Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler :
- la décision du 21 mai 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de la section 5 de la Haute-Loire a autorisé la SAS Deville Rectification à le licencier ;
- la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique notifié le 10 juillet 2015.
Par un jugement n° 1600005 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 26 juillet 2017, M. D..., représenté par Me Juilles, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 mai 2017 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de la SAS Deville Rectification une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que la SAS Deville Rectification ne pouvait former un recours gracieux devant l'inspecteur du travail sans méconnaître l'article R. 2422-1 du code du travail ;
- la compétence du signataire de la décision autorisant son licenciement n'est pas établie ;
- il n'est pas établi qu'il a bénéficié d'une audition personnelle et individuelle ;
- il n'a pas eu la possibilité de discuter sur l'audition du témoin présent lors de la réunion du 19 février 2015 ;
- l'inspecteur du travail aurait dû procéder à une nouvelle enquête après la seconde demande présentée par l'employeur ;
- la convocation à l'entretien préalable ne mentionnait pas l'adresse du lieu de la réunion ;
- l'enquête qui aurait été menée par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) n'était pas jointe à la convocation ; il en est de même du compte-rendu de la réunion du 19 février 2015 ;
- le délai séparant l'entretien préalable et la consultation du comité d'entreprise était insuffisant ;
- le délai prévu par l'article R. 2421-14 du code du travail n'a pas été respecté ;
- sa mise à pied n'est pas motivée et n'a pas été notifiée à l'inspecteur du travail dans le délai prévu par l'article L. 2421-1 du code du travail ;
- les dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail font obstacle à ce qu'un recours gracieux puisse être présenté à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail ;
- le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;
- les faits reprochés n'étaient pas de nature à justifier son licenciement, eu égard notamment à son ancienneté, à la qualité de son travail, à l'absence d'antécédent disciplinaire ;
- l'acte reproché est lié à son mandat de membre du CHSCT de l'entreprise.
Par un mémoire enregistré le 26 février 2018, la SAS Deville Rectification, représentée par Me Arsac, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'autorisation de licencier l'intéressé a été prise par une autorité compétente ;
- le caractère contradictoire de la procédure a été respecté ;
- elle avait la possibilité d'exercer un recours gracieux à l'encontre de la première décision rendue et l'inspecteur du travail n'était pas tenu d'organiser une nouvelle enquête ;
- la procédure préalable à la saisine de l'inspecteur a été respectée ;
- les faits reprochés à l'intéressé sont extérieurs aux mandats qu'il détient ;
- la faute est suffisamment grave pour justifier le licenciement de l'intéressé.
Par un mémoire enregistré le 18 juin 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- par décision du 8 janvier 2016, elle a expressément confirmé le rejet implicite du recours hiérarchique présenté par M. D... et les moyens dirigés contre la décision implicite de rejet doivent être regardés comme étant dirigés contre la décision expresse ;
- la décision du 21 mai 2015 a été signée par une autorité compétente ;
- le requérant n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il n'a pas été reçu individuellement ou que l'entretien se serait déroulé en présence de l'employeur ;
- l'inspecteur du travail, qui a mis à même l'intéressé de présenter des observations, a respecté le principe du contradictoire dans l'instruction du recours gracieux présenté par l'employeur, compte tenu de l'absence d'éléments nouveaux ;
- l'audition du représentant du personnel n'a pas constitué un élément déterminant dans l'établissement de la matérialité des faits ; son témoignage n'avait pas à être communiqué ; de plus, l'inspecteur n'était pas tenu d'auditionner l'ensemble des témoins ;
- la décision de l'inspecteur du travail peut faire l'objet d'un recours gracieux devant cette même autorité ; en outre, il était tenu de le faire en l'espèce, compte tenu de l'illégalité du refus initial ;
- en ce qui concerne les autres moyens de l'égalité interne, il se réfère aux rapports d'enquête et de contre-enquête qu'il produit.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Deville Rectification, spécialisée dans le secteur de la mécanique industrielle, a saisi l'inspecteur du travail, le 23 mars 2015, d'une demande d'autorisation de licenciement, pour motif disciplinaire, de M. D..., salarié de l'entreprise depuis 1977, employé en qualité d'agent de production et exerçant alors les mandats de membre titulaire du comité d'entreprise, de délégué du personnel et de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Par une décision du 24 avril 2015, l'inspectrice du travail de la Haute-Loire a refusé d'autoriser le licenciement de M. D.... Le 28 avril 2015, la SAS Deville Rectification a exercé un recours gracieux à l'encontre de ce refus et par décision du 21 mai 2015, l'inspectrice du travail, après avoir retiré le refus du 24 avril 2015, a autorisé le licenciement de l'intéressé. Le 9 juillet 2015, M. D... a formé un recours hiérarchique à l'encontre de cette décision qui a été implicitement rejeté par le ministre, le 11 novembre 2015. Par décision du 8 janvier 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a expressément confirmé le rejet du recours hiérarchique formé par M. D.... Par jugement du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de M. D... tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 21 mai 2015 et du rejet de son recours hiérarchique par le ministre. M. D... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Au point 5 du jugement attaqué, le tribunal a considéré que l'inspectrice du travail de la Haute-Loire était tenue de rapporter sa décision refusant l'autorisation de licenciement, qui était illégale, dans les délais de recours contentieux et qu'ainsi, c'était sans commettre d'erreur de droit qu'elle avait fait droit au recours gracieux de la SAS Deville Rectification. Dès lors, contrairement à ce que soutient le requérant, le tribunal a ainsi nécessairement répondu au moyen tiré de l'impossibilité d'exercer un recours gracieux à l'encontre d'une décision de refus d'autorisation de licenciement rendue par l'inspecteur du travail.
