Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme E...C..., M. G...C...et Mlle J...C... ; leur fille mineure pour laquelle ils agissent en qualité de représentants légaux, représentés par MeK..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon, dans le dernier état de leurs écritures le 19 février 2015 :
1°) à titre principal, de condamner les Hospices civils de Lyon à leur verser la somme totale de 64 241,77 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la demande préalable et capitalisation des intérêts, tant en leur qualité d'ayants droits qu'en leur qualité de victime indirecte, en réparation du décès de leur fille et soeur Jenna le 4 avril 2010 ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise afin de savoir si la prise en charge de leur fille et les soins prodigués lors de la surveillance de l'accouchement le 2 avril 2010 ont été consciencieux, attentifs, conformes aux règles de l'art et aux données acquises de la science à l'époque où ils ont été dispensés et si la surveillance du travail le 2 avril 2010 a été conforme aux bonnes pratiques et pour le cas où aucune faute ne serait établie, si ces problèmes de santé relèvent d'une indemnisation par la solidarité nationale au titre d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale ;
3°) en tout état de cause, de mettre à la charge des responsables la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire enregistré le 24 juin 2015, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône agissant par son directeur général par intérim, a demandé au tribunal administratif de Lyon de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon le versement de la somme de 4 821 euros au titre des prestations servies, outre intérêts de droit et de la somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire.
Par un jugement n° 1400176 du 27 septembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 novembre 2016 et le 22 septembre 2017, Mme E...C..., M. G...C...et Mlle J...C..., leur fille mineure pour laquelle ils agissent en qualité de représentants légaux, représentés par Me K..., demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures ;
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 septembre 2016 ;
2°) de condamner les Hospices civils de Lyon à verser, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la demande préalable et capitalisation des intérêts, en réparation du décès de leur fille et soeur Jenna le 4 avril 2010 :
- à M. et Mme C...en leur qualité d'ayants droits de Jenna une somme de 6 075 euros ;
- à M. et Mme C...en leur qualité de victimes indirectes une somme de 43 466,77 euros ;
- à Mlle J...C...en sa qualité de victime indirecte une somme de 15 000 euros ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise avant-dire-droit afin de se voir communiquer l'entier dossier médical dont le partogramme et de surseoir à statuer sur leurs demandes ;
4)°à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise médicale confiée à un collège d'expert ;
5°) de déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, à la mutuelle Existence et à l'ONIAM ;
6°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- il existe des divergences d'approche entre l'expertise et la contre-expertise diligentées par la CRCI ;
- la contre-expertise a mis en évidence une perte de chance de survie dans le cadre de la surveillance par l'équipe médicale de Mme C...en salle de travail ; MmeC..., malgré ses appels consécutifs à la répétition de signaux d'alarme concernant les tracés d'enregistrement des risques cardiaques des foetus, n'a pas été examinée par le personnel soignant entre 13h30 et 14h15/20 ; aucune preuve n'est fournie sur une échographie qui aurait été réalisée par une sage-femme à 14h10 ; l'équipe médicale n'a pas pris en compte le signal d'alarme de surveillance des foetus ; il existe des lacunes dans le dossier médical sur la qualité et la fréquences des actes de soins et de surveillance effectivement réalisés ; dans le contexte médical de l'espèce (grossesse gémellaire à risque avec hospitalisation en urgence pour déclenchement de l'accouchement), tous les moyens humains n'ont pas été mis en oeuvre pour assurer une surveillance optimale de Mme C...et des foetus ; l'absence de partogramme et l'absence d'exhaustivité du dossier médicale ne sauraient conduire à estimer que les soins ont été conformes ; il existe des carences fautives dans la surveillance de MmeC... ;
- la perte de chance peut être estimée à 50 % au regard de l'analyse des experts D...et Siméoni ;
- il y a lieu à titre subsidiaire, si la cour s'estime insuffisamment informée, d'ordonner avant-dire-droit que les Hospices civils de Lyon produisent l'entier dossier médical dont le partogramme et de surseoir à statuer ou d'ordonner une nouvelle expertise médico-légale ;
