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18/10/2018 | FRANCE | N°16LY01505

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 18 octobre 2018, 16LY01505


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Valence à leur verser une somme totale de 626 908 euros en réparation des préjudices subis en raison des travaux publics réalisés pour le compte de cette commune, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2012, date d'enregistrement de leur requête et de désigner, à titre subsidiaire, un nouvel expert et de condamner la commune de Valence à leur verser, dans l'attente, une somme de 428 410,52 euro

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Par un jugement n° 1201348 du 10 mars 2016, le tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Valence à leur verser une somme totale de 626 908 euros en réparation des préjudices subis en raison des travaux publics réalisés pour le compte de cette commune, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2012, date d'enregistrement de leur requête et de désigner, à titre subsidiaire, un nouvel expert et de condamner la commune de Valence à leur verser, dans l'attente, une somme de 428 410,52 euros.

Par un jugement n° 1201348 du 10 mars 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 mai 2016 et des mémoires complémentaires, enregistrés le 30 décembre 2016, le 23 octobre et le 14 décembre 2017, M. et MmeE..., représentés par le cabinet d'avocats G...-Nief-Croset, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 mars 2016 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) à titre principal, de condamner, sur la base du rapport d'expertise de M.B..., la commune de Valence à leur verser la somme totale de 626 908 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2012, en raison des préjudices subis du fait des travaux publics réalisés pour le compte de la commune, somme à parfaire dans le cadre de la nouvelle expertise sollicitée en référé ;

3°) à titre subsidiaire, de désigner un expert et de condamner la commune de Valence à leur verser, dans l'attente, la somme de 428 410,51 euros ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Valence la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les travaux réalisés par la société Giammatteo à l'origine des dommages ne l'ont pas été dans le cadre de la concession de service public d'adduction d'eau potable de la ville ; la commune de Valence a été le maître d'ouvrage de ces travaux ;

- sur le rapport d'expertise de M.H... : l'expert n'a pas respecté le principe du contradictoire dès lors qu'ils se sont retrouvés seuls face aux représentants de la ville de Valence ; l'expertise est fondée sur des faits matériellement inexacts ; il est établi qu'un sondage a été effectué à l'angle du mur Est du 46 rue Jean Jaurès, côté chéneaux, pour retrouver une conduite de plomb et les opérations d'expertise, réalisées au nord de la propriété, n'ont pas permis de le vérifier ; ce rapport d'expertise a été contredit par les experts en bâtiment ou assurance en 2009 et par l'expert, M.B..., désigné par le tribunal de grande instance ;

- le rapport d'expertise de M. B...désigné par le tribunal de grande instance de Valence indique que le sinistre survenu en 2006 trouve son origine dans les travaux publics réalisés à la demande et au nom de la ville de Valence par la société Sogea Rhône-Alpes et par la société Giammatteo ; compte tenu des contradictions entre les expertises, le tribunal administratif aurait dû à tout le moins désigner un nouvel expert ;

- sur la responsabilité de la commune de Valence : l'existence d'un lien de causalité direct entre les désordres et les travaux de voirie et réseaux effectués rue Jean Jaurès est établie ; il en va de même en ce qui concerne le creusement des tranchées et le raccordement sur le canal transitant devant l'immeuble ; les premiers désordres sur l'immeuble sont apparus en 2006 ; ce n'est pas la responsabilité de la société Veolia en qualité de concessionnaire du réseau d'eau potable qui doit être recherchée mais bien celle de la ville de Valence en qualité de maître d'ouvrage de tous les travaux publics ; la société Sogea Rhône-Alpes a été régulièrement convoquée aux réunions d'expertise avant l'arrêt de la cour d'appel de Lyon et le rapport d'expertise de M. B...est régulier à l'égard de cette société ; ce rapport d'expertise constitue un élément d'information du juge et il a été communiqué à toutes les parties dans le cadre de la présente procédure ; la circonstance que la procédure d'expertise a débuté et s'est poursuivie à la suite de la désignation de M. B...comme expert judiciaire par le juge des référés du tribunal de grande instance et malgré l'appel ne peut rendre irrégulière la procédure et son rapport d'expertise ; la société Giammatteo a creusé une tranchée au droit de la façade Est de l'immeuble ;

- les préjudices liés aux travaux sont évalués à 520 000 euros pour la valeur vénale de l'immeuble, à 76 908 euros pour la perte des loyers et à une somme de 30 000 euros au titre du coût de démolition de l'immeuble ;