Sur la légalité des décisions en litige :
3. En premier lieu, un inspecteur du travail ne peut assurer l'intérim de l'inspecteur du travail territorialement compétent pour statuer sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé que s'il a été expressément et nommément désigné à cette fin par une décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.
4. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 21 mai 2015 autorisant la SAS Deville Rectification à licencier M. D... a été signée, par intérim, par Mme A...C..., inspectrice du travail de la 7ème section de l'unité territoriale de la Haute-Loire, alors que la demande relevait de la compétence de la 5ème section de cette unité qui était affectée à M. E... F....
5. Selon l'article 7 de l'arrêté du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne du 15 décembre 2014, régulièrement publié, M. F..., inspecteur du travail, est affecté à la 5ème section de l'unité territoriale de la Haute-Loire et Mme C..., inspectrice du travail, est affectée à la 7ème section de cette unité territoriale. L'article 11 de cet arrêté précise qu'en cas d'absence ou d'empêchement de l'inspecteur du travail de la 5ème section, l'intérim est assuré par l'inspectrice du travail de la 7ème section. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. F... n'aurait pas été absent ou empêché le 21 mai 2015, date de la décision en litige. Par suite, Mme C... était compétente pour prendre cette décision.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2421-11 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. /L'inspecteur du travail prend sa décision dans un délai de quinze jours, réduit à huit jours en cas de mise à pied. Ce délai court à compter de la réception de la demande d'autorisation de licenciement. Il n'est prolongé que si les nécessités de l'enquête le justifient. L'inspecteur avise de la prolongation du délai les destinataires mentionnés à l'article R. 2421-12. "
7. Il ne ressort des pièces du dossier ni que M. D... et M. G..., représentant son employeur, qui ont été convoqués le même jour, soit le 9 mai 2015, dans les locaux de l'unité territoriale de la Haute-Loire de la DIRECCTE d'Auvergne auraient été entendus en même temps par l'inspecteur du travail, ni que M. D... n'aurait pu bénéficier d'une audition personnelle et individuelle conformément aux dispositions de l'article R. 2421-11 du code du travail.
8. En troisième lieu, le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article R. 2421-11 du code du travail impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné. Il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance en temps utile de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. Il implique enfin que l'inspecteur mette à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation. C'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.
9. Il ressort des pièces du dossier que pour autoriser le licenciement de M. D..., l'inspectrice du travail a retenu le fait qu'il avait violemment giflé un de ses collègues de travail. Pour justifier son geste, M. D... a indiqué que lors de la réunion des délégués du personnel du 19 février 2015, la direction de l'entreprise l'aurait désigné pour effectuer un audit sur le nettoyage des machines, plusieurs salariés ne procédant pas au nettoyage de leurs machines et qu'il s'en serait suivi des incidents qui ont abouti au geste qui lui est reproché. Le requérant soutient qu'il n'a pas eu communication de l'audition du représentant du personnel qui a indiqué que lors de la réunion des délégués du personnel du 19 février 2015, il n'aurait pas été fait état de son nom en ce qui concerne l'audit relatif au nettoyage des machines. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision de l'inspectrice du travail que l'audition de ce représentant du personnel n'a fait que confirmer les termes du compte-rendu de la réunion du 19 février 2015 qui avait été porté à la connaissance de M. D... et qui ne mentionne ni le nom des représentants qui ont dénoncé les manquements en matière de nettoyage des machines, ni celui de M. D... comme ayant été mandaté pour effectuer un audit sur ce problème. Ainsi, ce témoignage ne peut être regardé comme un élément déterminant qui aurait dû être communiqué à M. D.... Par suite, l'inspectrice du travail, qui, par ailleurs, n'était pas tenue d'entendre l'ensemble des représentants du personnel présents à la réunion du 19 février 2015, n'a pas méconnu le caractère contradictoire de l'enquête prévue à l'article R. 2421-11 du code du travail.