- le déficit fonctionnel temporaire de Jenna doit être évalué pour 3 jours à 75 euros et une telle somme doit être mise à la charge des Hospices civils de Lyon ;
- les souffrances endurées par la petite Jenna doivent être évaluées à 6 sur une échelle de 7 et doivent être indemnisés compte tenu du taux de perte de chance de 50 % à 5 000 euros ;
- le préjudice esthétique temporaire de Jenna peut après abattement du taux de perte de chance de 50 % être évalué à 1 000 euros ;
- des restes à charge pour le suivi psychologique de Morjiane, soeur jumelle de Jenna, devront être remboursés sur factures ;
- doivent être remboursés les honoraires du DrF..., médecin conseil à hauteur de 1 790 euros, les frais de copie et de transmission du dossier médical pour 78,77 euros, les frais de de déplacement aux expertises pour un montant forfaitaire de 300 euros, les frais de déplacement pour se rendre aux réunions de la CRCI pour un montant forfaitaire de 300 euros ; les frais d'obsèques de Jenna pour un montant facturé de 998 euros ;
- les préjudices d'affection et les troubles dans les conditions d'existence doivent être indemnisés à hauteur de 20 000 euros pour chacun des parents ;
- le préjudice d'affection doit être évalué pour Morjiane, la soeur jumelle de Jenna, à 15 000 euros ;
Par un mémoire enregistré le 17 janvier 2017, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par UGGC et associés, fait valoir qu'aucune demande indemnitaire n'a été réalisée à son encontre et conclut à sa mise hors de cause.
Il soutient que :
- les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies car les préjudices allégués ne sont pas imputables à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins et car la condition d'anormalité n'est pas remplie ;
Par courrier du 2 mai 2017, la cour a mis en demeure les Hospices civils de Lyon de produire sous un délai d'un mois.
Par un mémoire enregistré le 2 juin 2017, les Hospices civils de Lyon, représentés par MeI..., concluent au rejet de la requête.
Ils soutiennent que :
- aucune surveillance insuffisante n'est à l'origine d'une perte de chance de survie de 50 % de l'enfant Jenna ;
- du fait de la difficulté technique à diagnostiquer la bradycardie, aucune perte de chance de survie ne peut être imputée aux hospices civils de Lyon comme l'a retenu la CRCI dans son avis du 12 novembre 2013 ;
- la demande d'une expertise avant-dire-droit n'est pas justifiée au cas d'espèce et serait frustratoire compte tenu de l'expertise et de la contre-expertise ayant été diligentée par la CRCI ;
- les chefs de préjudice ne sont justifiés ni dans leur principe ni dans leur quantum ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cottier, rapporteur,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me Pontille, avocat des consortsC....
1. Considérant que MmeC..., présentant une grossesse gémellaire monochoriale bi-amniotique de 36 semaines et 4 jours d'aménorrhées, a été hospitalisée pour grossesse pathologique le 1er avril 2010 à l'hôpital Femme-mère-enfant, qui dépend des Hospices civils de Lyon ; que, le 2 avril 2010, Mme C...a été transférée en salle d'accouchement à 10 h 15 ; qu'ont été mises en place une péridurale et une surveillance du rythme cardiaque foetal de chacun des deux foetus par monitoring ; qu'en raison des interruptions de relevé du rythme cardiaque de la première jumelle, une césarienne d'urgence a été réalisée à compter de 14 h 35 permettant la naissance à 14 h 46 d'une première fille, Jenna, puis à 14 h 48 d'une seconde fille, Morjiane ; que, toutefois, l'enfant Jenna, née en état de mort apparente, a présenté une encéphalopathie néonatale sévère qui a conduit l'équipe soignante, avec l'accord des parents, à une limitation des soins ; qu'elle est décédée le 4 avril 2010 à 17 h 30 ; que M. et Mme C...ont alors saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de la région Rhône-Alpes ; que cette commission, après réception du rapport des docteurs Martin-Lebrun et Tourame, experts qu'elle avait désignés, a fait réaliser une seconde expertise médicale par les docteurs D...et Siméoni ; que le rapport d'expertise des Drs D...et Siméoni déposé le 6 septembre 2013 a conclu à l'existence d'un défaut de surveillance du rythme foetal cardiaque de Jenna par l'équipe soignante et à une perte de chance de survie pouvant être estimée au maximum à 50 % compte tenu des difficultés diagnostiques et de la pathologie ; que la CRCI a rendu un avis le 13 novembre 2013 constatant des divergences d'analyse entre les deux expertises sur l'existence d'un défaut de surveillance de Mme C...