP COLLET-DE ROCQUIGNY CHANTELOT-ROMENVILLE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-25;16ly02312 ?
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