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16/10/2018 | FRANCE | N°16LY03105

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2018, 16LY03105


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2013 par lequel le préfet de la Savoie a autorisé la création de l'association foncière pastorale de la Côte-d'Aime ainsi que la décision rejetant son recours gracieux et de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1402202 du 11 juillet 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande et a mis à la charge de M. D... une

somme de 90 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2013 par lequel le préfet de la Savoie a autorisé la création de l'association foncière pastorale de la Côte-d'Aime ainsi que la décision rejetant son recours gracieux et de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1402202 du 11 juillet 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande et a mis à la charge de M. D... une somme de 90 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2016, et un mémoire, enregistré le 18 janvier 2018, M. C... D..., représenté par Me A..., de la société d'avocats CLDAA Cabinet Liochon-A..., avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 11 juillet 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Savoie du 4 novembre 2013 et sa décision de rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le conseil municipal de La Côte-d'Aime avait, par délibération du 16 novembre 2009, émis un avis favorable à la mise à disposition des terres dont il est propriétaire ;

- les propriétaires ont été insuffisamment informés lors de l'enquête publique, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 135-3 du code rural et de la pêche maritime et de l'article 13 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 ;

- l'article L. 135-3 du code rural et de la pêche maritime a été méconnu non seulement en ce que l'arrêté en litige ne comporte pas les noms des propriétaires favorables, mais surtout en ce que la procédure suivie pour la création de l'association ne permet pas de vérifier que le consentement requis a bien été obtenu ; le préfet n'établit pas que les 466 propriétaires retenus comme étant favorables au projet ont été avisés conformément aux dispositions des articles 12 et 13 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, des articles 8 à 13 du décret du 3 mai 2006 et de l'article 7 de l'arrêté du 4 février 2013 prescrivant l'ouverture d'une enquête publique, notamment par lettre recommandée avec accusé de réception ; le procès-verbal du 15 juillet 2013 ne comporte pas les mentions prévues par l'article 12 du décret du 3 mai 2006 ;

- le résultat du vote est erroné du fait de l'utilisation d'une liste de propriétaires non mise à jour ;

- ces vices de procédure ont privé les intéressés d'une garantie dès lors que l'arrêté préfectoral en litige les soumet à des obligations financières et a pour conséquence de porter atteinte aux principes à valeur constitutionnelle de liberté de propriété et d'égalité devant les charges publiques ;

- le commissaire enquêteur a émis une réserve relative à la cohérence entre la liste des parcelles incluses dans le périmètre de l'association et les plans parcellaires, qui n'a pas été prise en compte ;

- l'article L. 135-3 du code rural et de la pêche maritime a été méconnu dès lors que la présence d'une seule collectivité territoriale ne peut légalement suffire à la création d'une association foncière pastorale ;

- ces dispositions ont également été méconnues en ce que la commune de la Côte-d'Aime possède à elle-seule au moins la moitié de la superficie des terres incluses dans le périmètre de l'association.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2017 et un mémoire complémentaire, enregistré le 12 septembre 2018, lequel n'a pas été communiqué, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, devenu ministre de l'agriculture et de l'alimentation, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires ;

- le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 portant application de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me B... représentant M. D....

1. Considérant que, par arrêté du 4 novembre 2013, le préfet de la Savoie a autorisé l'association foncière pastorale de la Côte-d'Aime, devenue depuis la commune nouvelle de La Plagne Tarentaise, sur le territoire de la commune de La Côte-d'Aime ; que M. D... relève appel du jugement du 11 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision rejetant son recours gracieux ;

