Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La communauté urbaine de Lyon a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner in solidum les sociétés BGL, Désactiv'Concept (SDC), Christin, Renzo Piano Building Workshop, SOCOTEC et SMAC à lui verser la somme totale de 312 989 euros TTC, outres intérêts de droit à compter de l'introduction de la demande au titre des désordres affectant l'extension de la cité internationale de Lyon.
Par un jugement n° 1404029 du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de Lyon a condamné solidairement, d'une part, les sociétés SMAC, BGL, Christin et Renzo Piano BW à verser à la métropole de Lyon, venant aux droits de la communauté urbaine de Lyon, la somme de 196 776,09 euros au titre des désordres affectant la zone dite " Grand Lyon " et, d'autre part, les sociétés SMAC, SDC, Renzo Pino BW et SOCOTEC à verser à la métropole de Lyon la somme de 18 040,50 euros au titre des désordres affectant la zone dite " SPAICIL ", sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2014.
La métropole de Lyon relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité à 214 816,59 euros au total l'indemnisation de son préjudice qu'elle évalue, dans le dernier état de ses écritures, à la somme totale de 343 241,72 euros.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 décembre 2016 et le 5 avril 2018, la métropole de Lyon, représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 octobre 2016 ;
2°) de condamner in solidum les sociétés BGL, Désactiv'Concept (SDC), Christin, Renzo Piano Building Workshop, SOCOTEC et SMAC à lui verser la somme de 343 241,72 euros TTC, outres intérêts de droit à compter de l'introduction de la demande ;
3°) de mettre à la charge des mêmes sociétés une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La métropole de Lyon soutient que :
- les désordres affectant l'ouvrage sont causés par la présence de laitance, consécutive à la désactivation des bétons, au défaut d'étanchéité entre la naissance et les canalisations d'eau pluviales, en la mise en place de crapaudines inadaptées à leurs usages et en une mauvaise conception des joints de dilatation, malfaçons imputables au groupement BGL/RMF et à la société SDC, au groupement Christin / Cerniaut, à l'entreprise Rouvray, à la société Renzo Piano Building Workshop, au BET Barbanel, au BET Veritas, à la société SOCOTEC et à la société SMAC ;
- à défaut d'exécution des travaux d'hydrocurage généralisé sur l'ensemble du réseau et de traitement d'étanchéité des 90 naissances supplémentaires, la situation ne serait qu'améliorée sans qu'il y soit intégralement remédié, l'exposant à subir des sinistres pour lesquels elle ne pourra plus actionner la garantie décennale ;
- rien ne permet d'établir que l'hydrocurage réalisé en 2007 aurait débarrassé le réseau des laitances issues du béton désactivé écoulé dans les canalisations ; au contraire, les investigations qu'elle a fait réaliser pour un coût de 23 554euros TTC, dont elle est fondée à demander l'indemnisation, démontrent que leur présence a persisté ; ces investigations révèlent en outre la nécessité de créer des trappes d'accès pour un montant de 6 708 euros TTC ; la nécessité de modifier les crapaudines ne saurait être contestée ;
- le montant du préjudice complémentaire qu'elle a subi s'élève à 69 432,30 euros TTC ;
- il n'est pas établi qu'un défaut d'entretien ait pu participer à la cause des désordres et la fréquence de nettoyage initiale, semestrielle, aurait été suffisante sans l'existence des nombreux défauts dans la réalisation des ouvrages en cause, que le maître d'ouvrage n'avait pas à anticiper et compenser ; en tout état de cause, un nettoyage mensuel des caniveaux depuis 2017 n'a pas fait cesser les infiltrations ;
- à supposer même qu'un défaut d'entretien puisse être retenu, une déduction au titre de sa part de responsabilité dans la survenance du dommage ne pouvait intervenir que sur le seul montant des préjudices causés par les infiltrations, à l'exclusion des travaux de remise en état ;
- les sociétés intervenantes ayant toutes concouru à la réalisation du dommage, elles doivent être condamnées solidairement ;
- l'absence de faute commise par un intervenant à l'opération de construction n'est pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité dès lors que les désordres lui sont imputables.