Par un mémoire enregistré le 4 novembre 2016 et des mémoires complémentaires, enregistrés le 4 juillet et le 4 décembre 2017, la société Sogea Rhône Alpes, représentée par la SCP Fayol et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge des époux E...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sur l'expertise du M.H... : celui-ci a conclu à l'absence de lien de causalité entre les travaux réalisés par ses soins sous maîtrise d'ouvrage communale et les désordres subis par l'immeuble ; le caractère contradictoire de l'expertise a été respecté dès lors que l'ensemble des parties a été convoqué, que les conseils de M. E...ont décidé de leur propre initiative de ne pas être présents aux opérations d'expertise qui ont eu lieu l'après-midi, que les époux E...étaient présents l'après-midi ; que, concernant les prétendues inexactitudes du rapport d'expertise, les époux E...se fondent sur une attestation établie par M. C...qui ne respecte pas les formes prescrites par l'article 202 du code de procédure civile ; les opérations de sondage ont été complètes ; les investigations de l'expert sont complètes et exactes ;

- la gestion du service d'eau potable a été concédée par la ville de Valence à l'entreprise Veolia et les travaux n'ont été réalisés ni sous maîtrise d'ouvrage de la ville de Valence ni par l'entreprise Sogea ;

- sur l'expertise de M.B... : ce rapport d'expertise n'a pas été réalisé au contradictoire des parties et n'est pas opposable ;

- sur la responsabilité de la commune de Valence, la concomitance entre les désordres et les travaux ne suffit pas à caractériser le lien de causalité ; les épouxE..., tiers aux travaux, n'apportent pas la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre les travaux et leurs préjudices ;

- sur les préjudices : le chiffrage de la perte de valeur du bâtiment, évalué à 520 000 euros, ne résulte que de la production, par les demandeurs, de deux attestations d'une agence immobilière et d'un notaire ; ces attestations sont insuffisantes pour établir le préjudice ; l'expert judiciaire a donné un avis sur une spécialité qui n'est pas la sienne ;

Par un mémoire enregistré le 29 novembre 2016 et un mémoire complémentaire, enregistré le 5 octobre 2017 régularisé la 10 octobre 2018, la société Giammatteo, représentée par la SELARL Cabinet Robichon, conclut à titre principal au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce qu'une nouvelle expertise soit ordonnée, et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune partie ne demande la condamnation de la société et elle sera mise hors de cause ;

- la ville de Valence n'était pas maître de l'ouvrage des travaux réalisés par la société qui intervenait à la demande de Veolia laquelle a la qualité de fermière du réseau d'eau potable ;

- les époux E...n'établissent pas que le rapport de M. H...doit être écarté ; seul ce rapport est opposable aux parties et le rapport de M. B...ne peut être pris en compte ; seule la juridiction administrative était compétente pour ordonner une expertise ; l'expertise de M. B...ne s'est pas déroulée au contradictoire de la ville de Valence ; par arrêt du 7 octobre 2014, la cour d'appel de Grenoble a considéré que l'ordonnance critiquée devait être infirmée en ce qu'elle a déclaré opposable aux trois entreprises l'expertise de M.B... ; le rapport de M. B...ne pourra pas être pris en compte même comme élément d'information de la cour dès lors que l'expert n'a pas tenu compte de l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble et a retenu l'implication de la société et s'est abstenu d'annexer à son rapport les différents envois de son conseil ;

- sur sa mise hors de cause : les travaux réalisés par la société ont été effectués à 2,50 mètres de l'immeuble ; d'autres travaux ont été réalisés à proximité des façades de l'immeuble pour la commune de Valence mais non par la société ; l'hypothèse des époux E...selon laquelle une tranchée aurait été creusée en pied de façade Est n'est pas avérée ; l'attestation de M. C...est à prendre avec précaution dès lors qu'il a été licencié par la société pour faute grave en mai 2008 ;

- il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise car les époux E...n'établissent pas que l'expertise H...a été conduite de façon défaillante dès lors que le principe du contradictoire a été respecté et les constatations de l'expert ne sont pas fondées sur des faits matériellement inexacts ;

- sur les préjudices : les époux E...ne justifient pas les postes indemnitaires sollicités ni dans leur principe ni dans leur quantum ;

Par des mémoires enregistrés le 30 décembre 2016 et le 1er décembre 2017, la commune de Valence, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- toute demande de condamnation de la commune pour des travaux réalisés par la société Giammatteo est irrecevable ;