Sur la légalité de l'arrêté du 4 novembre 2013 et de la décision de rejet du recours gracieux de M. D... :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 135-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté : " Le préfet peut réunir les propriétaires intéressés en association foncière pastorale autorisée si, tout à la fois : / 1° La moitié au moins des propriétaires, dont les terres situées dans le périmètre représentent la moitié au moins de la superficie totale des terres incluses dans ce périmètre, a adhéré à l'association expressément ou dans les conditions prévues à l'article 13 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 précitée. Pour le calcul de ces quotités, sont présumés adhérents à l'association foncière les propriétaires dont l'identité ou l'adresse n'a pu être établie et qui ne se sont pas manifestés lors de l'enquête publique à la suite d'un affichage dans les mairies concernées et d'une publication dans un journal d'annonces légales. L'association foncière dispose des terres ainsi incorporées dans son périmètre pour une durée de cinq ans dans le cadre d'une convention pluriannuelle de pâturage. Cette convention ne peut être renouvelée qu'à la suite d'un nouvel affichage dans les mairies et d'une nouvelle publication dans un journal d'annonces légales ; / 2° L'association, un propriétaire des terres situées dans le périmètre ou, à défaut, un tiers prend l'engagement d'acquérir les biens dont le ou les propriétaires opteraient pour le délaissement prévu à l'article L. 135-4. Lorsque les collectivités territoriales participent à la constitution de l'association, la condition prévue au 1° ci-dessus est tenue pour remplie si ces collectivités et les autres propriétaires susceptibles d'être considérés comme ayant adhéré à l'association possèdent au moins la moitié de la superficie de ces terres. (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des termes de la délibération du 16 novembre 2009 que le conseil municipal de la commune de La Côte-d'Aime a approuvé le projet de création d'une association foncière pastorale autorisée sur le territoire de sa commune ; que, par sa délibération du 20 juin 2013, laquelle mentionne la superficie des terres incluses dans le périmètre de l'association, il a réitéré dans des termes non équivoques cette approbation ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le conseil municipal avait émis un avis favorable à ce projet ;

4. Considérant, en deuxième lieu et d'une part, qu'aux termes de l'article 12 de l'ordonnance du 1er juillet 2014 susvisée, dans sa rédaction applicable à la date des actes en litige : " (...) L'acte ordonnant l'ouverture de l'enquête est notifié à chaque propriétaire d'un immeuble susceptible d'être inclus dans le périmètre de la future association. (...) " ; qu'aux termes de l'article 13 de la même ordonnance : " L'acte ordonnant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article 12 organise la consultation des propriétaires (...). / Un propriétaire qui, dûment averti des conséquences de son abstention, ne s'opposerait pas expressément au projet est réputé favorable à la création de l'association. (...). " ; que l'article 8 du décret susvisé du 3 mai 2006 dispose : " Le préfet saisi d'un projet d'association syndicale autorisée prend un arrêté qui a pour objet : 1° D'ordonner l'ouverture de l'enquête publique prescrite par l'article 12 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 susvisée (...) ; 2° D'organiser la consultation des propriétaires prescrite par l'article 13 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 susvisée, selon l'une des modalités prévues à l'article 12. (...) Dans le cas d'une consultation écrite, l'arrêté informe les propriétaires du délai dans lequel chacun d'eux est invité à faire connaître, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, son adhésion ou son refus d'adhésion (...) ; 3° D'avertir les propriétaires qu'à défaut d'avoir fait connaître leur opposition par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans le délai fixé pour la consultation prévue au 2° ou de l'avoir le cas échéant manifestée par un vote à l'assemblée constitutive, ils seront réputés favorables à la création de l'association (...). Le projet de statuts de l'association syndicale et un formulaire d'adhésion ou de refus d'adhésion sont annexés à l'arrêté d'ouverture de l'enquête et joints à la notification dudit arrêté aux propriétaires intéressés. " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 19 février 2013, le préfet de la Savoie a invité les propriétaires concernés à faire connaître leur avis sur la création de l'association foncière pastorale autorisée de la Côte-d'Aime au moyen d'un formulaire à remplir et à retourner par lettre recommandée avec avis de réception, en précisant que, faute d'opposition exprimée avant le 6 mai 2013, leur avis serait réputé favorable ; qu'étaient joints à cet envoi une fiche de présentation de l'association, l'arrêté préfectoral n° 2013-106 du 4 février 2013 prescrivant l'ouverture d'une enquête publique, le projet de statuts de l'association et la liste des parcelles incluses dans son périmètre ; que deux réunions d'information à destination des propriétaires ont eu lieu à la mairie de La Côte d'Aime, les 12 mai et 4 novembre 2011 ; que, par ailleurs, le dossier d'enquête mis à disposition du public comportait un plan parcellaire et de périmètre, auquel les propriétaires intéressés ont pu se référer ; qu'enfin, le site internet de la préfecture de la Savoie a informé le public du projet de création de l'association et de l'ouverture d'une enquête publique portant sur cette création ;