Par des mémoires enregistrés le 4 mai 2017, le 2 octobre 2017 et le 3 mai 2018, la société SDC, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la métropole de Lyon au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société SDC soutient que :
- la nécessité de procéder à un hydrocurage généralisé et le traitement d'étanchéité des 90 naissances supplémentaires serait nécessaire seulement dans l'hypothèse non établie où les infiltrations devraient perdurer ; si d'autres infiltrations devaient survenir, elles résulteraient de réseaux qui n'ont pas fait l'objet des opérations d'expertise ;
- en tout état de cause, ces nouvelles infiltrations hypothétiques ne lui seraient pas imputables dans la mesure où elle est étrangère aux travaux de mise en place des canalisations ;
- la métropole de Lyon n'est pas recevable à solliciter pour la première fois en appel une indemnisation portant sur des nouveaux postes de préjudice ; le délai de garantie décennale est en tout état de cause expiré sur ces postes ; ses conclusions tendant à la condamnation des intervenants à lui payer en outre la somme de 6 708 euros ne sont en outre pas motivées ni fondées ;
- en tout état de cause, elle est étrangère à la mission de conception en cause dans le défaut d'implantation des ouvrages en cause, lequel ne lui est pas imputable ;
- la métropole n'a jamais sollicité d'investigations complémentaires en cours d'expertise et n'est ainsi pas fondée à demander une indemnisation pour des travaux de réparation dont la nécessité de réalisation n'a pas été mise en évidence en raison de son abstention au cours des opérations d'expertise ;
- un défaut de maintenance a été identifié par l'expert comme cause des désordres et les pièces produites par la métropole de Lyon à l'appui de sa contestation sur ce point n'ont pas de valeur probante et ne permettent en outre pas de connaître l'origine précise des difficultés évoquées ni leur localisation ;
- une condamnation solidaire ne peut être prononcée à l'encontre de l'ensemble des codéfendeurs compte tenu de ce qu'ils ne sont pas tous intervenus sur les zones de désordres bien distinctement identifiées par l'expert ; elle n'est concernée que par les désordres affectant les ouvrages réalisés sous maîtrise d'ouvrage SPAICIL ;
- les appels en garantie formés par la société SOCOTEC et BGL devront être rejetés compte tenu de leurs parts de responsabilité dans la survenance des désordres.
Par un mémoire enregistré le 15 mai 2017, la société Christin, représentée par Me A..., conclut à la réformation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 octobre 2016 en ce qu'il l'a condamnée et, subsidiairement, à ce que sa responsabilité soit limitée aux défauts d'étanchéité des onze naissances de la zone " Grand Lyon " et les travaux à la somme de 7 150 euros HT. Elle conclut en tout état de cause à la condamnation de la communauté urbaine de Lyon à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à supporter les entiers dépens de l'instance.
La société Christin soutient que :
- elle n'est pas intervenue sur la zone dite " SPAICIL " et les désordres correspondants ne lui sont donc pas imputables et elle ne peut être condamnée solidairement à ce titre ;
- l'expert s'est basé à tort sur le DTU 60.33 au lieu du DTU 60.32 pour considérer qu'il était obligatoire d'étancher ces jonctions alors qu'il s'agit de raccords entre des naissances en plomb en provenance de caniveau et des colonnes en fonte et qu'il ne peut et ne doit pas être réalisé un joint étanche sur ces raccordements, ces canalisations n'étant pas prévues pour travailler en pression mais uniquement en gravitaire ;
- les infiltrations sont uniquement dues à des obstructions des canalisations et la prestation d'étanchéité des raccords entre les naissances et les canalisations incombait en tout état de cause au titulaire du lot " étanchéité " et non à elle, titulaire du lot " plomberie " ;
- les désordres ne lui sont donc pas imputables ;
- la part de responsabilité du défaut de maintenance imputable au maître d'ouvrage est établie ;
- une condamnation solidaire ne peut être prononcée à l'encontre de l'ensemble des codéfendeurs compte tenu de ce qu'ils ne sont pas tous intervenus sur les zones de désordres bien distinctement identifiées par l'expert ;
- le coût de la seule prestation de reprise pouvant être mis à sa charge n'excède pas 7 150 euros HT et la requérante devrait être condamnée à la relever et garantir de 10 % de toute condamnation ;
- la nécessité de procéder à un hydrocurage généralisé et le traitement d'étanchéité des 90 naissances supplémentaires serait nécessaire seulement dans l'hypothèse non établie où les infiltrations devraient perdurer.