10. En quatrième lieu, en excluant les décisions prises sur demande de l'intéressé du champ d'application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, alors en vigueur, le législateur a entendu dispenser l'administration de recueillir les observations de l'auteur d'un recours gracieux ou hiérarchique. Toutefois, il n'a pas entendu pour autant la dispenser de recueillir les observations du tiers au profit duquel la décision contestée par ce recours a créé des droits. Il suit de là qu'il ne peut être statué sur un tel recours qu'après que le bénéficiaire de la décision créatrice de droits a été mis à même de présenter ses observations dans un délai suffisant.
11. Il ressort des pièces du dossier, que saisie d'une demande en ce sens présentée par la SAS Deville Rectification le 28 avril 2015, par décision du 21 mai 2015, l'inspectrice du travail a retiré son refus du 24 avril 2015 d'autoriser le licenciement de M. D..., ayant considéré à tort que la demande présentée par l'employeur n'était pas motivée. Il ressort des pièces du dossier que le motif du licenciement de M. D... est demeuré inchangé. Ainsi, la demande d'autorisation de licenciement présentée par la SAS Deville Rectification le 28 avril 2015 ne constitue pas une nouvelle demande s'appuyant sur des éléments de fait ou de droit nouveau survenus à la suite de la première demande du 23 mars 2015. Par suite, l'inspectrice n'était pas tenue de procéder à une nouvelle enquête contradictoire. Il ressort également des pièces du dossier que par courrier du 12 mai 2015, l'inspectrice du travail a transmis à M. D... le recours présenté par la SAS Deville Rectification en l'informant de l'absence d'éléments nouveau justifiant l'organisation d'une nouvelle enquête contradictoire, en lui demandant de présenter ses observations écrites et en lui proposant de le recevoir le 18 mai 2015. Par courrier du 19 mai 2015, M. D... a confirmé par écrit les observations qu'il avait présentées à l'inspectrice du travail par téléphone le jour même. Ainsi, le requérant a été mis à même de présenter ses observations dans un délai suffisant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire et de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne peut qu'être écarté.
12. En cinquième lieu, il résulte des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail que la décision de l'inspecteur du travail refusant ou autorisant un licenciement peut faire l'objet d'un recours hiérarchique auprès du ministre compétent. Toutefois, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que le destinataire de la décision de l'inspecteur de travail forme un recours gracieux contre celle-ci. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'inspectrice du travail ne pouvait légalement se prononcer sur le recours gracieux présenté par la SAS Deville Rectification.
13. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. /La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. /L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ". Aux termes de l'article R. 1232-1 de ce code : " La lettre de convocation prévue à l'article L. 1232-2 indique l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur. /Elle précise la date, l'heure et le lieu de cet entretien. /Elle rappelle que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller du salarié ".
14. La lettre du 11 mars 2015 de la SAS Deville Rectification convoquant M. D... à l'entretien préalable au licenciement précise notamment le motif de cette convocation et le lieu de l'entretien et comporte en entête l'adresse complète de l'entreprise, qui ne dispose que d'un seul établissement. Ainsi, et contrairement à ce qu'il soutient, le requérant a été régulièrement informé du lieu de l'entretien préalable. En outre, ni les articles précités ni aucune autre disposition du code du travail n'impose à l'employeur de produire devant le salarié, avant l'entretien préalable, les documents sur la base desquels il entend fonder le licenciement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation de l'intéressé à l'entretien préalable et de son déroulement doit être écarté.