6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 9 du décret du 3 mai 2006 susvisé : " (...) La notification de l'arrêté prescrite à l'article 12 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 susvisée est faite, sur la base des informations figurant sur le cadastre ou à l'aide des renseignements délivrés par le service de la publicité foncière au vu du fichier immobilier, à chacun des propriétaires dont les terrains sont susceptibles d'être inclus dans le périmètre de l'association. A défaut d'information sur le propriétaire, la notification est faite à son locataire et, à défaut de locataire, elle est déposée en mairie. / Si le terrain est indivis, la notification est valablement faite à celui ou ceux des co-indivisaires mentionnés sur la documentation cadastrale, sauf à ces derniers à faire savoir qu'ils mandatent tel autre d'entre eux pour les représenter. (...) " ; qu'aux termes de l'article 12 du même décret : " (...) Dans le cas d'une consultation écrite, un procès-verbal établi par le préfet constate le nombre des propriétaires consultés, le nombre et les noms de ceux qui ont répondu et le sens de la réponse de chacun d'entre eux, les noms des propriétaires qui, dûment avisés des conséquences de leur abstention, n'ont pas fait connaître leur opposition par écrit ainsi que le résultat de la consultation. Les adhésions ou les refus d'adhésion sont annexés à ce procès-verbal. (...) " ; que M. D... soutient que le défaut de mise à jour de la liste des propriétaires utilisée par le préfet pour la consultation serait à l'origine de " 22 % d'erreur possible " sur le résultat de cette consultation ; que, toutefois, il n'assortit cette affirmation d'aucune précision alors qu'il ressort du rapport du commissaire enquêteur que la direction départementale des territoires de la Savoie a assuré un suivi de la réception des courriers par leurs destinataires et effectué des recherches de propriétaires lorsqu'un envoi lui était retourné ou que des indications lui étaient données dans les réponses ; que, par ailleurs, le procès-verbal dressé le 15 juillet 2013 au terme de la consultation écrite constate, conformément aux dispositions précitées, le nombre de propriétaires consultés, le nombre de ceux qui ont répondu favorablement et défavorablement et le résultat de la consultation ; qu'il indique que " les bulletins d'adhésion de la consultation écrite sont annexés au présent procès-verbal " ; que le requérant n'allègue ni n'établit que ces formulaires n'ont pas été effectivement annexés à ce document ; que, s'il ne comporte pas les noms des propriétaires qui ont répondu, ni les noms de ceux qui, dûment avisés des conséquences de leur abstention, n'ont pas fait connaître leur opposition par écrit, il relève, d'une part, que 466 propriétaires sur les 892 consultés ont adhéré à l'association et que, d'autre part, ces propriétaires possèdent 2 215 hectares 63 ares et 79 centiares, soit la moitié au moins de la superficie de 2 436 hectares 44 ares et 53 centiares des terres incluses dans le périmètre de l'association foncière pastorale ; que, dans ces conditions, M. D..., qui ne conteste au demeurant pas ce constat, n'est fondé à soutenir ni que les propriétaires intéressés n'auraient pas bénéficié d'une information suffisante, ni que la procédure de consultation suivie pour la création de l'association ne permettrait pas de s'assurer que la majorité requise par les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 135-3 du code rural et de la pêche maritime est réunie ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 que M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'en raison des vices de procédure dont il serait entaché, l'arrêté en litige aurait privé les propriétaires intéressés par la création de l'association foncière pastorale d'une garantie et aurait porté atteinte aux principes à valeur constitutionnelle de liberté de propriété et d'égalité devant les charges publiques ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article L. 135-3 du code rural et de la pêche maritime précité ne font pas obstacle à ce qu'une association foncière pastorale ne comprenne qu'une seule collectivité territoriale ;

9. Considérant, en cinquième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit que l'apport de terrains d'une collectivité territoriale représente plus de la moitié de la surface d'une association foncière pastorale ;

10. Considérant, en sixième et dernier lieu, que, si le commissaire enquêteur a assorti son avis favorable d'une réserve tenant à ce qu'un soin particulier soit apporté à la cohérence entre la liste des parcelles incluses dans le périmètre de l'association foncière pastorale et les plans parcellaires, notamment pour celles qui y sont partiellement incluses, le requérant n'apporte aucune précision sur les incohérences qui demeureraient dans l'arrêté en litige et qui seraient susceptibles de l'entacher d'illégalité ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Savoie du 4 novembre 2013 et de la décision rejetant son recours gracieux ;

Sur les frais liés au litige :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,

Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.

Lu en audience publique, le 16 octobre 2018.

2

N° 16LY03105

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03105
Date de la décision : 16/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Associations syndicales - Questions communes - Constitution.

Associations syndicales - Questions propres aux différentes catégories d'associations syndicales.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : LIOCHON DURAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-16;16ly03105 ?
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