Par un mémoire enregistré le 17 juillet 2017, la société SMAC, représentée par Me G..., conclut à la réformation du jugement attaqué et au rejet des demandes présentées par la métropole de Lyon en première instance. Subsidiairement, elle conclut à la limitation de la condamnation prononcée en première instance aux travaux de remplacement des crapaudines en pied des descentes fuyardes et, en tout état de cause, à la condamnation de la métropole de Lyon à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société SMAC soutient que :
- la dimension des mailles des crapaudines retenues en l'espèce ne constitue pas un désordre, l'objectif d'une crapaudine étant d'empêcher le passage de gros débris en perturbant le moins possible le débit d'eau absorbable par les entrées d'eaux pluviales ; aucune norme ou DTU ne fixe la dimension des mailles de crapaudines ;
- quel que soit le maillage des crapaudines, l'expert préconise un nettoyage mensuel et un hydrocurage annuel ;
- le cas échéant, seules le coût de remplacement des crapaudines des descentes fuyardes pourrait être indemnisé ;
- les désordres liés à la présence de laitance et au défaut d'étanchéité entre la naissance et les canalisations d'eau pluviales ne lui sont pas imputables ;
- l'expert a relevé un défaut de maintenance à l'origine des désordres, imputable à la métropole de Lyon ;
- s'agissant des désordres liés à la conception des joints de dilatation, le bureau d'études et le contrôleur technique ont validé le principe du joint de dilatation sur double costière dans le caniveau, lequel était conforme aux règles de l'art et au DTU, et la prestation de conception incombait aux architectes ; c'est le caniveau en béton désactivé qui s'est positionné autour du joint de dilatation et non l'inverse ;
- le traitement d'étanchéité des 90 naissances supplémentaires serait nécessaire seulement dans l'hypothèse non établie où les infiltrations devraient perdurer ;
- la demande de préjudice complémentaire n'est pas justifiée ; subsidiairement, la somme de 16 225 euros concernant les factures de recherches de fuites et de curage des réseaux ne peut être mise qu'à la charge ses sociétés SDC et BGL/RMF et, s'agissant de la somme de 40 701,96 euros HT, sa responsabilité ne saurait être supérieure à 20 % soit 8 140,39 euros à l'exclusion de toute condamnation in solidum ;
- la facture correspondant au remboursement d'une facture de curage et d'aspiration à la suite du sinistre du 6 février 2009 n'ayant pas été produite dans le cadre des opérations d'expertise, elle doit être écartée de la demande de la métropole de Lyon ;
- le cas échéant, elle ne pourra être condamnée au titre des dépens qu'au prorata de la responsabilité qui pourrait lui être attribuée dans la survenance des désordres.
Par un mémoire enregistré le 7 septembre 2017, la société Renzo Piano Building Workshop, représentée par Me L..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la métropole de Lyon à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Renzo Piano Building Workshop soutient que :
- la nécessité de procéder à un hydrocurage généralisé et le traitement d'étanchéité des 90 naissances supplémentaires serait nécessaire seulement dans l'hypothèse non établie où les infiltrations devraient perdurer et correspond donc à un préjudice éventuel ;
- les désordres ont pour cause partielle l'absence d'entretien des canalisations par le maître d'ouvrage.
Par un mémoire enregistré le 25 septembre 2017, la société SOCOTEC France, représentée par Me C... et aux droits de laquelle vient désormais la société SOCOTEC Construction, conclut à titre principal à la réformation du jugement et au rejet de toutes les conclusions de la métropole de Lyon, subsidiairement, au rejet de la requête et à la condamnation solidaire des sociétés Renzo Piano Building Workshop, SMAC et SDC à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle au titre des travaux en zone " SPAICIL ".