15. En septième lieu, aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. (...) ". Aux termes de l'article R. 2421-8 du même code : " L'entretien préalable au licenciement a lieu avant la consultation du comité d'entreprise faite en application de l'article L. 2421-3. A défaut de comité d'entreprise, cet entretien a lieu avant la présentation de la demande d'autorisation de licenciement à l'inspecteur du travail. "
16. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été convoqué par lettre du 11 mars 2015 à un entretien préalable à son licenciement, fixé au 23 mars 2015 à 9 heures et que la réunion du comité d'entreprise s'est tenue le même jour à 14 heures. Toutefois le requérant connaissait les faits qui lui étaient reprochés dès le 12 mars 2015, date de la remise en main propre de la lettre le convoquant à l'entretien et lui signifiant sa mise à pied et à laquelle il avait répondu le 16 mars 2015 en indiquant qu'il regrettait son geste. Ainsi, M. D... doit être regardé comme ayant pu effectivement présenter utilement ses observations devant le comité d'entreprise. Par suite, la brièveté du délai séparant l'entretien préalable au licenciement et la réunion du comité d'entreprise n'a pas, en l'espèce, vicié la procédure interne à l'entreprise.
17. En huitième lieu, aux termes de l'article R. 2421-14 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. / La consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. / La demande d'autorisation de licenciement est présentée dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. S'il n'y a pas de comité d'entreprise, cette demande est présentée dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied / La mesure de mise à pied est privée d'effet lorsque le licenciement est refusé par l'inspecteur du travail ou, en cas de recours hiérarchique, par le ministre. "
18. Les délais fixés par l'article R. 2421-14 du code du travail cité ci-dessus, dans lesquels la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié mis à pied doit être présentée, ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure de licenciement. Toutefois, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied, l'employeur est tenu, à peine d'irrégularité de sa demande, de respecter un délai aussi court que possible pour la présenter.
19. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été mis à pied à compter du 11 mars 2015, que le comité d'établissement a été consulté sur le projet de licenciement le 23 mars 2015 et que la demande d'autorisation de licenciement a été présentée le même jour. Le dépassement du délai de dix jours prévu entre la mise à pied et la consultation du comité d'entreprise n'était pas, en l'espèce, excessif et n'affecte pas, dès lors, la régularité de la procédure suivie par l'employeur.
20. En neuvième lieu, aux termes de l'article L. 2421-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué syndical, d'un salarié mandaté ou d'un conseiller du salarié est adressée à l'inspecteur du travail. /En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé dans l'attente de la décision définitive. /Cette décision est, à peine de nullité, motivée et notifiée à l'inspecteur du travail dans le délai de quarante-huit heures à compter de sa prise d'effet. /Si le licenciement est refusé, la mise à pied est annulée et ses effets supprimés de plein droit. "
21. La violation de la procédure susmentionnée n'entraîne que la nullité de la décision de mise à pied et non l'irrégularité de la demande d'autorisation de licenciement. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de mise à pied de M. D... n'a pas été motivée et notifiée à l'inspecteur du travail dans le délai fixé par les dispositions rappelées ci-dessus est sans incidence sur la légalité des décisions contestées.
22. En dixième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
23. Pour demander l'autorisation de licencier M. D..., la SAS Deville Rectification a reproché au salarié d'avoir giflé un de ses collègues pendant le temps et sur le lieu de travail. Le requérant ne conteste pas la matérialité des faits retenus contre lui.
24. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la viole gifle donnée par M. D... à son collègue de travail ait été provoquée par l'attitude de ce dernier. Ainsi, en dépit de l'ancienneté de l'intéressé dans l'entreprise, de son état de fatigue et de l'absence de précédents, ce fait qui a porté atteinte à l'intégrité morale et physique du collègue de M. D..., a constitué une faute suffisamment grave pour justifier son licenciement.
25. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de l'autorisation de licenciement serait en lien avec les mandats du requérant. En particulier, et ainsi qu'il a été dit précédemment, il n'est pas établi que le collègue de M. D... l'aurait harcelé au sujet de l'audit concernant la propreté des machines qui lui aurait été confié en sa qualité de membre du CHSCT lors de la réunion des délégués du personnel du 19 février 2015. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'un lien entre la mesure de licenciement et les mandats de l'intéressé doit être écarté.
Sur les conclusions relatives aux frais exposés à l'occasion du litige :
26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS Deville Rectification, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. D... à l'occasion du litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... le versement à la SAS Deville Rectification de la somme de 800 euros au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : M. D... versera à la SAS Deville Rectification la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. B... D..., à la SAS Deville Rectification et au ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2018
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N° 17LY02920