- sur le rapport d'expertise de M.H... : le principe du contradictoire a été respecté et les constatations factuelles sont justifiées ;

- Sur le rapport d'expertise de M.B... : les opérations d'expertise n'ont pas été menées au contradictoire de la commune ; les conclusions de ce rapport irrégulier ne sont pas opposables ;

- sur la responsabilité : l'expert, M.H..., note d'abord que d'importants travaux ont été réalisés sur le bâtiment entre 1989 et 1993 car il a été coupé en deux dans le sens de la longueur et amputé de sa moitié Nord sans aucun confortement structurel ; les tranchées avérées ont été réalisées sans impact sur la propriété des épouxE... ; l'expert retient comme cause des désordres les travaux sur l'immeuble, le revêtement de l'immeuble d'un épais enduit étanche à la vapeur d'eau, les travaux de construction du parking de la résidence des Tilleuls, l'apport d'eau supplémentaire par infiltration entre le revêtement enrobé du parking et la façade Nord ;

-sur les préjudices : le montant demandé correspond à une évaluation à laquelle elle n'a pas pu assister et les montants retenus par l'expert ne lui sont pas opposables ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de MeG..., représentant M. et MmeE..., de MeF..., représentant la société Sogea Rhône-Alpes et de MeD..., représentant la société Giammatteo.

1. Considérant que M. et Mme E...ont acquis en 1998 un immeuble à usage d'habitation situé 46 rue Jean Jaurès à Valence en vue de sa location pour l'hébergement d'étudiants ; qu'au cours des années 2001-2002, la ville de Valence a fait réaliser par la société Sogea Rhône-Alpes des travaux de détournement du canal de Californie qui s'écoule désormais sous le trottoir de la rue Jean Jaurès et parallèlement au mur pignon Est de l'immeuble ; qu'au cours des années 2006-2007, la ville de Valence a entrepris des travaux de réhabilitation de la voirie rue Jean Jaurès ; que, dans ce cadre, la société Sogea a procédé à d'importants travaux sur les réseaux d'eaux usées et d'eaux pluviales sous maîtrise d'ouvrage communale et la société Giammatteo a réalisé les travaux portant sur le réseau d'adduction d'eau potable sous maîtrise d'ouvrage du concessionnaire de la ville de Valence, la société Veolia ; que, par courrier du 7 octobre 2006, M. et Mme E...ont informé la commune de Valence de l'apparition de deux fissures sur le mur Est de l'immeuble litigieux et du gonflement du pied d'angle du mur Est Nord ; que les épouxE..., imputant les désordres affectant l'immeuble aux travaux entrepris rue Jean Jaurès, ont saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la désignation d'un expert ; que, par ordonnance du 8 février 2010, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a désigné M. H...en qualité d'expert et, par une ordonnance du 10 mai 2010, la société Alios Ingenierie a été désignée en qualité de sapiteur ; que M. H...a déposé son rapport le 21 février 2011 ; que ces désordres affectant l'immeuble se sont aggravés et ont conduit le maire de la commune de Valence à prendre un arrêté de péril imminent le 14 avril 2010 imposant aux propriétaires de maintenir le bâtiment inoccupé et de réaliser un étampage de la façade Est dans son ensemble ainsi que du retour d'angle Nord-Est ; que, par arrêté du 8 février 2012 du maire de la ville de Valence, l'immeuble a été frappé de péril ordinaire ; que, le 14 février 2013, un nouvel arrêté de péril imminent a prescrit la mise en place d'un périmètre de sécurité délimité par des barrières sur le domaine public autour de la façade du bâtiment et a interdit toute circulation piétonne ; que, le 6 mai 2013, un arrêté a prescrit la démolition de la partie Nord de l'immeuble jusqu'au premier mur de refend avant que l'effondrement partiel du mur Nord ne soit constaté le 16 mai 2013 ; que, le 25 avril 2013, M. et Mme E...ont demandé au juge des référés du tribunal de grande instance de Valence la désignation d'un expert et, par ordonnance du 29 mai 2012, le juge des référés a désigné M. B... en qualité d'expert ; que son rapport a été remis le 30 décembre 2014 ; que M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 10 Mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Valence à les indemniser des préjudices subis en raison des travaux effectués rue Jean Jaurès ;

Sur les expertises :

En ce qui concerne l'expertise réalisée par M.H... :