La société SOCOTEC Construction soutient que :
- les conditions d'une condamnation n'étaient pas réunies compte tenu de la possibilité de dissocier la part de responsabilité de chaque intervenant à l'opération ;
- la dimension des mailles des crapaudines retenues en l'espèce ne constitue pas un désordre, l'objectif d'une crapaudine étant d'empêcher le passage de gros débris en perturbant le moins possible le débit d'eau absorbable par les entrées d'eaux pluviales ; aucune norme ou DTU ne fixe la dimension des mailles de crapaudines ; en l'absence de tout référentiel à contrôler, sa responsabilité ne peut être retenue ;
- concernant l'absence d'étanchéité entre les moignons d'entrée d'eaux pluviales et les chutes d'eaux pluviales, c'est l'engorgement du réseau qui est à l'origine du sinistre et non le défaut d'étanchéité des joints ; cela échappait au contrôle du contrôleur technique exercé dans le cadre de visites techniques ;
- la demande concernant la prise en charge du traitement d'étanchéité des 90 naissances supplémentaires n'est pas justifiée, de même que celle concernant un hypothétique préjudice complémentaire ;
- subsidiairement, le caractère inadapté des 14 crapaudines mise en oeuvre est imputable à la société SMAC, qui avait la charge des travaux litigieux et à la société Renzo Piano Building Workshop, maître d'oeuvre chargée de la conception de l'ouvrage et le défaut d'étanchéité entre 8 naissances fuyardes et les canalisations de récupération des eaux pluviales est imputable à la société chargée du lot " plomberie " et au maître d'oeuvre et à son sous-traitant le BET Barnabel ;
- une partie du préjudice doit être laissé à la charge du maître d'ouvrage eu égard aux défauts de maintenance qui lui ont été reprochés par l'expert judiciaire.
La société SOCOTEC Construction a produit trois nouveaux mémoires les 10 et 21 septembre 2018.
Par un mémoire enregistré le 9 octobre 2017, la société Bâtiment du Grand Lyon (BGL), représentée par Me H..., conclut à titre principal à la réformation du jugement en tant qu'il la condamne solidairement avec d'autres intervenantes, au rejet des conclusions de la métropole de Lyon présentées en première instance, ou à tout le moins à la limitation à 12 982 euros de la condamnation, et à la restitution des sommes versées à la suite de l'ordonnance de référé du 8 janvier 2015 et, subsidiairement, au rejet de la requête et à la condamnation solidaire des sociétés SDC, Christin, SOCOTEC, Renzo Piano Building Workshop et SMAC à la relever et garantir de toute condamnation. Elle conclut en tout état de cause à la condamnation de la métropole de Lyon à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société BGL soutient que :
- elle est intervenue uniquement dans le cadre des travaux de la " rue intérieure ", sous maitrise d'ouvrage de la SEM Cité internationale de Lyon, pour réalisation de béton désactivé et équipement de sols, réceptionnés le 21 juin 2007 et n'a aucunement vu sa responsabilité évoquée au titre des travaux préconisés par l'expert pour faire cesser les désordres litigieux ;
- aucune condamnation solidaire ne peut être valablement maintenue et prononcée à son égard dès lors que les dommages allégués ne résultent aucunement d'activités conjointes que l'on ne puisse dissocier selon le rôle de chacun des intervenants à l'opération ;
- la responsabilité décennale de la société BGL ne peut pas être retenue, les ouvrages auxquels elle a participé n'étant affectés d'aucun désordre, la laitance qui a pu obstruer les canalisations d'évacuation des eaux pluviales ayant été définitivement éliminé lors d'un hydrocurage réalisé en juin 2007, tout désordre survenu ultérieurement lui étant totalement étranger ;
- l'objet des demandes ne concerne aucunement ses ouvrages et les prestations qui lui ont été confiées ;
- elle a attiré l'attention des intervenants durant le chantier sur les risques d'écoulement de laitance dans les canalisations suivant le mode opératoire retenu et a proposé l'obturation des caniveaux avant lavage du béton ; le rinçage de la laitance dans le réseau d'eaux pluviales résulte d'un choix délibéré de la maîtrise d'oeuvre ;
- l'expert lui a imputé au maximum la somme de 12 982,40 euros ;
- la demande concernant la prise en charge du traitement d'étanchéité des 90 naissances supplémentaires n'est pas justifiée, de même que celle concernant un hypothétique préjudice complémentaire, notamment dans la mesure où elle ne justifie pas avoir réalisé les travaux, alors qu'elle a reçu une provision à cette fin, et que ceux-ci se sont avérés insuffisants pour remédier aux désordres.
