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08/10/2018 | FRANCE | N°17LY02921

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 08 octobre 2018, 17LY02921


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Air Liquide France Industrie a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 26 octobre 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

- a retiré sa décision implicite de rejet de son recours contre la décision du 24 avril 2015 par laquelle l'inspecteur du travail chargé de l'unité de contrôle interdépartementale n° 1 de l'Isère a refusé d'autoriser le licenciement de M. A... ;

- a annulé cett

e décision de l'inspecteur du travail ;

- a refusé d'autoriser ce licenciement.

Par un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Air Liquide France Industrie a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 26 octobre 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

- a retiré sa décision implicite de rejet de son recours contre la décision du 24 avril 2015 par laquelle l'inspecteur du travail chargé de l'unité de contrôle interdépartementale n° 1 de l'Isère a refusé d'autoriser le licenciement de M. A... ;

- a annulé cette décision de l'inspecteur du travail ;

- a refusé d'autoriser ce licenciement.

Par un jugement n° 1510849 du 13 juin 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 26 octobre 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2017, M. A..., représenté par Me Dumoulin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juin 2017 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a annulé la décision du 26 octobre 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;

2°) de rejeter la demande de la société Air Liquide France Industrie devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la société Air Liquide France Industrie une somme de 2 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 26 octobre 2015 est suffisamment motivée ;

- la fouille dont il a fait l'objet est illicite et ne peut constituer une preuve des faits reprochés par son employeur ;

- l'engagement de la procédure disciplinaire à son encontre procède exclusivement de cette fouille et aucun fait fautif ne peut ainsi être retenu ;

- aucun fait suffisamment grave de nature à justifier son licenciement ne saurait être retenu à son encontre ;

- son licenciement est en rapport avec le contentieux judiciaire de nature syndicale qui l'a opposé à son employeur.

Par un mémoire enregistré le 6 novembre 2017, la société Air Liquide France Industrie, représentée par Me Murgier, avocat, conclut au rejet de la requête, à ce que le licenciement de M. A... soit autorisé et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conditions dans lesquelles peut être réalisée une fouille ont été respectées ;

- la preuve des griefs reprochés peut être rapportée par d'autres moyens et M. A... reconnaît les faits ;

- M. A... a emporté deux bouteilles remplies d'argon, sans autorisation préalable de la direction du site, en méconnaissance du règlement intérieur, ce qui constitue une faute suffisamment grave pour justifier son licenciement ;

- la décision du ministre du 26 octobre 2015 est insuffisamment motivée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

- les observations de Me Piéri, avocat, pour M. A..., ainsi que celles de Me Derdak, avocat, substituant le cabinet Capstan LMS, pour la société Air Liquide France Industrie ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Air Liquide France Industrie, qui a pour activité la production, le conditionnement et la livraison de gaz industriel, a saisi l'inspecteur du travail, le 3 avril 2015, d'une demande d'autorisation de licenciement, pour motif disciplinaire, concernant M. A..., salarié de la société depuis le 1er avril 1992, employé en qualité d'opérateur de production et exerçant alors les mandats de délégué syndical d'établissement depuis le 10 octobre 2013 et de membre titulaire du comité d'établissement depuis le 2 avril 2012. Par une décision du 24 avril 2015, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. A.... L'intéressé a saisi le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, le 21 mai 2015, d'un recours hiérarchique contre cette décision. Le 23 septembre 2015, le ministre a implicitement rejeté ce recours. Toutefois, par décision du 26 octobre 2015, le ministre du travail a retiré sa décision implicite du 23 septembre 2015, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 24 avril 2015 et refusé l'autorisation de licencier M. A.... Par jugement du 13 juin 2017, le tribunal administratif de Lyon, après avoir annulé la décision du 26 octobre 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Air Liquide France Industrie. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit aux conclusions de la société Air Liquide France Industrie tendant à l'annulation du refus du ministre d'autoriser son licenciement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 20 du règlement intérieur de l'établissement de Feyzin de la société Air Liquide France Industrie : " (...) En cas de nécessité, appuyée par une constatation préalable, d'un fait particulier, la Direction pourra faire procéder à des vérifications relatives aux objets emportés par les salariés. Cette vérification ne peut être exécutée qu'avec le consentement express du salarié qui a la faculté de se faire assister d'un témoin de son choix. En cas de refus, l'employeur peut recourir aux services de police judiciaire compétents ".

3. Pour demander à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. A..., la société Air Liquide France Industrie a reproché au salarié d'avoir emporté sans autorisation, le 24 mars 2015, deux bouteilles d'une contenance de onze litres chacune remplies d'argon, en les dissimulant sous une couverture dans le coffre de sa voiture.

4. Il ressort des pièces du dossier que les faits litigieux ont été constatés à l'issue d'une vérification du contenu du coffre de la voiture personnelle de l'intéressé, effectuée par le responsable d'exploitation du site, accompagné du responsable des ressources humaines, qui ont demandé à l'intéressé l'autorisation de procéder à cette vérification. Le requérant a accepté la vérification du contenu du coffre de sa voiture qui a été réalisée en présence d'un délégué du personnel.

5. Il est constant que M. A... n'a pas été informé de la possibilité de se faire assister par un témoin de son choix lors de cette vérification, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 20 du règlement intérieur de l'établissement de Feyzin de la société Air Liquide France Industrie qui prévoit une telle faculté. Ainsi, le constat effectué à l'issue de la vérification du contenu du coffre du véhicule personnel de M. A... ne pouvait constituer un mode de preuve licite.

6. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de la réunion du comité d'établissement du 2 avril 2015 et du courrier du 3 avril 2015 par lequel l'employeur a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier l'intéressé, que M. A... a expressément reconnu les faits qui lui étaient reprochés. Cette reconnaissance des faits par l'intéressé lui-même constitue un mode de preuve distinct permettant d'établir la réalité des faits reprochés et sur lequel l'inspecteur du travail pouvait valablement se fonder pour accorder à la société Air Liquide France Industrie l'autorisation de licencier M. A.... Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision du 26 octobre 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, le tribunal a retenu le moyen tiré de ce que la preuve de la réalité des faits reprochés ne procédait pas seulement de la fouille illicite du véhicule de l'intéressé, mais également de ses propres déclarations.

7. En second lieu, le requérant ne peut utilement soutenir que les faits reprochés ne constitueraient pas une faute suffisamment grave pour justifier son licenciement et qu'il existe un lien entre cette mesure et ses mandats syndicaux, dès lors que la décision ministérielle en litige du 26 octobre 2015 n'accorde pas à son employeur l'autorisation de le licencier.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le ministre autorise le licenciement de M. A..., mais implique seulement qu'il procède à un réexamen de la demande d'autorisation de licenciement. Par suite, les conclusions de la société Air Liquide France Industrie, qui doivent être regardées comme tendant seulement à ce qu'il soit enjoint au ministre de lui délivrer l'autorisation de licenciement sollicitée, doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre des frais exposés à l'occasion du litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de société Air Liquide France Industrie qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés à l'occasion du litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Air Liquide France Industrie tendant au bénéfice de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Air Liquide France Industrie sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. B... A..., à la société Air Liquide France Industrie et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2018.

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N° 17LY02921


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02921
Date de la décision : 08/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CAPSTAN LMS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-08;17ly02921 ?
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