à partir de 14 h 00 ; que la CRCI a toutefois considéré que des difficultés techniques d'enregistrement du rythme cardiaque foetal de l'enfant Jenna avaient empêché de dépister la survenue de l'altération de celui-ci aussi rapidement que ce qui aurait été nécessaire et que tous les moyens disponibles et connus ont été employés par les équipes des Hospices civils de Lyon pour la surveillance des rythmes cardiaques foetaux des jumelles ; que la CRCI a estimé qu'aucun manquement dans la prise en charge de l'accouchement ne pouvait être à l'origine d'une perte de chance de survie et qu'aucun droit à indemnisation ne pouvait être retenu sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-1 I du code de la santé publique ; que leur réclamation préalable ayant été rejetée par les Hospices civils de Lyon, M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Lyon en leur qualité d'ayants droit de leur fille Jenna, en leur nom personnel et en tant que représentants légaux de leur fille Morjiane, de condamner les Hospices civils de Lyon à les indemniser et à titre subsidiaire de faire procéder à une expertise avant-dire-droit ; que le tribunal administratif de Lyon par jugement du 27 septembre 2016, dont M. et Mme C...relèvent appel, a rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions à fin d'appel en déclaration de jugement commun :
2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) " ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la caisse doit être appelée en déclaration de jugement commun dans l'instance ouverte par la victime contre le tiers responsable, le juge étant, le cas échéant, tenu de mettre en cause d'office la caisse si elle n'a pas été appelée en déclaration de jugement commun ; que tel n'est pas le cas concernant les mutuelles ; que, dès lors, les conclusions de M. et Mme C...tendant à ce que la mutuelle Existence soit appelée en déclaration de jugement commun ne peuvent pas dès lors être accueillies; que la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a été régulièrement mise en cause et s'est abstenue de produire ; qu'il y a lieu, ainsi que le demandent les requérants, de lui déclarer commun le présent arrêt ;
Sur la responsabilité des Hospices civils de Lyon :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) " ;
4. Considérant que M. et Mme C...font valoir que la responsabilité des Hospices civils de Lyon est engagée pour défaut de surveillance entre 13 h 55, horaire de perte de captation du rythme cardiaque foetale de Jenna, et 14 h 15, et pour retard fautif à identifier cette défaillance du rythme et la bradycardie sévère ayant affecté le foetus ; qu'ils mentionnent que l'enregistrement du rythme cardiaque foetal pour Jeanna a présenté des anomalies vers 11 h 00 puis à compter de 13 h 55, que les appareils de surveillance des foetus étaient équipés d'un signal d'alarme qui n'a pas été pris en compte par l'équipe médicale et que MmeC..., qui a appelé l'équipe médicale pour lui signaler les alarmes des appareils de surveillance des rythmes foetaux est restée seule jusqu'à 14 h 15 et n'a pas fait l'objet d'examens pendant cette période ; qu'ils soulignent également qu'il n'est pas établi qu'une échographie a été effectivement réalisée entre 14 h 15 et 14 h 30, horaire de découverte de la bradycardie et que des résultats normaux sur les 2 foetus auraient été constatés lors de cette échographie; qu'ils font aussi état de l'absence de suivi par partogramme de l'état de Mme C...et des foetus ; qu'ils se prévalent aussi de l'analyse du Dr D...et du Pr Siméoni réalisée dans le cadre de la contre-expertise de la CRCI faisant état d'un défaut de surveillance des deux foetus à compter de 14 h 00, un seul rythme foetal étant enregistré par les appareils jusqu'à 14 h 35, lequel a été à l'origine d'une perte de chance de survie pour Jenna ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du Dr D... et du Pr. Siméoni du 6 septembre 2013 ainsi que du rapport médical du Dr B...réalisé en octobre 2011 à la demande des consorts C...et non contesté par les Hospices civils de Lyon que, bien qu'aucun partogramme n'ait été réalisé, la surveillance par l'équipe soignante a été effectuée de manière correcte jusqu'à 13h30, les résultats des appareils étant régulièrement visualisés par les soignants ; que, toutefois, il résulte également de l'instruction et notamment de l'absence de toute note dans les documents fournis aux DrD..., Pr. Siméoni et au DrB..., sur une quelconque visite ou intervention de ladite équipe au cours de cette période, que Mme C... est restée sans surveillance par l'équipe soignante de 13 h 30 à 14 h 12 ; qu'il ressort également de ces rapports qu'à partir de 13 h 55, des pertes de signal foetal sont