La société BGL a produit un nouveau mémoire le 17 septembre 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D..., première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me K..., représentant la métropole de Lyon, de Me B..., représentant la société SMAC, de Me A..., représentant la société Christin et de Me I... représentant la société SDC ;
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de la réalisation d'une opération portant sur l'extension de la Cité internationale de Lyon, une partie des travaux de la rue intérieure a été réalisée sous la maîtrise d'ouvrage de la ville de Lyon puis de la communauté urbaine de Lyon, devenue métropole de Lyon. Une seconde partie de cette rue intérieure a été réalisée sous maîtrise d'ouvrage de la Société Privée d'Aménagement et d'Investissement de la Cité Internationale (SPAICIL), dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement à la communauté urbaine de Lyon. La maîtrise d'oeuvre des travaux réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la communauté urbaine de Lyon a été confiée, le 18 décembre 2000, à un groupement conjoint constitué de la société Renzo Piano Building Workshop (BW), mandataire de ce groupement, et de l'atelier Courjoud, la société Renzo Piano Building Workshop ayant en outre sous-traité la mission de bureau technique " fluides " au BET Barbanel. Le lot n° 9 " étanchéité " de ce marché, réceptionné le 4 décembre 2007, a été confié à la société SMAC, le lot n° 29 " plomberie - Equipement sanitaires ", réceptionné le 25 mars 2008, a été attribué au groupement conjoint et solidaire composé de la société Christin, mandataire, et de la société Cerniaut. La mission de contrôle technique de ces travaux a été confiée au groupement conjoint composé de la société SOCOTEC, mandataire de ce groupement, et du bureau Veritas. Le lot n° 110 E " béton désactivé-équipements de sols ", dont la réception a été prononcée le 21 juin 2007, a été attribué au groupement conjoint composé de la société Bâtiment du Grand Lyon (BGL), mandataire de ce groupement, et de la société RMF. La maîtrise d'oeuvre des travaux réalisés sous maîtrise d'ouvrage de la SPAICIL a, quant à elle, été confiée à la société Renzo Piano Building Workshop qui a sous-traité certaines missions à la société AGIBAT-MTI, BET structure, à la société Barbanel, BET fluides, et au GEC Rhône-Alpes, économiste. Le lot n° 6 " Etanchéité " de ce marché a été attribué à la société SMAC. Le lot n° 15 " Plomberie " a été confié à la société Rouvray, aujourd'hui disparue, le lot n° 46 " Aménagements extérieur/VRD " à la société SDC et la mission de contrôle technique de ces travaux à la société SOCOTEC. Les travaux de ces différents lots ont été réceptionnés le 3 septembre 2004, avec des réserves levées le 4 novembre 2004.
2. A la suite de l'apparition d'infiltrations d'eaux pluviales dans la rue intérieure de la Cité internationale, la communauté urbaine de Lyon, aux droits de laquelle vient la métropole de Lyon, a saisi le tribunal administratif de Lyon. En février 2010, elle a obtenu la désignation d'un expert qui a rendu son rapport le 6 février 2014. Par ordonnance du 8 janvier 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, à titre de provisions, a condamné solidairement, d'une part, les sociétés SDC, BGL, SMAC, Christin, Renzo Piano BW et SOCOTEC à verser à la Métropole de Lyon la somme de 157 556 euros et, d'autre part, les sociétés Renzo Piano BW et SOCOTEC solidairement à verser à la Métropole de Lyon la somme de 16 800 euros et enfin les sociétés SDC, BGL, Christin, Renzo Piano BW, SOCOTEC et SMAC à verser à la Métropole de Lyon la somme de 80 344 euros. Le juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon a réformé cette ordonnance en tant qu'elle condamnait, en son article 1er, la société SDC solidairement avec les sociétés BGL, SMAC, Christin, Renzo Piano BW et SOCOTEC.
