Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 23 septembre 2016 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1607798 du 14 mars 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 13 avril 2017, M.A..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier, avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 mars 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 23 septembre 2016 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " commerçant " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît le principe de loyauté administrative en ce que le préfet ne lui a pas demandé de produire les éléments complémentaires nécessaires à l'examen de sa demande et est entaché, à cet égard, d'un défaut d'examen préalable, réel et sérieux de sa demande ;
- le préfet a commis une erreur de fait sur la viabilité économique de son projet, telle que prévue par l'article R. 313-16-1, alinéa 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'aurait pas pris la même décision s'il avait entendu se limiter à l'absence de production de visa de long séjour ;
- le préfet ne pouvait lui opposer l'absence de visa de long séjour car il se trouve dans l'impossibilité d'obtenir un tel visa, dans la mesure où il dispose d'un passeport qui n'est pas reconnu par la France ;
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour, alors que son projet est économiquement viable, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur sa situation personnelle et au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus d'admission au séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en raison de la nécessité qu'il a d'entreprendre des démarches pour pourvoir à son remplacement ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant le titre de séjour et de l'illégalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire français.
Par une ordonnance du 19 juin 2018 la clôture d'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention relative au statut des apatrides ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme C..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., se déclarant apatride, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour pour pouvoir exercer la profession commerciale de pâtissier, dans une boulangerie-pâtisserie dans laquelle il indique être l'un des associés. Il relève appel du jugement en date du 14 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 septembre 2016 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, et des décisions prises par la même autorité le même jour portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur le refus de séjour :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-10 du même code : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / (...) 2° A l'étranger qui vient exercer une profession commerciale, industrielle ou artisanale, à condition notamment qu'il justifie d'une activité économiquement viable et compatible avec la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques et qu'il respecte les obligations imposées aux nationaux pour l'exercice de la profession envisagée. Elle porte la mention de la profession que le titulaire entend exercer. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent 2° (...) ". Aux termes de l'article R. 313-16 1° du même code : " (...) L'étranger qui envisage de participer à une activité ou une entreprise existante doit présenter les justificatifs permettant de s'assurer de son effectivité et d'apprécier la capacité de cette activité ou de cette société à lui procurer des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein. Dans tous les cas, l'étranger doit justifier qu'il respecte la réglementation en vigueur dans le domaine d'activité en cause. Un arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé des finances fixe la liste des pièces justificatives que l'étranger doit produire. ".
4. Il résulte de ces dispositions que la délivrance d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle à l'étranger qui vient exercer en France une profession commerciale, industrielle ou artisanale est subordonnée, notamment, à la viabilité économique de l'activité envisagée. Lorsque l'étranger n'est pas le créateur de l'activité qu'il entend exercer, il lui appartient de présenter les justificatifs permettant de s'assurer de son effectivité et d'apprécier la capacité de cette activité ou de cette entreprise à lui procurer des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein.
5. Pour refuser de délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à M. A..., le préfet du Rhône a indiqué que l'intéressé ne remplissait pas les conditions de délivrance d'un tel titre de séjour dès lors qu'il n'avait pas de visa de long séjour. Il a " par ailleurs " indiqué qu'après une " étude approfondie du dossier de l'intéressé, M. A... n'apporte pas de justifications suffisamment probantes et étayées permettant de constater la viabilité économique et la pérennité de son projet commercial, et qu'il ne satisfait ainsi pas aux conditions prévues à l'article R. 313-16-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ".
6. M. A..., qui détenait un titre de séjour délivré le 27 février 2014 par les autorités bulgares, portant la mention selon laquelle il était apatride et disposait de ce titre de séjour, d'une durée de validité de trois ans, au titre de la protection subsidiaire, était soumis, conformément à l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'obligation de produire un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois afin de se voir délivrer en France un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La Bulgarie étant partie, depuis 2012, à la convention relative au statut des apatrides signée à New York le 28 septembre 1954 qui prévoit en son article 28 l'obligation pour l'État ayant reconnu la qualité d'apatride à un étranger de lui délivrer un document de voyage, tenant lieu de passeport, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il se trouvait dans l'impossibilité matérielle d'obtenir un visa des autorités françaises dans la mesure où il ne disposait que d'un passeport palestinien non reconnu par les autorités françaises. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il n'avait pas présenté de visa de long séjour à l'appui de sa demande.
7. Le préfet du Rhône, en indiquant, par ailleurs, que l'intéressé n'apportait pas de justifications suffisamment probantes et étayées permettant de constater la viabilité économique et la pérennité de son projet commercial, et qu'il ne satisfait ainsi pas aux conditions prévues à l'article R. 313-16-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas opposé à M. A... le caractère incomplet de sa demande, mais a estimé qu'au vu des éléments communiqués, son projet commercial ne présentait pas un caractère suffisamment viable. Le préfet, qui disposait au dossier d'éléments sur le projet commercial de M. A... n'était pas tenu, avant de statuer sur sa demande, de l'inviter à produire des éléments complémentaires. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour méconnaîtrait le principe de loyauté administrative au motif que le préfet ne lui aurait pas demandé de produire les éléments complémentaires nécessaires à l'examen de sa demande et serait entaché, à cet égard, d'un défaut d'examen préalable, réel et sérieux de sa demande doit être écarté.
8. Pour justifier du caractère viable de son projet commercial, M. A... a produit le compte de résultat établi au 30 septembre 2016 de la société " La Boulange ", dont il détient soixante-quinze des cents parts sociales, qui fait apparaître que la société, qui a embauché à compter de janvier 2016 une salariée en CDI à temps complet, a dégagé un bénéfice net annuel de 7 446 euros. Ces éléments ne suffisent pas à démontrer que l'entreprise de M. A... a la capacité de lui procurer des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein. Par suite le préfet n'a commis ni erreur de fait, ni erreur d'appréciation en estimant que ce projet commercial n'était pas suffisamment viable au sens des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. M. A... reprend en appel les moyens tirés de ce qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, alors que son projet est économiquement viable, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur sa situation personnelle et au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, moyens auxquels le tribunal a suffisamment répondu. Il y a lieu, par adoption des motifs du tribunal, d'écarter ces moyens.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
10. Il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
11. M. A... reprend en appel le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur sa situation personnelle, moyen auquel le tribunal a suffisamment répondu. Il y a lieu, par adoption des motifs de tribunal, d'écarter ce moyen.
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour et de celle l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de départ volontaire.
13. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) ".
14. Contrairement à ce qu'allègue M. A..., il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait le maître de stage d'un apprenti ayant été recruté au sein de la société " La Boulange ", les contrats d'apprentissage produits par le requérant faisant apparaître l'un de ses associés comme maître de stage. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas un délai de départ supérieur à trente jours afin d'organiser son remplacement n'est pas fondé.
Sur la décision fixant le pays de destination :
15. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour et de celle l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ;
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D...A...et au ministre d'État, de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
Mme Fisher-Hirtz, présidente de chambre,
M. Souteyrand, président assesseur,
Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 11 octobre 2018.
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N° 17LY01593