Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. F... B...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 8 décembre 2016, par lesquelles la préfète de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 1700069 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 20 juin 2017, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 18 mai 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du 8 décembre 2016 par lesquelles la préfète de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B... soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse aux moyens tirés du défaut d'examen particulier de sa situation et du défaut de motivation de la décision de refus de titre de séjour, faute d'avoir mentionné la décision du préfet de juillet 2015 et la procédure devant le tribunal administratif puis la cour administrative d'appel de Nancy ;
- la décision de refus de titre de séjour a méconnu les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant la consultation de la commission du titre de séjour dans le cas où le préfet envisage de refuser à un étranger qui entre dans le champ du 7° de l'article L. 313-11 la délivrance d'un titre de séjour au motif qu'il constituerait une menace pour l'ordre public ;
- la décision litigieuse méconnaît l'autorité de chose jugée de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy de juin 2016, lequel a retenu que M. B... ne présente pas un risque pour l'ordre public ;
- il a été relaxé pour les faits de tentative de vol dans un local d'habitation et la décision du juge pénal s'impose au juge administratif et la seule conduite d'un véhicule sans permis de conduire ne constitue pas un élément nouveau permettant d'écarter l'autorité de chose jugée ;
- il vit en France depuis plus de dix ans, ses trois enfants sont nés en France et son frère a obtenu la qualité de réfugié puis la nationalité française tandis que sa soeur dispose d'un titre de séjour temporaire ;
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas contraires aux valeurs républicaines ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée de méconnaissance de l'autorité de chose jugée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2017, la préfète de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B... à lui verser 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. B... ne pouvant se prévaloir d'une présence habituelle sur le territoire depuis plus de dix ans, elle n'était pas tenue de saisir la commission du titre de séjour ;
- la décision de refus de titre de séjour est suffisamment motivée et révèle un examen complet ;
- l'annulation d'une mesure d'éloignement, quel qu'en soit le motif, ne fait pas obstacle à ce qu'une nouvelle mesure d'éloignement soit prise ; les décisions des juges nancéens portaient sur une décision différente, en date du 28 juillet 2015 ;
- M. B... ne dispose pas d'attaches d'une particulière intensité en France et n'est pas dépourvu de liens avec son pays d'origine ; il ne démontre par suite aucune atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
- l'exception d'illégalité soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français doit être écartée.
La caducité de la demande de M. B... en vue de bénéficier de l'aide juridictionnelle a été constatée par une décision du 11 juillet 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme A..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né en 1978 et de nationalité kosovare, est entré en France en 2006 où il a sollicité le 18 octobre 2006 la reconnaissance de la qualité de réfugié. Le 16 janvier 2007, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a rejeté sa demande, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 13 octobre 2008. Entre 2008 et 2013, M. B... a obtenu des titres de séjour au titre de son état de santé. Sa dernière demande de renouvellement d'un titre de séjour sur le fondement de son état de santé a toutefois fait l'objet d'un refus en date du 15 novembre 2013. A la suite de son interpellation en juillet 2015, M. B... a fait l'objet d'une décision du 28 juillet 2015 l'obligeant à quitter le territoire français à destination du Kosovo. Il a toutefois obtenu l'annulation de cette décision devant le tribunal administratif de Nancy, au motif de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, jugement confirmé par la cour administrative d'appel de Nancy le 9 juin 2016. Le 8 décembre 2016, la préfète de la Côte-d'Or a toutefois refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement :
2. En première instance, M. B... soutenait que la décision litigieuse était insuffisamment motivée et était entachée d'un défaut d'examen particulier et complet de sa situation au motif qu'elle ne mentionnait pas la procédure contentieuse ayant entrainé l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 28 juillet 2015. Compte tenu de l'argumentation circonstanciée de M. B... sur ces points, le tribunal administratif ne pouvait se borner, pour écarter le premier de ces moyens, à indiquer que " l'arrêté litigieux a énoncé les considérations de droit et de fait qui le fondaient " et, pour écarter le second, qu'" il ressort de la motivation de l'arrêté attaqué et de la défense, même si cet arrêté n'a pas évoqué l'arrêt n° 15NC01866, 15NC01867 rendu par la cour administrative d'appel de Nancy le 9 juin 2016, que l'administration a procédé à un examen particulier de la situation ". Ce faisant, le tribunal administratif de Dijon a insuffisamment motivé son jugement, lequel est, par suite irrégulier.