3. Par un jugement du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de Lyon, statuant au fond, a condamné solidairement, d'une part, les sociétés SMAC, BGL, Christin et Renzo Piano BW à verser à la métropole de Lyon la somme de 196 776,09 euros au titre des désordres affectant la zone dite " Grand Lyon " et, d'autre part, les sociétés SMAC, SDC, Renzo Piano BW et SOCOTEC à verser à la métropole de Lyon la somme de 18 040,50 euros au titre des désordres affectant la zone dite " SPAICIL ", sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2014. La métropole de Lyon relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité à 214 816,59 euros l'indemnisation de son préjudice qu'elle évalue, dans le dernier état de ses écritures, à la somme de 343 241,72 euros.
Sur l'appel principal :
4. Il résulte des principes régissant la garantie décennale des constructeurs que des dommages apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination, engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale. Si ces désordres sont imputables, même partiellement, à un constructeur, celui-ci en est responsable de plein droit envers le maître d'ouvrage. Les constructeurs ne peuvent s'exonérer de cette responsabilité qu'en prouvant que les désordres proviennent d'une cause étrangère à leur intervention.
5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que de nombreuses infiltrations d'eau de la rue intérieure de la Cité internationale ont été constatées et ont provoqué des dégâts dans les salles et bureaux situés sous celle-ci. Il n'est pas contesté que ces désordres rendent les locaux impropres à leur destination et ont par suite un caractère décennal.
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice :
6. Si, dans son rapport rendu le 6 février 2014, l'expert a indiqué que les travaux préconisés de remplacement de la totalité des crapaudines devraient " améliorer notablement la situation ", il a clairement indiqué qu'il estimait que, de ce fait, le traitement d'étanchéité de la totalité des naissances au droit des canalisations de récupération des eaux pluviales n'était pas nécessaire à ce stade, non plus que l'hydrocurage généralisé du réseau, ces mesures n'étant envisagées que dans l'hypothèse où les désordres persisteraient malgré la mise en oeuvre desdits travaux. Il ne résulte pas de l'instruction, ainsi que le soutient la société BGL, que la métropole de Lyon aurait réalisé les travaux préconisés par l'expert. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux en cause seraient nécessaires à la réparation intégrale du préjudice.
7. Par ailleurs, les investigations complémentaires que la métropole de Lyon a fait réaliser, qui se traduisent pour l'essentiel par des photos dépourvues de commentaire et, de façon marginale, par une conclusion peu circonstanciée ne comportant aucun élément de compréhension supplémentaire par rapport à l'expertise judiciaire déjà mentionnée, ne présentent pas d'utilité dans le cadre du présent litige et ne peuvent faire l'objet d'une indemnisation au titre des conséquences des désordres litigieux. Si ces investigations concluent à la nécessité de réaliser des trappes d'accès aux faux plafonds, le lien entre ces trappes, qui au demeurant constituent des plus-values apportées à l'ouvrage, et la nature des travaux dont la métropole a obtenu l'indemnisation n'est pas démontré. Au demeurant, il n'est pas établi que ces éléments nouveaux en appel seraient le résultat d'une aggravation du préjudice ou seraient liés à l'apparition de nouveaux désordres et ne pouvaient ainsi pas être discutés devant le tribunal administratif. Il suit de là que les conclusions tendant à la condamnation des constructeurs à indemniser la métropole de Lyon au titre de ces investigations complémentaires et de la réalisation de trappes d'accès doivent être rejetées.
En ce qui concerne la faute du maître d'ouvrage :
8. S'agissant de la maintenance de l'ouvrage, contrairement à ce que soutient la métropole de Lyon, l'expert a expressément retenu un défaut de maintenance de l'ouvrage comme ayant contribué à la survenance des dommages. Si elle fait valoir que, dans les faits, elle a bien nettoyé une fois par mois comme préconisé par l'expert les naissances de canalisations, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle a effectivement procédé à un nettoyage à cette fréquence avant la passation d'un marché d'entretien en février 2017 et en tout état de cause avant la survenance des préjudices indemnisés.