enregistrées pour Jenna et qu'entre 14 h 00 et 14 h 10, à part quelques reprises épisodiques du rythme pour Jenna, seul le rythme cardiaque foetal de sa soeur jumelle Morjiane est enregistré ; que ces deux rapports relèvent également que selon le dossier médical une échographie aurait été réalisée par le sage-femme vers 14 h 15 qui aurait conclu à un contrôle normal mais précisent qu'aucune pièce ne vient confirmer une telle mention et notamment pas les résultats d'un tel examen ; que ces rapports d'expertise convergent sur le fait qu'entre 14 h 15 et 14 h 30, horaire auquel a été appelé l'interne par le sage-femme, les difficultés d'enregistrement du rythme cardiaque de Jenna ont persisté entrainant cet appel à l'interne puis un appel par l'interne au Dr H... qui a décidé à 14 h 36 une césarienne code rouge pour bradycardie ; qu'il résulte également de l'instruction qu'une bradycardie sévère existait depuis au moins vingt minutes au moment où la décision de césarienne immédiate à 14 h 36 a été prise par le DrH... ; que, dans les circonstances de l'espèce et eu égard notamment au fait que la grossesse gémellaire de Mme C...était à risque et qu'elle avait été hospitalisée la veille du fait de tels risques, d'une part, l'absence de personnel soignant auprès de Mme C...entre 13 h 55 et 14 h 12, malgré ses appels faisant suite à des alertes sur les rythmes foetaux, et, d'autre part, le retard pris par le sage-femme à contacter un médecin alors que des incohérences existaient depuis 14 h 00 dans l'enregistrement des rythmes cardiaques des deux foetus et qu'aucun document n'a été fourni par le centre hospitalier pour justifier d'un contrôle par échographie à 14 h 15 attestant de la vitalité des deux foetus et de la normalité des rythmes foetaux à cet horaire, doivent être regardés comme établissant des manquements fautifs lors de la surveillance de Mme C...en salle de travail ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il n'existait pas de manque de diligence et d'attention lors de la surveillance de Mme C...en salle d'accouchement de nature à engager la responsabilité des Hospices civils de Lyon ;
6. Considérant, en second lieu, que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;
7. Considérant qu'eu égard à la circonstance qu'en laissant en souffrance foetale la petite Jenna entre 13 h 55 et 14 h 35 pendant plus de trente minutes dont au moins 20 minutes en bradycardie sévère, et au regard notamment des éléments de l'expertise du Dr D...et du Pr. Simeoni sur le contexte médical faisant état d'un taux de perte de chance de survie lié à de tels manquements dans la surveillance entre 13 h 55 et 14 h 30 pouvant être estimé au maximum à 50 %, lequel n'est pas remis en cause par les autres pièces du dossier, la perte de chance subie par cette dernière doit être fixée à 50 % du dommage ; que, par suite, les Hospices civils de Lyon doivent être condamnés à réparer 50 % des préjudices liés au décès de Jenna ;
Sur les préjudices :
Quant aux préjudices propres de Jenna :
8. Considérant que la petite Jenna est décédée le 4 avril 2010 ; qu'elle doit être regardée comme atteinte d'un déficit fonctionnel temporaire total pendant trois jours ; que, compte tenu du taux de perte de chance retenu de 50 %, il y a lieu de condamner les Hospices civils de Lyon à verser à M. et MmeC..., parents de Jenna, une somme de 30 euros en réparation d'un tel chef de préjudice ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise que la petite Jenna a été affectée d'une souffrance foetale aigue, a été intubée, a subi des transfusions et est décédée en état de détresse respiratoire ; que de telles souffrances ont été évaluées dans le cadre des expertises à 6 sur une échelle de 7 ; que sur la base d'un taux de perte de chance de 50 %, M. et Mme C...demandent une indemnisation de 5 000 euros ; que, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu du taux de perte de chance retenu de 50 %, il y a lieu de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 5 000 euros au titre de ce chef de préjudice ;
10. Considérant que la petite Jenna a subi un préjudice esthétique important à raison des actes de réanimation menés à la suite de la césarienne réalisée en urgence lesquels ont nécessité des intubations et des transfusions ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste estimation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 1 000 euros ; que, par suite, et compte tenu du taux de perte de chance de 50 %, les Hospices civils de Lyon doivent être condamnés à verser à M. et Mme C...en tant qu'ayants droit de leur fille Jenna une somme de 500 euros ;
Quant aux frais divers de M. et MmeC... :
