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08/10/2018 | FRANCE | N°18LY01283

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 08 octobre 2018, 18LY01283


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 21 juillet 2017 par lesquelles le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné un pays de destination et a porté de dix-huit mois à deux ans l'interdiction de retour en France prononcée le 3 mai 2016.

Par un jugement n° 1706032 du 26 décembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa d

emande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 avril 2018, M. B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 21 juillet 2017 par lesquelles le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné un pays de destination et a porté de dix-huit mois à deux ans l'interdiction de retour en France prononcée le 3 mai 2016.

Par un jugement n° 1706032 du 26 décembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 avril 2018, M. B..., représenté par Me Lantheaume, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 décembre 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans le délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué ne vise pas son mémoire en réplique adressé au tribunal avant la clôture d'instruction et communiqué au préfet de l'Ardèche ; il ne ressort pas non plus des motifs du jugement que ce mémoire non visé ait été pris en compte par le tribunal ; le tribunal n'a pas statué, dans son dispositif, sur l'intervention volontaire de la société DGM ; il n'a pas répondu au moyen de cet intervenant volontaire ; ainsi, ce jugement est irrégulier ;

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ; il procède d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; le préfet a commis une erreur de droit dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ce refus méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et la décision fixant le pays de renvoi sont illégales par voie de conséquence ;

- il en va de même de la décision portant interdiction de retour durant deux ans ; en outre, cette décision est insuffisamment motivée.

Par un mémoire enregistré le 6 août 2018, le préfet de l'Ardèche conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Clot, président,

- les observations de Me Lantheaume, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 27 décembre 1964, de nationalité arménienne, est entré irrégulièrement en France le 11 mai 2011 accompagné de son épouse, de leur fils et de sa mère. L'asile leur a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mai 2012 et par la Cour nationale du droit d'asile le 8 janvier 2013. Leur admission exceptionnelle au séjour a été refusée le 24 janvier 2013 et ce refus a été assorti de l'obligation de quitter le territoire français. Le 27 juin 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions. Le 3 mai 2016, M. B... a de nouveau fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire et d'une interdiction de retour durant dix-huit mois. Son recours contre ces mesures a été rejeté par le tribunal administratif de Nîmes et par la cour administrative d'appel de Marseille. Le 28 novembre 2016, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 21 juillet 2017, le préfet de l'Ardèche lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a porté de dix-huit mois à deux ans l'interdiction de retour en France prononcée le 3 mai 2016. M. B... interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 21 juillet 2017.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. B... fait valoir que le tribunal administratif a, en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, omis de mentionner, dans les visas du jugement attaqué, son mémoire en réplique, enregistré le 15 novembre 2017, avant la clôture de l'instruction, une telle circonstance n'est, par elle-même, pas de nature à vicier la régularité de ce jugement dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que ces écritures n'apportaient aucun élément nouveau auquel il n'aurait pas été répondu dans les motifs dudit jugement.

3. Le tribunal administratif de Lyon a omis de statuer sur la recevabilité de l'intervention présentée devant lui par la société DGM. Il y a lieu, par suite, d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué et de statuer immédiatement sur la recevabilité de cette intervention.

Sur l'intervention de la société DGM :

4. Est recevable à former une intervention, devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige.

5. M. B... a demandé l'annulation du refus de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " en se prévalant notamment d'une promesse d'embauche de la société DGM. Ainsi, l'intervention de cette société au soutien de cette demande est recevable.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

6. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. "

7. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

8. Selon la décision en litige, M. B... ne remplit pas les conditions d'obtention d'une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'où il résulte qu'il ne justifie pas de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires et que, " en conséquence ", le préfet n'a pas " jugé opportun d'exercer [son] pouvoir discrétionnaire et d'accorder la régularisation demandée sur le fondement de l'article L. 313-14 ". Ainsi, il ne ressort pas de cette motivation que le préfet ait recherché s'il était fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance à M. B... d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Dès lors, il a commis une erreur de droit.

9. Il résulte de ce qui précède que le refus de titre de séjour opposé à M. B... est entaché d'illégalité de même que, par voie de conséquence, les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et portant de dix-huit mois à deux ans l'interdiction de retour en France prononcée le 3 mai 2016. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. D'une part, qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; que l'article L. 911-3 de ce code dispose que : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. "

11. D'autre part, qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) ".

12. L'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas, eu égard au motif sur lequel elle repose, la délivrance d'un titre de séjour à M.B..., mais implique seulement que le préfet réexamine sa situation, dans un délai de deux mois suivant la notification de cet arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Lantheaume, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le paiement à cet avocat d'une somme de 800 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la société DGM est admise.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 décembre 2017 et les décisions du préfet de l'Ardèche du 21 juillet 2017 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Ardèche de réexaminer la situation de M. B... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Me Lantheaume la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la société DGM, au préfet de l'Ardèche et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Privas.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2018.

5

N° 18LY01283


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01283
Date de la décision : 08/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : LANTHEAUME

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-08;18ly01283 ?
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