Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société MGN a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 16 septembre 2014 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge une somme de 6 980 euros au titre de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et une somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un jugement n° 1501363 du 9 mai 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 juillet 2017 et un mémoire enregistré le 11 septembre 2018, la société MGN, représentée par Me Refouvelet, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 mai 2017 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre à l'OFII de lui restituer les sommes indument versées ;
4°) de mettre à la charge de l'OFII une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle est de bonne foi, le salarié concerné ayant été régulièrement déclaré et étant titulaire d'une carte d'identité italienne et d'un permis de séjour italien d'une validité illimitée ;
- la décision méconnaît l'article R. 8253-2 du code du travail dès lors qu'elle a versé les salaires et indemnités dus au salarié concerné ;
- la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement méconnaît les dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'administration ne pouvant, comme elle l'a fait, mettre cette contribution à la charge de deux sociétés différentes pour le même salarié, qui en outre n'a pas été effectivement reconduit.
Par un mémoire enregistré le 31 mai 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me Schegin, avocat, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société MGN d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Clot, président,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Au mois d'octobre 2013, les services de la police nationale ont eu connaissance de l'emploi par la société MGN de Mme A..., ressortissante tunisienne démunie de titre l'autorisant à séjourner et travailler en France. Le 16 septembre 2014, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de cette société les sommes de 6 980 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La société MGN fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
2. Par la décision contestée du 16 septembre 2014, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rappelé à la société MGN que par une précédente lettre, du 28 février 2014, il lui avait été indiqué qu'elle avait fait l'objet le 15 octobre 2013 d'un procès-verbal constatant l'infraction d'emploi d'une salariée, Mme A..., démunie d'autorisations de séjour et de travail en France. La décision mentionne notamment l'article L. 8253-1 du code du travail et l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, quelle que soit la pertinence de ses motifs, elle est suffisamment motivée.
Sur le bien-fondé de la contribution spéciale :
3. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". L'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État et est au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 et, en cas de réitération, à 25 000 fois ce même taux. /L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. / Elle est recouvrée par l'État comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. (...) ".
4. L'article R. 8253-1 du même code prévoit que : " La contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est due pour chaque étranger employé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui a embauché ou employé un travailleur étranger non muni d'une autorisation de travail. "
5. Il ressort des pièces du dossier que la société MGN a employé Mme A..., pour laquelle elle a notamment souscrit une déclaration préalable d'embauche. Si cette salariée a produit une carte d'identité italienne, ce document indique qu'elle possède la nationalité (" cittadinanza ") tunisienne et elle était munie d'un permis de séjour délivré par les autorités italiennes. L'intéressée ne détenait pas d'autorisation de travail en France. Dès lors, c'est à bon droit que la société MGN, qui ne peut utilement invoquer sa bonne foi, a été assujettie à la contribution spéciale que prévoit l'article L. 8253-1 du code du travail.
6. Aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. /II. - Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; /2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. /III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) "
7. L'article R. 8252-6 du même code ajoute que : " L'employeur d'un étranger sans titre s'acquitte par tout moyen, dans le délai mentionné à l'article L. 8252-4, des salaires et indemnités déterminés à l'article L. 8252-2. /Il remet au salarié étranger sans titre les bulletins de paie correspondants, un certificat de travail ainsi que le solde de tout compte. Il justifie, auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par tout moyen, de l'accomplissement de ses obligations légales. ". Le délai mentionné à l'article L. 8252-4 est " un délai de trente jours à compter de la constatation de l'infraction ".
8. La société MGN se borne à produire des bulletins de paie au nom de Mme A... pour les mois de mars 2013 et janvier 2014. Elle ne justifie pas avoir, dans le délai de trente jours suivant la constatation de l'infraction, satisfait à l'ensemble des obligations au respect desquelles est subordonnée la réduction que prévoient les dispositions du III de l'article R. 8253-2 du code du travail.
Sur le bien-fondé de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement :
9. Aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. (...) ".
10. Aux termes de l'article R. 626-1 du même code : " I. - La contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 est due pour chaque employé en situation irrégulière au regard du droit au séjour. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui, en violation de l'article L. 8251-1 du code du travail, a embauché ou employé un travailleur étranger dépourvu de titre de séjour. (...) ".
11. Mme A..., de nationalité tunisienne, n'étant pas autorisée à séjourner en France c'est à bon droit que la société MGN a été soumise à la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement que prévoient ces dispositions.
12. Il résulte des dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la contribution forfaitaire qu'elles prévoient, qui a le caractère d'une sanction administrative, n'est pas subordonnée à la justification par l'administration du réacheminement effectif vers son pays d'origine de l'étranger employé irrégulièrement. Si Mme A... était également employée irrégulièrement par une autre société, à laquelle a également été infligée la sanction que prévoient ces dispositions, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé de la décision en litige.
13. Il résulte de ce qui précède que la société MGN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société MGN le paiement à l'Office français de l'immigration et de l'intégration d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de société MGN est rejetée.
Article 2 : La société MGN versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société MGN et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 1er octobre à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2018.
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N° 17LY02594