2. Considérant, d'une part, que si M. et Mme E...soutiennent que l'expertise réalisée par M. H... serait irrégulière en raison de la méconnaissance du principe du contradictoire compte tenu de ce que, le 27 juillet 2010, l'expertise s'est prolongée l'après-midi en dehors de la présence de leurs représentants, il résulte de l'instruction que M. H...a dûment convoqué l'ensemble des parties le 27 juillet 2010 à 10h00 pour " le second accrédit qui aura pour objet la réalisation des sondages " ; que cette convocation n'indiquait pas d'heure de fin des opérations ; qu'il n'est pas contesté que l'expert a bien informé les parties présentes le matin que les opérations d'expertise se poursuivraient l'après-midi ; ; que, par suite, les épouxE..., qui ont assisté aux opérations d'expertise conduites le 27 juillet 2010 dans l'après-midi, ne peuvent se prévaloir d'une méconnaissance du principe du contradictoire lors du déroulement de l'expertise ;

3. Considérant, d'autre part, que les époux E...ne démontrent pas que l'expert se serait fondé sur des faits matériellement inexacts pour établir son rapport dès lors qu'il résulte de l'instruction que les sondages effectués ont été réalisés, dans un premier temps, au nord de l'immeuble pour se poursuivre contre son pignon Est près de l'angle Nord-Est et que l'expert a estimé, au vue de ces sondages, qu'aucune tranchée n'avait été creusée au pied de l'immeuble litigieux ;

4. Considérant que la circonstance que les conclusions du rapport d'expertise établi par M. H... soient contredites par celles du " rapport de reconnaissance " de la société Sudexperts-Eurexo du 16 octobre 2009, expert mandaté par l'assureur des épouxE..., ou encore par celles de M.B..., expert désigné par le tribunal de grande instance de Valence, est sans incidence sur la régularité des opérations d'expertise ;

En ce qui concerne l'expertise réalisée par M.B... :

5. Considérant que, par ordonnance du 29 mai 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Valence a désigné M. B...en qualité d'expert en vue de la réalisation d'une expertise au contradictoire du syndicat des copropriétaires de la copropriété Les Tilleuls et de la SARL Aude et a rejeté la demande dirigée contre la commune de Valence ; que, par ordonnance du 15 janvier 2014, les opérations d'expertise ont été déclarées communes et opposables aux entreprises Giammatteo et Sogea Rhône-Alpes ; que, par un arrêt du 7 octobre 2014, la cour d'appel de Grenoble a annulé cette extension des opérations d'expertise aux sociétés Giammatteo et Sogea Rhône-Alpes ; que, le 30 décembre 2014, M. B...a déposé son rapport définitif dans lequel il impute aux travaux entrepris par la société Sogea Rhône-Alpes et par la société Gimmatteo une part de responsabilité respectivement de 40% et de 60% dans les désordres subis par l'immeuble ;

6. Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité d'une expertise ordonnée par le juge judiciaire ; que la contestation des éléments figurant dans le rapport de l'expert judiciaire a été soumis au débat contradictoire entre les parties ; que, par suite, le rapport d'expertise peut être retenu à titre d'élément d'information par la juridiction administrative ;

Sur la responsabilité de la commune de Valence :

7. Considérant que le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement ; qu'il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure ; qu'en cas de délégation limitée à la seule exploitation de l'ouvrage, comme c'est le cas en matière d'affermage, si la responsabilité des dommages imputables à son fonctionnement relève du délégataire, sauf stipulations contractuelles contraires, celle résultant de dommages imputables à son existence, à sa nature et à son dimensionnement, incombe à la personne publique délégante ; que ce n'est qu'en cas de concession d'un ouvrage public, c'est-à-dire d'une délégation de sa construction et de son fonctionnement, que peut être recherchée par des tiers la seule responsabilité du concessionnaire, sauf insolvabilité de ce dernier, en cas de dommages imputables à l'existence ou au fonctionnement de cet ouvrage ;

8. Considérant que la société Veolia, concessionnaire du service public d'eau potable de la ville de Valence, s'est trouvée substituée à celle-ci en ce qui concerne la réparation des dommages qui ont pu résulter pour les riverains des travaux réalisés pour son compte ; que la responsabilité de la ville de Valence ne saurait être engagée à l'égard des tiers qu'à titre subsidiaire, en cas d'insolvabilité du concessionnaire ; qu'il n'est pas établi ni même allégué que ce dernier ait été insolvable ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux en cause réalisés par la société Giammatteo ne l'auraient pas été dans le cadre de la concession de service public d'adduction d'eau potable et que la commune de Valence en aurait été le maître d'ouvrage ; qu'à cet égard, la commune fait valoir sans être contredite, en se référant au rapport d'expertise de M.H..., que les travaux dont il s'agit sont ceux ayant donné lieu à un devis du 10 octobre 2006, dont le maître d'ouvrage était la société Veolia ; qu'ainsi M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que la responsabilité de la ville de Valence, seule mise en cause, est engagée en raison des travaux réalisés par la société Giammattéo ;

