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22/10/2018 | FRANCE | N°17LY02232

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 22 octobre 2018, 17LY02232


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 21 avril 2015 de mettre à sa charge une contribution spéciale d'un montant de 7 020 euros sur le fondement de l'article L. 8253-1 du code du travail et une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un montant de 3 266 euros sur le fondement de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrange

rs et du droit d'asile ;

- de lui accorder la décharge de ces sommes, dont elle ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 21 avril 2015 de mettre à sa charge une contribution spéciale d'un montant de 7 020 euros sur le fondement de l'article L. 8253-1 du code du travail et une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un montant de 3 266 euros sur le fondement de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- de lui accorder la décharge de ces sommes, dont elle a été constituée débitrice par deux titres de perception émis le 11 juin 2015.

Par un jugement n° 1507121 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 juin 2017 et 10 juillet 2018, Mme B..., représentée par Me Roquel, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 avril 2017 ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée et de lui accorder la décharge demandée ou, subsidiairement, de réduire à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti la contribution spéciale en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la contribution spéciale n'est pas due compte tenu de la relaxe dont elle a bénéficié de la part du juge pénal en raison des vérifications et des démarches qu'elle a effectuées ; M. C... disposait d'un titre de séjour délivré par les autorités espagnoles ; cette contribution devait être limitée à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti, une seule infraction ayant été constatée ;

- la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine n'est pas due dès lors que M. C... ne se trouvait pas en situation irrégulière ; cet étranger a pu regagner l'Espagne par ses propres moyens.

Par des mémoires enregistrés les 28 juin et 18 juillet 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me Schegin, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Clot, président,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

- les observations de Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Lors d'un contrôle effectué le 18 septembre 2014 dans l'exploitation viticole de Mme B..., les services de la gendarmerie nationale ont constaté la présence, en situation de travail, de M. C..., ressortissant colombien dépourvu de titre l'autorisant à travailler en France. Par une décision du 21 avril 2015, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à la charge de Mme B... une contribution spéciale de 7 020 euros sur le fondement de l'article L. 8253-1 du code du travail et une contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement d'un montant de 3 266 euros sur le fondement de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Deux titres de perception ont été émis le 11 juin 2015. Mme B...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la décharge desdites sommes.

Sur le bien-fondé de la décision relative à la contribution spéciale :

2. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". L'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État et est au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 et, en cas de réitération, à 25 000 fois ce même taux. /L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. / Elle est recouvrée par l'État comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. (...) ".

3. L'article R. 8253-1 du code du travail prévoit que : " La contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est due pour chaque étranger employé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui a embauché ou employé un travailleur étranger non muni d'une autorisation de travail. " L'article R. 8253-3 de ce code ajoute que : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. " Aux termes de l'article R. 8253-4 du même code : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. / La créance est recouvrée par le comptable public compétent comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. "

4. En premier lieu, selon le procès-verbal établi par les services de la gendarmerie nationale de Villefranche-sur-Saône, lors d'opérations de contrôle effectuées le 18 septembre 2014 dans l'exploitation viticole de Mme B..., M. C..., de nationalité colombienne, qui participait aux vendanges, était démuni d'une autorisation de travail en France. Même si l'intéressé était titulaire d'un titre de séjour délivré par les autorités espagnoles et si Mme B... avait effectué des démarches en vue de l'obtention d'un " titre emploi simplifié agricole " (TESA), elle se trouvait dans le cas que prévoit l'article L. 8253-1 du code du travail, dans lequel la personne qui a employé un travailleur étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France est redevable d'une contribution spéciale.

5. En deuxième lieu, si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tiré de ce que les faits reprochés à l'accusé ne sont pas établis ou qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative d'apprécier si la matérialité de ces faits est avérée et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application d'une sanction administrative.

6. Mme B... se prévaut du jugement du tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône du 20 janvier 2015 la relaxant des fins des poursuites engagées contre elle pour avoir employé illégalement un travailleur étranger. Ce jugement repose sur le motif tiré de ce que, compte tenu des vérifications qu'elle a effectuées et de la déclaration préalable à l'embauche qu'elle a souscrite, l'élément intentionnel de l'infraction n'est pas établi. Ces énonciations, de caractère juridique, qui ne constituent pas de simples constatations de faits, ne sont pas revêtues de l'autorité de la chose jugée s'attachant à ce jugement. Dès lors, pour les motifs mentionnés au point 4 ci-dessus, l'administration a pu mettre à la charge de Mme B... la contribution spéciale prévue par le code du travail.

7. Enfin, selon le III de l'article R. 8253-2 du code du travail, lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. L'article R. 8252-6 prévoit que : " L'employeur d'un étranger sans titre s'acquitte par tout moyen, dans le délai mentionné à l'article L. 8252-4, des salaires et indemnités déterminés à l'article L. 8252-2. (...) ". Le délai mentionné à l'article L. 8252-4 est " un délai de trente jours à compter de la constatation de l'infraction ".

8. Si Mme B... se prévaut des dispositions du III de l'article R. 8253-2 du code du travail, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle a satisfait à l'ensemble des obligations au respect desquelles est subordonnée la réduction qu'elles prévoient.

Sur le bien-fondé de la décision relative à la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement :

9. Aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. (...) ".

10. Aux termes de l'article R. 626-1 du même code : " I. - La contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 est due pour chaque employé en situation irrégulière au regard du droit au séjour. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui, en violation de l'article L. 8251-1 du code du travail, a embauché ou employé un travailleur étranger dépourvu de titre de séjour. (...) ".

11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5221-5 du code du travail : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. (...) ". Selon les dispositions 8° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, si cet étranger " qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu l'article L. 5221-5 du code du travail ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui ne résidait pas régulièrement en France depuis plus de trois mois, a exercé une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable une autorisation de travail, en méconnaissance de l'article L. 5221-5 du code du travail. Ainsi, il était au nombre des étrangers susceptibles de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Dès lors, Mme B... ne saurait soutenir, à l'appui de sa contestation de la contribution représentative des frais de réacheminement en litige, que M. C... ne se trouvait pas en situation de séjour irrégulier.

13. En second lieu, les dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonnent pas la mise à la charge de l'employeur de la contribution représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine à la justification, par l'administration, du caractère effectif de ce réacheminement et sont applicables alors même que l'étranger a pu, comme en l'espèce, regagner par ses propres moyens le pays dont il provient.

14. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration tendant au bénéfice de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2018.

5

N° 17LY02232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02232
Date de la décision : 22/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP AXIOJURIS -MES DESILETS - ROBBE - ROQUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-22;17ly02232 ?
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