11. Considérant que M et Mme C...justifient du paiement des honoraires du Dr F..., leur médecin conseil lors des expertises, pour un montant de 1 790 euros et des frais de copie et transmission d'un dossier médical pour 78,77 euros ; que M. et Mme C...produisent également la facture des frais funéraires et de transport du corps de Jenna pour son inhumation en Algérie pour un montant total de 998 euros ; que M. et Mme C...font état de frais de déplacement pour se rendre aux opérations d'expertise ordonnées par la CRCI pour un montant de 300 euros, lequel n'est pas contesté par les Hospices civils de Lyon et est en cohérence avec les distances séparant leur domicile des lieux d'expertise, en l'occurrence Marseille et Toulon ;
12. Considérant que M. et Mme C...se prévalent de futures dépenses de santé restant à leur charge liées à la prise en charge psychologique de la petite Morjianne, soeur jumelle de Jenna à raison du décès de celle-ci ; qu'ils font état à ce titre du certificat médical du Dr A... du 12 novembre 2013 ; que, toutefois, ce certificat ne saurait en tant que tel justifier la nécessité d'une prise en charge médicale de la petite Morjiane en lien direct avec les manquements commis par les Hospices civils de Lyon lors de la surveillance de Mme C...en salle d'accouchement ; que les requérants ne produisent pas d'autres pièces justificatives permettant d'établir un tel lien ; que, par suite, la responsabilité des Hospices civils de Lyon dans la responsabilité d'un tel préjudice, au demeurant éventuel, n'est pas établie ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été énoncé aux points 11 et 12 que le montant des frais divers liés au décès de la petite Jenna s'élève à la somme de 3 166,77 euros ; que, compte tenu du taux de la perte de chance retenu de 50 %, il y a lieu de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme arrondie à 1 583 euros ;
Quant aux troubles d'existence et préjudices d'affection des requérants :
14. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence et des préjudices d'affection subis par les parents de Jenna, du fait des conséquences dommageables des manquements imputables aux Hospices civils de Lyon et du décès de leur fille Jenna, en l'évaluant à 20 000 euros pour chacun des deux parents ; que, compte tenu du taux de perte de chance de 50 %, il y a ainsi lieu de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 10 000 euros pour M. C...et une somme de 10 000 euros pour MmeC... ;
15. Considérant que les deux jumelles sont nées le 2 avril 2010 ; que la petite Jenna est décédée le 4 avril 2010 ; que le certificat médical du 12 novembre 2013 du DrA..., rédigé sur un mode hypothétique, ne fait pas de lien direct entre certains troubles du sommeil connus par Morjiane depuis sa naissance et le décès de sa soeur ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection de Morjiane subi du fait du décès de sa soeur en l'évaluant à 6 000 euros ; que, compte tenu d'une perte de chance retenue de 50 %, il y a lieu de condamner les Hospices civils de Lyon à verser 3 000 euros à MorjianeC... ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
16. Considérant que les sommes mises à la charge des Hospices civils de Lyon aux points 8, 9, 10, 13, 14 et 15 doivent être assorties des intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2014, date d'enregistrement de leur demande par le greffe du tribunal administratif de Lyon ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 10 janvier 2014 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 10 janvier 2015, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date.
17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande indemnitaire ;
Sur les frais liés au litige :
18. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.
Article 2 : Le jugement n° 1400176 du 27 septembre 2016 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 3 : Les Hospices civils de Lyon sont condamnés à verser à M. et Mme C...la somme globale de 27 113 euros et à Mlle J...C...la somme de 3 000 euros. A ces sommes seront ajoutés les intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2014. Les intérêts échus à la date du 10 janvier 2015 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Les Hospices civils de Lyon verseront à M. et Mme C...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. et Mme C...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...C..., à Mme E...C..., aux Hospices civils de Lyon, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des maladies nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône. Copie en sera adressée à la mutuelle Existence.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.
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N° 16LY03863