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11/10/2018 | FRANCE | N°17LY01683

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre a - formation à 3, 11 octobre 2018, 17LY01683


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux et des pénalités correspondantes auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1405288 du 17 février 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19 avril 2017, le 21 avril 2017 et le 19

février 2018, M. et Mme D..., représentés par Me Lagneaux, avocat, demandent à la cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux et des pénalités correspondantes auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1405288 du 17 février 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19 avril 2017, le 21 avril 2017 et le 19 février 2018, M. et Mme D..., représentés par Me Lagneaux, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 février 2017 ;

2°) en application de l'article R. 771-2 du code de justice administrative de surseoir à statuer sur leur demande dans l'attente que la cour d'appel de Lyon tranche la question de la date à laquelle doivent être considérées comme cédées les parts sociales de la société civile Challenger à leurs enfants A... et Elliott ;

3°) de les décharger de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme D... soutiennent que :

- le juge judiciaire est compétent pour apprécier la date à laquelle doivent être considérées comme cédées les parts sociales de la SC Challenger à leurs enfants A... et Elliott ;

- la clause de l'acte de cession du 29 juillet 2004, qui prévoyait un différé de jouissance jusqu'à complet paiement du prix est une clause de réserve de propriété, définie à l'article 2329 du code civil, et constitue donc une sureté et non une condition suspensive ; en conséquence, leurs parts sociales ont été vendues dès le 29 juillet 2004 ;

- la clause en cause n'est pas une condition suspensive au regard de la doctrine BOI-ENR-DG-20-20-70 n° 30 du 12 septembre 2012 et de la doctrine BOI-ENR-DMTOI-10-10-30-10 n° 130 ;

- à supposer que cette clause soit une clause suspensive, en application de l'article 1179 du code civil, en cas d'accomplissement d'une telle condition, l'obligation est réputée avoir existé depuis le jour où l'engagement a été contracté ; au jour de sa réalisation le 13 janvier 2010, le transfert de propriété s'est automatiquement et rétroactivement opéré au 29 juillet 2004 ;

- la cession étant intervenue le 29 juillet 2004, l'annulation des parts de la SC Challenger en 2010 et en 2011 est intervenue plus de cinq ans après celle-ci, conformément au 3 du I de l'article 150-0 A du code général des impôts ;

- en indiquant, dans ses écritures devant la cour, que la clause litigieuse est une clause de réserve de propriété, l'administration procède, sans pour autant en avoir fait la demande, à une substitution de base légale et reconnait, de la sorte, que la vente était parfaite au jour de la signature du contrat initial ;

- à titre subsidiaire, l'engagement de non revente à un tiers pendant cinq ans exigé par le 3 du I de l'article 150-0 A du code général des impôts a été respecté, l'annulation de parts sociales par une simple assemblée générale ne constituant pas une revente à un tiers ;

- la doctrine BOI-RPPM-PVBMI-10-20-30 n'interdit pas d'autres opérations que la cession des titres acquis ;

- la majoration de 40 % qui leur a été appliquée est insuffisamment motivée au regard de la loi du 11 juillet 1979, l'administration prétendant faire application du b de l'article 1728-1 du code général des impôts tout en ce prévalant de ce que le défaut déclaratif serait intentionnel, ce qui pourrait justifier une pénalité sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts ;

- la majoration de 40 % n'est pas justifiée, M. et Mme D... s'étant abstenus à bon droit de déposer une déclaration pour l'imposition d'une plus-value dont ils étaient exonérés ; la complexité juridique de la situation démontre que le manquement n'était pas délibéré.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 juillet 2017 et le 4 mai 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- l'administration n'a jamais varié dans son analyse juridique de la clause contractuelle objet du débat qui constitue une condition suspensive ayant pour effet de repousser le transfert de propriété des titres cédés au 13 janvier 2010, date de sa réalisation ;