3. Il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 18 mai 2017 et de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de M. B...en première instance.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le refus de séjour
4. La décision attaquée du 8 décembre 2016 vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que le code des relations entre le public et l'administration. Elle mentionne par ailleurs notamment que M. B... est né le 8 juillet 1978 au Kosovo, pays dont il a la nationalité, qu'il déclare être entré en France pour la dernière fois en 2006, qu'il a effectué en vain des démarches en vue d'obtenir l'asile, puis qu'il a obtenu la délivrance de cartes de séjour temporaires au titre de son état de santé jusqu'en 2013, année au cours de laquelle le préfet en a refusé le renouvellement. La décision indique également que la compagne de M. B..., de même nationalité et mère de leurs trois enfants, est dans la même situation administrative que lui et que les enfants pourront poursuivre leur scolarité dans le pays dont ils ont la nationalité. La décision litigieuse a fait aussi état de diverses infractions commises par M. B... et de son absence d'insertion professionnelle et sociale particulière en France. Ainsi, conformément aux dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, cette décision énonce les considérations de droit et de fait qui la fondent. La circonstance que cette décision n'a pas précisé que M. B... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle a ensuite été annulée au contentieux, ne révèle ni insuffisance de motivation, ni défaut d'examen particulier de la situation de M. B..., dès lors que le préfet n'était pas tenu de prendre en compte ces éléments dans son appréciation. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision du 8 décembre 2016 de refus de titre de séjour et de l'absence d'examen particulier de la situation de M. B... doivent être écartés.
5. L'annulation pour excès de pouvoir d'une mesure d'éloignement prise à l'encontre d'un étranger, quel que soit le motif de cette annulation, n'implique pas la délivrance d'une carte de séjour temporaire mais impose seulement au préfet, en application des dispositions des articles L. 512-1 et L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour et, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour. Il suit là que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement du tribunal administratif de Nancy du 3 août 2015 n° 1502147, qui annule l'obligation de quitter le territoire français prise le 28 juillet 2015 à l'encontre de M. B..., jugement confirmé par la cour administrative d'appel de Nancy, dans un arrêt du 9 juin 2016 n° 15NC01866, 15NC01867, imposait à la préfète de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de sa vie privée et familiale.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en octobre 2006, soit depuis dix ans et deux mois à la date de la décision litigieuse, et qu'il y a séjourné régulièrement pendant cinq années, s'étant vu délivrer des cartes de séjour temporaires d'une durée d'un an au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il fait valoir qu'il n'entretient plus de lien avec sa mère, qui demeure au Kosovo, que son frère bénéficie du statut de réfugié et a obtenu la nationalité française, et que sa soeur est titulaire d'une carte de séjour temporaire d'un an. Toutefois, M. B..., qui est entré en France à l'âge de 28 ans, ne donne aucune précision sur la réalité et l'intensité des liens qu'il entretient avec son frère et sa soeur. Par ailleurs, bien qu'ayant été titulaire d'un titre de séjour le plaçant en situation régulière et l'autorisant à travailler pendant cinq années, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait particulièrement bien inséré dans la société française sur le plan social ou professionnel, eu égard notamment aux faibles revenus dont il a disposé durant cette période, à l'absence de toute indication sur les liens qu'il aurait pu tisser avec différentes personnes en France et au fait qu'il a fait l'objet de condamnations pour conduite d'un véhicule sans assurance et sans permis au cours de cette période. Enfin, si M. B... se prévaut de la cellule familiale qu'il constitue avec sa compagne et leurs trois enfants, celle-là, de même nationalité, se trouve dans la même situation administrative que lui et ils peuvent tous deux poursuivre leur vie familiale avec leurs trois enfants dans leur pays d'origine. Il suit de là que le moyen tiré de l'atteinte excessive portée à sa vie privée et familiale, protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.
8. En ce qui concerne la consultation de la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celle-ci n'est obligatoire que si l'intéressé remplit les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour en vertu de l'article L. 313-11. Ainsi que cela a été dit ci-dessus, la préfète n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant sa demande de titre de séjour présentée sur ce fondement. M. B... n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, la préfète n'était pas tenue de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande. Par ailleurs, si l'article L. 313-14 du même code prévoit la consultation de cette commission lorsque l'étranger demande sa régularisation à titre exceptionnel et " justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans ", M. B... n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur ce fondement, que la préfète n'était ainsi pas tenue d'examiner d'office. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse est entachée d'un vice de procédure, faute de saisine préalable de la commission du titre de séjour, doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français
9. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de ce que la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.
10. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 5. ci-dessus, la préfète de la Côte-d'Or n'a pas méconnu l'autorité de chose jugée par le tribunal administratif de Nancy le 3 août 2015 en obligeant, le 8 décembre 2016, M. B... à quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination
11. Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, M. B... a demandé en vain devant l'office français de protection des réfugiés et des apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile la reconnaissance du statut de réfugié en invoquant les risques qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine. S'il persiste à se prévaloir de ces risques, il n'a toutefois produit aucun élément permettant de les regarder comme établis. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du 8 décembre 2016. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la préfète de la Côte-d'Or tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 18 mai 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Dijon et le surplus de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Côte-d'Or et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
Mme Menasseyre, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme E..., première conseillère,
Mme A..., première conseillère.
Lu en audience publique le 16 octobre 2018.
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N° 17LY02436