9. Ainsi qu'il a été dit, il n'est pas établi, ni même soutenu, que la métropole aurait fait réaliser les travaux propres à remédier aux désordres litigieux tels que décrits par l'expert. Dans ces conditions, la seule augmentation de la fréquence du nettoyage des naissances de canalisation n'était pas susceptible de prévenir la réapparition de désordres, l'insuffisante maintenance des installations ayant été considérée par l'expert comme n'ayant contribué qu'à hauteur de 10 % à la survenance desdits désordres. Dès lors, la circonstance que, malgré un nettoyage plus fréquent à compter de février 2017, des désordres ont continué de se produire à l'été 2017, ne permet pas d'écarter le défaut de maintenance suffisante de l'ouvrage des causes de survenance des désordres litigieux.
10. En revanche, si la faute du maître d'ouvrage consistant à avoir insuffisamment nettoyé les naissances de canalisations a eu une incidence sur l'obligation dans laquelle il s'est trouvé d'indemniser l'exploitant de l'ouvrage, dont il doit être tenu compte dans l'indemnisation de ce poste de préjudice, une telle faute n'a eu aucune incidence sur la nature des travaux propres à remédier aux désordres, dont la métropole de Lyon a, par suite, droit à obtenir une indemnisation intégrale. La métropole est ainsi fondée à demander que les sommes retranchées à tort par le tribunal administratif de son indemnisation y soient réintégrées et ainsi, comme elle le demande, que le montant de l'indemnisation obtenue au titre des désordres affectant la zone dite " Grand Lyon " soit portée de 196 776,09 euros TTC à 213 136,63 euros TTC et celui de l'indemnisation des désordres de la zone dite " SPAICIL " de 18 040,50 euros TTC à 19 720,50 euros TTC.
11. Il résulte de ce qui précède que la métropole de Lyon est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a limité à 196 776,09 euros TTC et 18 040,50 euros TTC le montant de ses préjudices, au lieu de les établir à 213 136,63 euros TTC et 19 720,50 euros TTC, sommes assorties des intérêts à compter du 26 mai 2014.
Sur les appels incidents des sociétés Christin, SMAC, BGL et SOCOTEC Construction :
12. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise déjà mentionné, que les désordres trouvent leur origine dans plusieurs causes : la présence de laitance ayant obstrué les canalisations d'évacuation des eaux pluviales, le caractère inadapté des crapaudines, le caractère non étanche des naissances au droit des canalisations de récupération des eaux pluviales et des joints de dilatation et le défaut de maintenance concernant le nettoyage des installations.
13. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que, s'agissant de la zone dite " Grand Lyon ", le groupement BGL/RMF, titulaire du lot n° 110E " Béton désactivé - équipements de sols ", la société SMAC, titulaire du lot " Etanchéité " et la société Christin/Cerniaut, titulaire du lot n° 29 " plomberie - équipements sanitaires ", ont réalisé les ouvrages atteints par les désordres, tandis que la société Renzo Piano BW, maître d'oeuvre avait en charge tant leur conception que la surveillance de l'exécution de ces travaux. En leur qualité de constructeur, liées par un contrat de louage d'ouvrage au maître de l'ouvrage, ces sociétés sont responsables de plein droit envers ce dernier des désordres résultant de la réalisation de travaux auxquels elles ont participé, la circonstance qu'elles n'auraient pas commis de faute n'étant pas de nature à les exonérer en tout ou partie de cette responsabilité sur le fondement de la garantie décennale.
14. Si la société BGL fait valoir que l'hydrocurage réalisé en juin 2007 avait permis d'évacuer toute la laitance de béton présente dans les canalisations, de sorte que les désordres qui se sont manifestés ultérieurement lui sont étrangers, il résulte du rapport de l'expert que cette opération ne peut être regardée comme ayant conduit de manière certaine à l'élimination de toute la laitance de béton présente dans les canalisations. Il suit de là, et sans que la société BGL puisse utilement se prévaloir de l'absence de toute faute de sa part, que sa responsabilité est engagée, au titre des désordres dont s'agit, sur le fondement de la responsabilité décennale.