9. Considérant que les époux E...font valoir que les premiers désordres sont apparus en 2006 au moment de la réalisation des travaux dans la rue Jean Jaurès et que l'existence d'un lien de causalité direct entre les désordres affectant leur immeuble et les travaux de voirie et réseaux effectués dans cette rue est établie par le rapport d'expertise de M. B...; que, toutefois, en l'absence notamment d'un constat quant à l'état de l'immeuble antérieurement aux travaux, la concomitance entre l'apparition des désordres affectant la propriété des époux E...et la réalisation des travaux ne saurait suffire à établir l'existence d'un lien direct et certain de causalité ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des conclusions du rapport établi par M. H...que " Les désordres sur l'immeuble des époux E...plus que centenaire et construit en pisé graveleux proviennent 1-de l'épais enduit de façade au ciment artificiel appliqué entre 1960 et 1970 ; 2-de l'amputation de sa moitié Nord sans consolidation structurelle et 3-de l'enduit ciment idem appliqué sur sa façade Nord entre 1989-1993 lors de la construction de la résidence Les Tilleuls, toutes modifications à même d'entrainer des incidences à très long terme à l'origine de la vétusté du bâtiment et non diagnostiquée par aucun des intervenants aux travaux de la ville de Valence ", l'expert soulignant encore le rôle causal de l'apport d'eau supplémentaire par infiltration depuis 1993 entre le revêtement enrobé du parking de la résidence Les Tilleuls et la façade nord ; qu'il n'est pas établi par les pièces versées au dossier que les travaux réalisés par la société Sogea Rhône-Alpes en 2001-2002 consistant dans le détournement du canal de Californie et les travaux d'enfouissement des réseaux d'eaux usées et d'eaux pluviales réalisés par cette même société en 2006 auraient donné lieu au creusement de tranchées au droit immédiat de l'immeuble litigieux et ce alors que l'expertise réalisée par M. H... fait état de la découverte, lors des sondages, des restes d'un ancien caniveau technique en briques contre la fondation de l'immeuble côté pignon Est et démontrant l'absence de fouilles à proximité immédiate de l'immeuble ; que les sondages et l'examen de tous les regards à proximité ont permis de constater qu'il n'y avait aucune fuite des canalisations enterrées à proximité de l'immeuble mais que le sol était naturellement humide ; qu'il n'est pas non plus établi que l'apport d'eau supplémentaire dans les tranchées laissées sans protection serait une cause de l'aggravation des dommages compte tenu de ce que les désordres s'étendent également sur la façade Nord du bâtiment au droit de laquelle aucune tranchée n'a été creusée ; que l'expertise de M.B..., qui est une expertise essentiellement sur pièces, n'est pas de nature à remettre en cause les analyses détaillées et argumentées de l'expertise réalisée par M. H..., qui s'est appuyé sur des sondages et l'avis d'un sapiteur, et qui a estimé que " l'aggravation des désordres sur l'immeuble E...plus de trois ans après les tranchées ouvertes rue Jean Jaurès et l'absence de désordre sur sa fondation Est confirme que l'origine du sinistre est étrangère aux travaux de la ville " ; que, par suite, les époux E...n'établissent pas que les travaux réalisés pour le compte de la ville de Valence seraient la cause des désordres affectant leur immeuble ou auraient contribué à leur aggravation ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que les époux E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la ville de Valence ;

Sur les frais liés au litige :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Valence la somme demandée par Mme et M. E...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions présentées par la commune de Valence, la société Sogea Rhône-Alpes et la société Giammatteo sur le fondement des mêmes dispositions doivent également être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Valence, la société Sogea Rhône-Alpes et la société Giammatteo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E..., à la commune de Valence, à la Société Sogea Rhône-Alpes et à la société Giammatteo.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique le 18 octobre 2018.

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N° 16LY01505


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01505
Date de la décision : 18/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-03 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Lien de causalité.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS ALBISSON-NIEF-CROSET

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-18;16ly01505 ?
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