- les autres moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 24 mai 2018, qui n'a pas été communiqué, M. et Mme D... concluent aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Par une ordonnance du 7 juin 2018 prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E..., première conseillère,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la vérification de la comptabilité de la société civile Challenger, l'administration fiscale a décidé d'imposer au titre des années 2010 et 2011, sur le fondement de l'article 150-0 A du code général des impôts, la plus-value réalisée par le dirigeant de cette société, M. C... D..., lors de la cession à ses fils, MM. A... et B...D..., de trois mille quatre cent quatorze parts de cette société. Les rehaussements en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été portés à la connaissance de M. et Mme D... par une proposition de rectification du 31 janvier 2013, qui a été confirmée en réponse aux observations des contribuables le 13 mai 2013. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 17 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharges des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux et des pénalités correspondantes auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " I. - 1. (...), les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, (...) de droits sociaux (...) sont soumis à l'impôt sur le revenu (...) / 3. Lorsque les droits détenus directement ou indirectement par le cédant avec son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants ainsi que leurs frères et soeurs dans les bénéfices sociaux d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés et ayant son siège en France ont dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années, la plus-value réalisée lors de la cession de ces droits, pendant la durée de la société, à l'une des personnes mentionnées au présent alinéa, est exonérée si tout ou partie de ces droits sociaux n'est pas revendu à un tiers dans un délai de cinq ans. A défaut, la plus-value est imposée au nom du premier cédant au titre de l'année de la revente des droits au tiers. ".

3. Aux termes de l'article 1582 du code civil : " La vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer (...) ". Aux termes de l'article 1583 du même code : " Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé " Il résulte de ces dispositions que la vente est un contrat qui, sauf stipulation contraire, opère transfert de propriété dès l'échange des consentements sur la chose et sur le prix. Toutefois, les parties à un tel contrat peuvent librement déroger aux dispositions de l'article 1583, qui n'est pas d'ordre public, et convenir que la propriété de la chose vendue ne sera transférée à l'acheteur qu'après l'exécution de certaines conditions ou l'accomplissement de formalités stipulées dans le contrat de vente.

4. La date à laquelle la cession de droits sociaux d'une société générant une plus-value imposable doit être regardée comme réalisée est celle à laquelle s'opère entre les parties, indépendamment des modalités de paiement, le transfert de propriété. Ce transfert de propriété a lieu, sauf dispositions contractuelles contraires, à la date où un accord intervient sur la chose et le prix.

5. Pour l'application des dispositions du 3. de l'article 150-0 A du code général des impôts, le délai de cinq ans au cours duquel tout ou partie de ces droits sociaux ne peut être revendu à un tiers s'apprécie à compter de la date à laquelle la cession des droits sociaux doit, ainsi qu'il vient d'être indiqué, regardée comme réalisée. L'exonération de plus-value en cas de cession de parts sociales n'étant applicable que lorsque la cession intervient au profit des personnes physiques limitativement énumérées, la revente des parts sociales à une autre personne que celles énoncées par l'article 150-0 A doit être considérée comme une vente à un tiers.

6. Il résulte de l'instruction que M. D... a fait apport, au cours de l'année 2003, d'actions qu'il détenait dans la société ADSI à la société civile Challenger. En rémunération de cet apport, trois mille quatre cent quatorze parts sociales de la société civile Challenger lui ont été attribuées. La plus-value réalisée à l'occasion de cet apport a été placée en sursis d'imposition, sur le fondement de l'article 150-0 B du code général des impôts. Par acte sous seing privé du 29 juillet 2004, M. D... a cédé ces parts sociales à ses deux fils, MM. A... et B...D.... Cet acte prévoyait que " le transfert de propriété, et de jouissance, est différé au jour du paiement de la dernière échéance du crédit vendeur (...) ". Il précisait que la cession des parts sociales serait enregistrée à la recette des impôts le jour du transfert de propriété effectif, accompagné d'un acte complémentaire constatant ce transfert de propriété et actant du complet paiement du prix. Par un acte sous seing privé du 13 janvier 2010, les parties à la cession ont constaté que bien que le prix de vente n'ait pas été payé intégralement, le cédant acceptait que le transfert de propriété et de jouissance intervienne au jour de ce second acte. Si, ainsi que le font valoir les requérants, un accord était intervenu sur la chose et le prix dès le 29 juillet 2004, l'acte du 29 juillet 2004 a expressément prévu que le transfert de propriété serait différé. En vertu des termes de l'acte du 13 janvier 2010, le transfert de propriété est intervenu au jour de la signature de ce dernier acte. Par suite, et quelle que soit la qualification qui pourrait être donnée en droit civil à la clause relative au transfert de propriété et de jouissance contenue dans l'acte du 29 juillet 2004, clause suspensive ou clause de réserve de propriété constituant une sûreté, la date à laquelle la cession des parts sociales de la société civile Challenger de M. D... à ses fils générant une plus-value imposable doit être regardée comme réalisée, est celle du 13 janvier 2010.