15. De la même façon, la circonstance que les sociétés SMAC et Christin n'auraient commis aucune faute dans l'exécution des prestations leur incombant n'est pas susceptible de les exonérer de leur responsabilité engagée sur le terrain de la garantie décennale, dès lors que les désordres ne sont pas étrangers aux travaux dont elles avaient la charge.
16. S'agissant de l'appel incident de la société SOCOTEC Construction, il résulte de l'instruction que sa mission incluait le contrôle du fonctionnement des installations. Les circonstances qu'aucune norme ne définit la taille adéquate d'une crapaudine, que les visites du contrôleur technique sont ponctuelles et que le calfeutrement des joints n'est pas visible dans l'ouvrage achevé, ne sont pas de nature à établir que son intervention est étrangère aux désordres litigieux.
17. Dès lors que les désordres trouvent leur cause dans les prestations réalisées par chacune de ces sociétés, qui ont toutes concouru à la réalisation des dommages, le maître d'ouvrage était fondé à demander leur condamnation solidaire au titre de chacune des zones dites " Grand Lyon " et " SPAICIL ", quand bien même il serait possible d'apprécier leurs parts de responsabilité respectives à l'intérieur de chaque zone.
18. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés SMAC et SOCOTEC Construction, la circonstance qu'aucune norme ne définit la taille adéquate d'une crapaudine ne permet pas d'écarter l'affirmation de l'expert selon laquelle un maillage plus resserré aurait permis de limiter l'encombrement des canalisations. Il ne résulte, par ailleurs, pas de l'instruction qu'un maillage trop resserré pourrait avoir un effet contreproductif en perturbant le débit de l'eau dans les canalisations. Si la société SMAC soutient par ailleurs que seul le coût de remplacement des crapaudines se trouvant au pied des descentes de canalisation fuyardes devrait être indemnisé, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 6., que seul le remplacement de l'ensemble des crapaudines permettrait d'améliorer suffisamment la situation pour rendre inutile la prestation d'étanchéité de l'ensemble des naissances de canalisation.
19. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Christin, SMAC, BGL et SOCOTEC Construction ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a retenu leur responsabilité solidaire au titre des désordres affectant, chacune en fonction de leur intervention, les zones " Grand Lyon " et " SPAICIL " de la cité internationale de Lyon. Leurs conclusions d'appel incident doivent dès lors être rejetées.
Sur les conclusions d'appel provoqué des sociétés BGL et SOCOTEC Construction :
20. Compte tenu de la dégradation de leur situation consécutive à l'augmentation de la condamnation prononcée en première instance, les conclusions d'appel provoquées des sociétés BGL et SOCOTEC Construction sont recevables. Toutefois, les conclusions par lesquelles elles demandent la condamnation de leurs codébiteurs solidaires à les relever et garantir entièrement de toute condamnation, alors que le tribunal administratif a considéré que, respectivement 10 % et 30 % de leur condamnation devait rester à leur charge, sont dépourvues des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé. Elles doivent, par suite, être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la métropole de Lyon, qui n'est pas la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions des sociétés SDC, Christin, SMAC, Renzo Piano Building Workshop, SOCOTEC et BGL présentées à ce titre doivent, dès lors, être rejetées.
22. Il a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge des sociétés SDC, Christin, SMAC, Renzo Piano Building Workshop, SOCOTEC et BGL la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la métropole de Lyon dans l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La condamnation prononcée à l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 octobre 2016, est portée à 213 136,63 euros TTC.
Article 2 : La condamnation prononcée à l'article 4 du jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 octobre 2016, est portée à 19 720,50 euros TTC.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 octobre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 ci-dessus.
Article 4 : Les sociétés SDC, Christin, SMAC, Renzo Piano Building Workshop, SOCOTEC Construction et BGL verseront solidairement à la métropole de Lyon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole de Lyon, au cabinet d'architectes Renzo Piano Building Workshop, à la Société SMAC, à la Société Christin, à la Société Bâtiment du Grand Lyon, à la Société SDC et à la Société SOCOTEC Construction et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
Mme Menasseyre, présidente assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme J..., première conseillère,
Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique le 16 octobre 2018.
3
N° 16LY04253
gt