7. Le 14 janvier 2010, l'assemblée générale de la société civile Challenger a décidé de réduire son capital par voie de rachat et d'annulation de deux mille neuf cent soixante dix de ses parts sociales, correspondant à une partie des parts sociales cédées par M. D... à ses fils. Puis, le 14 janvier 2011, la société civile Challenger a de nouveau réduit son capital par voie de rachat et d'annulation de quatre cent quarante quatre parts supplémentaires, correspondant aux dernières parts sociales détenues par les fils de M. D... à la suite de leur cession par ce dernier. Ces opérations de réduction de capital de la société civile Challenger doivent s'analyser, au sens de l'article 150-0 A du code général des impôts, et sans que ne puisse avoir d'incidence sur cette qualification le régime fiscal des produits retirés par MM. A... et B...D...de ces opérations, comme la revente par les fils de M. D... de leurs parts sociales à un tiers. Celles-ci étant intervenues moins de cinq ans après la date à laquelle la cession des parts sociales de la société civile Challenger par M. D... à ses fils a généré une plus-value, l'administration, qui n'a pas procédé en cours de procédure contentieuse à une substitution de base légale, pouvait, pour ce motif, estimer que ladite cession n'entrait pas dans le champ de l'exonération prévue au 3 du I de l'article 150-0 A du code général des impôts et imposer, au nom de M. C... D..., la plus-value en résultant au titre des années de revente de ces droits.

8. Les prévisions du paragraphe n° 30 du BOI-ENR-DG-20-20-70 et du paragraphe n° 130 du BOI-ENR-DMTOI-10-10-30-10 qui ne sont pas relatifs aux plus-values de cession, mais aux droits d'enregistrement, ne contiennent, en tout état de cause, aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été ici fait application.

9. L'instruction administrative BOI-RPPM-PVBMI-10-20-30 selon laquelle " les droits sociaux ne doivent pas être revendus à un tiers dans un délai de cinq ans suivant la cession bénéficiant de l'exonération (...) / cette seconde cession doit être traitée distinctement de la première. La plus value réalisée doit être imposée si les conditions de l'article 150-0 A du code général des impôts sont réunies ", qui ne saurait faire l'objet d'une lecture a contrario, ne peut s'interpréter comme excluant du champ de la remise en cause de l'exonération les reventes ne générant pas de plus-value imposable sur le fondement de l'article 150-0 A du code général des impôts. Ce texte ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application. Par suite, M. et Mme D... ne sont pas fondés à se prévaloir des prévisions de ces doctrines sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur les pénalités :

10. M. et Mme D... reprennent en appel les moyens soulevés devant le tribunal tirés de ce que la majoration de 40 % qui leur a été appliquée n'est pas suffisamment motivée et qu'elle n'est pas justifiée, moyens auxquels le tribunal a suffisamment répondu. Il y a lieu, par adoption des motifs du tribunal et en précisant qu'une telle pénalité doit être motivée en application de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, d'écarter ces moyens comme non fondés.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire de surseoir à statuer dans l'attente que le juge judiciaire se prononce sur la nature de certaines clauses contractuelles en l'absence de difficultés sérieuses, M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme D... la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

Mme Fisher-Hirtz, présidente de chambre,

M. Souteyrand, président assesseur,

Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 11 octobre 2018.

6

N° 17LY01683


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre a - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01683
Date de la décision : 11/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-03-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Évaluation de l'actif. Plus et moins-values de cession.


Composition du Tribunal
Président : Mme FISCHER-HIRTZ
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : CABINET IXA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-11;17ly01683 ?
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